Classes/communauté humaine/révolution à titre humain

A travers des échanges avec Camille une exploration nouvelle d’une thématique ancienne et centrale pour Temps critiques.

 


 

Le 5/04/2017

j’espère que tu vas bien. Je suis bien arrivée à Londres. Il y avait quelques trucs de paperasse à régler d’abord. Maintenant je vais chercher un boulot.

En attendant je lis « La situation des classes laborieuses en Angleterre » d’Engels (un bon bouquin je trouve), « L’origine des espèces » de Darwin et quelques trucs de William Blake pour mettre un peu de poésie !

De ce dernier, « Le mariage du ciel et de la terre », étrange et très remarquable à mon avis. Il prend « le parti du Diable » contre les anges : pour lui les religions avec leurs codes et règles de conduites expriment « la voix des anges » qui sont soumis et passifs, et ne donnent jamais la parole aux démons, qui ont fort à dire ! Il donne une série de « proverbes de l’Enfer » dont un certain nombre sont tout à fait bien.

Amitiés !

Camille

 


 

Le 06/04/2017

PS : l’idée de lire William Blake m’est venue d’une remarque de l’historien britannique Thompson qui dit quelque part que Blake est peut-être un meilleur point de départ pour comprendre la dialectique que Hegel ! Sinon je suis aussi dans les textes de jeunesse de Marx (émancipation politique / émancipation humaine, révolution à titre historique / à titre humain, communauté politique abstraite / communauté humaine réelle = faire des forces propres de l’individu des forces immédiatement sociales, quoi que ça veuille exactement dire). Si ça t’inspire quelque chose, tu es le bienvenu !

Camille

 


 

Le 06/04/2017
Chère Camille,

Je croyais que tu étais partie pour un boulot précis !!!
Thompson est souvent intéressant (pas toujours ou du moins pas l’utilisation qui en est faite sur le luddisme par exemple), mais je ne vois pas trop quand il parle de ça et surtout à partir de quelle argumentation.

Bien sûr qu’il y a à faire avec le « jeune Marx », mais comme je te l’ai déjà dit, c’est une auberge espagnole.

J’ai particulièrement critiqué son texte sur la question juive et la religion en général. C’est à l’intérieur d’un gros travail que j’ai entrepris sur la religion, domaine que j’estime être (Yves C. est d’accord) une des grandes faiblesses du marxisme. Il est en grande partie écrit depuis 2 ans mais je l’ai laissé tomber pour de plus urgentes taches. Il faudrait que je le reprenne. Je peux en attendant t’en extraire la partie en question ou t’envoyer l’ensemble.

J’ai aussi critiqué sa perspective de « l’individu immédiatement social » après y avoir adhéré pendant les années 70 parce que la lecture qu’on avait des Manuscrits de 1844 était justement une lecture qui posait l’identité du social et de l’individu (la Gemeinwesen est le véritable être ensemble des hommes), identité du rapport homme/nature et identité du rapport homme/homme, identité rompue par le développement des sociétés de classes qui produisent des médiations sur la base de la séparation entre individu et social qui serait finalement à la base de la naissance de la philosophie. Avec les textes de la maturité Marx passe de cette idée à la subsomption de l’individu sous les rapports sociaux. En conséquence, la révolution ne peut plus être à titre humain, mais seulement à titre prolétarien dans la mesure où le prolétariat concentrerait tous les torts du capitalisme et aucun en particulier, ce qui le pose implicitement en classe universelle dans la révolution même s’il est la classe particulière symbolisant l’exploitation capitaliste.

Evidemment  tout ce qui concerne la communauté humaine  nous a beaucoup inspiré (Guigou et moi), surtout dans l’interprétation qu’en a fait Camatte et la revue Invariance (la Gemeinwesen), mais nous avons toujours été un peu isolé sur cette question à l’intérieur de Temps critiques. Les « allemands » ont le souvenir déformé de la communauté « Blut und Boden », les « italiens s’en fichaient, les français étaient plutôt d’extraction « autonomes » ! C’est notre lien théorique à Invariance qui nous a permis de tenir le cap, mais c’est Charles Sfar avec qui j’ai beaucoup écrit qui, philosophe et paysan à la fois a théorisé l’idée de la « tension individu/communauté », une tension à la fois dialectique, politique et historique. Nous en avons conservé l’usage même après le départ de Charles vers des horizons plutôt anti-industrialistes. La dialectique n’est pas pour nous une finalité pour « représenter la nature exacte de l’univers » pour reprendre une formule d’Engels, mais un moyen de rendre le mouvement. alors que l’analyse scientifique à tendance à les figer dans des lois et concepts. Mais le rendre sans prétention à la vérité.

Il y a aussi beaucoup à piocher dans les Manuscrits de 1844 mais « notre » lecture dans l’après 68 en a été insuffisamment critique (c’est valable aussi pour ce qui est de la Sainte Famille). Beaucoup de formules en ont été reprises sans discernement qui tendent vers une vision à mi-chemin entre messianisme et essentialisme du prolétariat. A mon avis cela a finalement retardé un bilan nécessaire sur l’histoire politique des luttes de classes au XXème siècle. On découvrait enfin le « vrai Marx » qui correspondait au mouvement d’insubordination des années 60/70 et cela prenait le contre-pied des althussériens et de leur « vieux Marx », mais dans une même idée de coupure de Marx entre un bon et un mauvais Marx qu’on retrouve aujourd’hui dans le groupe Krisis et ses épigones.

C’est ensuite les Grundrisse et le sixième chapitre inédit du capital qui mirent fin à cette » fixation » à travers des oeuvres transversales et aussi l’évolution des positions de Marx sur la Commune, le parti (le « parti-Marx » après la dissolution de la Ligue des communistes, puis de l’Internationale), les lettres à Vera Zassoulitch sur la possibilité de sauter la phase capitaliste en Russie à travers la référence à la communauté paysanne, etc.

Voilà pour le moment,
Je t’embrasse,

Jacques W

 


 

Le 6/04/2017
Jacques
Eh non, je suis partie à l’aventure !

Thompson : c’est dans son bouquin « Misère de la théorie » qui est principalement une critique d’Althusser. Je ne me souviens pas vraiment de l’argument, ça m’avait simplement intriguée !

Oui, bien sûr tes notes sur la religion m’intéressent beaucoup. Je suis justement en train de lire « La question juive ». En première approche, je trouve la première partie assez fascinante (bien que je suppose tes critiques portent là-dessus ?) et la seconde lamentable (mais je ne l’ai pas encore relue).

Mais votre idée d’une « révolution à titre humain » ça vous vient quand même bien directement de l’Introduction à la critique de la philosophie du droit de Hegel, non ?

Amitiés !

Camille.

 


 

Le 07/04/2017

Jacques (Guigou),

Juste par rapport à sa dernière question, il me semble que ça converge mais pour moi c’est plus lié à Invariance (mais est-ce que eux se référaient explicitement à L’Intro … » ? et surtout  à la critique du programme prolétarien et à sa suite c-à-d les impasses de l’auto-négation ?

Qu’est-ce que tu en penses ?
JW

 


 

Jacques (W),

De Londres, je n’ai pas sous la main les documents pour le vérifier mais l’accent mis sur la communauté humaine vient de Camatte et de sa lecture des Manuscrits de 1844. Dans ses commentaires, je ne pense pas que sa référence soit celle de la Critique du droit politique hegelien laquelle ne doit même pas être citée. C’est dans le pamphlet de Marx sur le roi de Prusse (je n’ai pas le titre exact en tête) que Camatte trouve l’expression « l’être humain est la véritable communauté des hommes ».

Je n’ai pas lu Misère de la théorie.

Réflexion un peu décalée sur Droit et religion : les religions ont surtout édicté aux fidèles des devoirs d’avantage que des droits. Lorsqu’elles légifèrent c’est pour poser des normes de comportements individuels et collectifs vis à vis des États et des autres religions….

JG

 


 

Camille, le 12/04/2017

A nouveau sur l’abstraction réelle et les « catégories »
Pour une vue complète, mais centrée sur la valeur, je pense qu’il faudrait que tu lises notre livre sur l’évanescence de la valeur.

Mais en attendant …
La référence à ces concepts comme principe épistémologique repose toujours sur la « méthode » de Marx.

Je reviens sur une question de l’échange précédent quant à la méthode d’exposition.
Le premier point qui pose problème est celui de sa confusion entre la chose et son concept. Cela apparaît bien dans son premier exemple sur la « population ». Il explique que cela semble juste de commencer par le réel et le concret puisque la population c’est à la fois la base et le sujet de l’acte social de production et c’est d’ailleurs ce qu’on fait les économistes classiques (p. 59, ici mes notes réfèrent à la première traduction française de Dangeville, Anthropos mais version poche 10/18, moins chère et plus accessible) …mais à y regarder de plus près il voit que c’est une erreur car la population est aussi une abstraction puisqu’elle se compose de classes qui elles-mêmes se composent de … Donc dit Marx, si je m’en tenais à ça je n’aurais qu’une « représentation chaotique du tout » (ibid), c’est-à-dire un réel phénoménal qu’il appelle « représentation concrète », alors qu’il recherche la représentation scientifique de la complexe totalité organique pour qu’elle ait des vertus explicatives et non simplement descriptives.

Rappelons-nous que pour lui les catégories qui sont les plus simples dans l’ordre logique ne sont pas celles qui apparaissent les premières dans l’ordre historique, sinon tout la théorie se réduirait à une histoire chronologique et descriptive des catégories.

Prenons l’exemple de la catégorie « argent » qui est particulièrement éclairante (op.cit, p.64). Marx reconnaît que l’argent est une catégorie qui a existé avant le capital et a joué un rôle déterminant dans les sociétés pré-capitalistes ce qui fait qu’elle est une catégorie « simple » (= plus abstraite) que le « capital » qui arrive après comme catégorie concrète. Mais cette catégorie simple ne va finalement prendre toute sa vigueur que dans les sociétés marchandes et aujourd’hui les plus capitalisées. Elle devient alors, selon, le raisonnement de Marx une catégorie encore plus simple.

On peut tenir le même raisonnement avec la catégorie « travail », catégorie simple en tant que travail dans toute forme de société et encore plus simple en tant que travail abstrait dans la plus développée (op.cit, p. 67).

Tout cela est résumé par sa célèbre formule : « L’anatomie de l’homme donne la clé de l’anatomie du singe » (ibid, p. 67-68). L’avantage méthodologique est indéniable puisqu’il permet de parler du stade le plus développé qu’on peut espérer saisir scientifiquement, sans avoir à se lancer dans de grandes études sur les formes anciennes qui relèvent plutôt de la pure connaissance et d’expertises particulières. C’était tentant, surtout pour un militant.

Son but est atteint : l’ordre logique n’est pas l’ordre historique puisque chaque fois « l’explication » (l’exposition) va être donnée par le point d’arrivée. C’est donc l’ordre logique qui l’emporte dans la mesure où pour Marx c’est le degré d’abstraction qui va déterminer la catégorie fondamentale de plus en plus proche de l’essence de la chose et de plus en plus éloignée de sa forme phénoménale.

Le discours de la méthode se transforme en discours de la métaphysique.
On pourrait dire que tout ça c’est de l’argutie épistémologique, mais il y a des retombées politiques importantes. Ainsi si l’on suit la méthode de Marx, on a du mal à comprendre le rôle de l’argent et ça a plombé le marxisme dans la mesure ou progressivement l’argent est devenue la catégorie de l’abstraction au carré si je peux me permettre cette figure mathématique, produisant par ricochet l’antisémitisme (il faudrait revoir ça par rapport à ma critique de La question juive dans mon texte inachevé et inédit sur communauté et religion). Par ailleurs le rôle actif du capital financier dans la dynamique du capital ne peut pas être reconnu, etc. Même chose pour la catégorie travail abstrait tellement abstraite qu’elle fait oublier la réalité du travail abstrait-concret et les tensions et contradictions qui l’habitent et l’animent (cf. les luttes anti-travail ou de refus du travail à la fin des années 1960-début 70 … et leur échec qui n’est pas seulement imputable à la défaite de ces luttes, mais aux insuffisances de notre critique du travail).

Passons maintenant à un autre point de la méthode de Marx. Pour lutter contre ce qu’il appelle la théorie du reflet (pensée/réel) qui lui apparaît platement descriptive par son empirisme, ce qu’il reproche aux économistes qui le précèdent ((Attention j’ai dit autre chose dans la lettre précédente car ce n’est pas le même moment Marx. En effet, dans les Manuscrits de 1844 Marx reproche au contraire aux économistes et en particulier à Ricardo de partir de l’abstrait avec la théorie de la valeur-travail où la valeur des marchandises serait déterminée par le travail cristallisé à l’intérieur pour la produire (cf. le « prix naturel » de Smith) ; un abstrait nulle part visible quand il apparaît au contraire de manière très empirique que les prix sont déterminés par la concurrence (la loi de l’offre et de la demande) qui vient agir sur les frais de production, le profit et la rente. La même analyse prévaut encore dans La Saint famille, mais elle est délaissée à partir de L’Idéologie allemande : la valeur n’est plus déterminée que par les coûts de production, c-à-d par le travail, ce qu’il va défendre ensuite mordicus dans sa polémique avec Proudhon.

Le paradoxe est que Marx adopte cette position en faveur de l’abstraction (réelle) au moment même où il pense rompre avec la philosophie idéaliste allemande.

A partir de Travail salarié et capital, il réalise un mixte des deux interprétations abstraites/concrètes en déclarant que c’est en dernier analyse que le prix moyen est déterminé par les frais de production, une fois que les produits ont été sanctionnés par le passage sur le marché qui produit des oscillations autour de l’ancien prix naturel.

Par la suite, la lecture de La science de la Logique de Hegel va produire tous ses effets dans les Grundrisse et particulièrement dans le chapitre sur l’argent où il écrit : « Le prix, c’est la valeur d’échange exprimée en monnaie » (op.cit, p.119), mais le prix qui en découle est différent de la valeur car cette dernière correspond à un prix moyen et non pas à un prix nominal. « Le temps de travail moyen ne correspond jamais au temps de travail réellement effectué » (op. cit, p. 123). Cette « valeur » moyenne » est considérée par Marx comme une « abstraction extérieure » … qui n’en est pas moins très réelle dans la mesure où elle fait osciller les prix pour aboutir à la valeur de marché (le prix). « Etant donné que le prix n’est pas égal à la valeur, l »élément qui détermine la valeur — le temps de travail — ne peut exprimer le prix » (ibid, p. 125). Et là Marx nous met un peu de Hegel en explication théorique en disant que « (la valeur de marché) ce n’est pas une identité abstraite, pour parler comme Hegel, mais une perpétuelle négation de la négation, c’est-à-dire qu’elle se nie elle-même en niant la valeur réelle ». Mais pourquoi la valeur de marché n’est-elle pas une simple négation de la valeur réelle et bien parce que la valeur de marché nie d’abord la valeur moyenne et que cette valeur moyenne est elle-même la négation de la valeur-travail qui est la valeur réelle.

La transformation est faite, la valeur réelle est devenue une essence qui n’existe que dans sa forme phénoménale de valeur moyenne et le prix n’est plus que le mouvement de l’essence, au-dessus ou au-dessous de la valeur moyenne. La valeur n’a alors plus besoin d’être quantifiée sur le terrain de la production (Camille rappelle-toi la discussion que tu as eu avec le militant marxiste sur ce point !). Sa seule vérification est son expression monétaire.

La « forme-valeur » s’est dégagé de sa substance et devient matière dans l’argent (ibid, p. 129). Et la crise proviendrait de cette séparation entre la marchandise et sa valeur d’échange sous forme argent (ibid, p. 134, 136, 139).

C’est aussi pour cela, au niveau de ma critique de la valeur, mais il y a d’autres raisons, que je reviens à une analyse en terme de prix qui tient compte évidemment du rapport prix/concurrence/coût de production.

Mais à partir de la page 157, l’analyse change dans la mesure où ce qui prime c’est le caractère privé de la production et de l’échange qui pré-existe donc à à la puissance sociale de la production en général. Car Marx, en revisitant la production communautaire primitive constate que la production [!?, ndlr] y est immédiatement collective et donc sociale, alors que dans la production marchande l’atomisation des rapports sociaux fait que les travaux ne sont que ceux des individus isolés auxquels il faut donner la forme de la généralité abstraite afin qu’ils deviennent sociaux. Il réintroduit ici une théorie de l’aliénation abandonnée après 1844 : « Les rapports entre individus se sont figés dans les choses parce que la valeur d’échange est de nature matérielle et n’est qu’une relation aliénée de l’activité productive entre les personnes » 1, il a affirmé l’irréductibilité « concret réel » (qui fait l’objet de l’investigation) et « concret de pensée » qui est dévoilé dans l’exposition. Mais il n’a pas tenu bon sur cette affirmation puisqu’il va reprendre de Hegel la manifestation objective de l’essence dans le phénomène. L’objet de connaissance ou n’importe quelle catégorie est conçue dorénavant comme essence de l’objet réel. Or, cela me semble une distinction métaphysique au sens où est métaphysique toute conception qui dédouble le monde. Elle ouvre vers la possibilité et le risque de faire du mouvement des catégories l’acte de production du réel.

Mais en fait pour lui le monde réel est le monde phénoménal, inessentiel derrière lequel se cache quelque chose de fondamental qu’il s’agit de dévoiler. La seule différence avec les philosophes qu’il critique, c’est son matérialisme qui fait qu’il ne descend pas comme eux du ciel vers la terre mais part du concret réel pour aboutir au reflet corrigé de l’intellect. Pour lui il ne faut pas partir du réel ou de la « représentation concrète ». En effet, parce qu’alors on abourait qu’à un rassemblement sans ordre organique d’éléments logiques, car on on appréhende seulement les phénomènes. On n’arrive pas jusqu’au « noyau rationnel ». Cela quand il parle en mode hégélien ou ça passe encore si on a envie de laisser passer, mais quand cela se transforme en prétention scientifique, c’est plus dur. Exemple : « Dans Le Capital, j’indique d’où provient la manière de penser des bourgeois et des économistes vulgaires, à savoir que dans leur cervelle, ce n’est jamais que la forme phénoménale immédiate des rapports qui se reflète, et non les rapports internes. D’ailleurs, si cela était le cas à quoi servirait encore la science ? » (Marx à Engels, 27 juin 1867, Lettres sur Le Capital, ES, p. 169-170) et encore : « D’ailleurs toute science serait superflue, si l’apparence et l’essence des choses coïncidaient » (Le Capital, ES, 1, III,t8, p.196). On est très loin de la démarche d’origine d’une critique de l’économie politique. On est en pleine prétention scientiste, mais sans aucun outil de vérification à disposition. La science comme croyance. Par ailleurs, sa référence à la « cervelle du bourgeois » n’est pas des plus heureuse car si on enlève le possible élément polémique, cela nous renvoie forcément à l’idée de science prolétarienne.

Je crois que ce n’est pas tout à fait un hasard si la plupart des analystes de la méthode de Marx depuis les années 1980 sont des philosophes 2, alors que beaucoup d’économistes marxistes ont « décroché » depuis de l’orthodoxie économique du marxisme (Aglietta, Orléan, H. Denis). Un bon exemple de ces philosophes est fourni par Ruy Fausto qui malgré l’intérêt de ses écrits, dont je te parlais d’ailleurs dans ma dernière lettre, cherche finalement une trame méthodologique (en rapport avec la Logique de Hegel) qui sous-tendrait le texte « économique » du Capital.

Quant au mode d’exposition, je t’en ai parlé dans ma lettre précédente,. Il fait du présent l’explication du passé et de la « catégorie » une explication totalisante. Ainsi en est-il de « l’abstraction réelle », travail abstrait qui vide le rapport social et les questions de forces et de puissance de tout contenu ou même réalité au profit de structures (Althusser) ou du « capital automate » (l’école critique de la valeur ) comme si ce n’était pas des rapports réels qui créent l’abstraction. Les tenants de l’abstraction réelle travail abstrait se gaussent en effet de ceux qui confondraient la catégorie avec la vision empirique d’un travail de plus en plus abstrait, travail indifférencié, alors qu’eux-mêmes confonde le travail abstrait comme forme (abstraction réelle) du travail social alors que le travail abstrait est bien toujours dans le capital, travail abstrait-concret en tant que « même travail opposé à lui-même » (Marx, Le Capital, ES 1, p. 161), seule façon, à mon avis, de comprendre les rapports entre travail abstrait et abstraction du travail.

Pour les deux interprétations, finalement assez proches, il y a une vraie coupure entre les oeuvres de jeunesse qui fonctionnent sur le couple hégélien sujet/objet dont le sujet est le moteur et celles de la maturité où l’analyse est structurée selon des rapports sociaux où les sujets ne sont que des supports de ces rapports.

Dans le cadre de mon livre sur l’opéraïsme j’ai rencontré la question et je te livre une citation de Franco Berardi (Bifo) un des leaders du mouvement de 1977 en Italie avec en caractères gras mes commentaires.

Tout d’abord dans sa critique des catégories et du travail abstrait comme « abstraction réelle » il réaffirme le point de vue du sujet collectif. « Si Marx dit bien que le travail abstrait n’est pas seulement une construction intellectuelle, mais une abstraction réelle, il faut alors affirmer le primat du sujet pratique sur la réalité à connaître. Dans la présentation formaliste [Bérardi critique ici le marxiste italien Lucio Colletti, ndlr], le présent à partir duquel est engagée l’histoire passée constitue une catégorie, une structure de concepts […] Mais le primat épistémologique du présent sur le passé est encore primat structuraliste du concept sur la conscience, primat de la théorie (comme système séparé, formel, indéterminé) sur le sujet pratico-matériel, sur l’histoire. Le prolétariat ne serait ainsi le fondement de la connaissance qu’en tant qu’abstraction empirique, en tant que catégorie : ce n’est pas un sujet matériel, mais un concept […] pour qui la  fonction constitutive et structurante est prise en charge non pas par une figure externe au processus de connaissance, par un sujet matériel, mais par un élément interne au système même : le concept dominant. Chez Colleti comme chez Althusser, le concept de travail, le concept de travail abstrait n’existe que comme caractéristique commune à une catégorie […]. Or c’est dans les rapports qui produisent l’abstraction, dans les rapports historiques entre les classes, qu’il faut aller chercher le fondement de la théorie qui a comme concept dominant le concept de travail abstrait. Le travail abstrait n’est pas une donnée à reproduire sur une base empirique dans une catégorie abstraite : c’est la forme d’existence pratique, vivante du sujet […]. La catégorie de travail abstrait n’est pas le moteur du processus de connaissance, elle en est le produit général. Nous pouvons dire que le développement historique, non comme histoire en général, mais comme lutte entre ouvriers et capital, comme contradiction, est ce qui produit la possibilité de penser le concept même de travail abstrait […] Le travail abstrait est le produit à la fois du processus continu de réorganisation capitaliste et de la classe qui reconnaît et lutte contre son extranéité totale par rapport au travail 3 » (op.cit, p. 67-68).

Bifo essaie de maintenir la perspective du point de vue ouvrier propre à l’opéraïsme d’origine, mais au-delà des figures de l’ouvrier-masse et de l’ouvrier social. Pour cela il s’affronte à la catégorie du travail abstrait conçue comme une « abstraction réelle » qui dissout le sujet historique et matériel dans le concept. La catégorie devient alors explicative comme si elle était le moteur du processus, alors qu’elle en est le produit du fait du mouvement de refus du travail : « Le travail abstrait est à la fois lui-même et autre que lui-même. Le travail abstrait est d’une part travail sans qualité et sans volonté ; mais il est aussi refus ouvrier, lutte contre le travail. Et il existe encore comme une réduction croissante du travail ouvrier à l’état d’activité abstraite, en tant qu’il se présente comme réorganisation capitaliste en face de l’insubordination ouvrière » (ibid, p. 69). On a là une très bonne exposition de la dialectique des classes dans le rapport social capitaliste à partir de la dernière forme qu’elle a connue à ce jour, en Italie par exemple entre 1968 et 1977.

En effet, si le travail abstrait n’est qu’une catégorie, on nie alors toute possibilité de lutte contre le travail abstrait réel, c’est-à-dire l’indifférenciation et l’abstraïsation du procès de travail, on nie toute possibilité d’une pratique d’un sujet collectif et toute possibilité d’autonomie puisqu’on aurait à faire à un « système » qui détermine des individus réduits au rang de variable (capital variable). Le toilettage de l’opéraïsme d’origine aux couleurs de la post-modernité lui fait affirmer « le primat du sujet pratique sur la réalité à connaître » (op. cit, p. 66). Soit une forme de subjectivisme exacerbé discutable, mais qui n’enlève rien au bien fondé de sa critique du formalisme et de l’objectivisme.

Jacques

 


 

Le 13/04/2017
Jacques

Bon, sinon j’avais quelques trucs à te dire sur l’idée de ‘classe impure’ mais là je fatigue (j’ai apprécié ton texte de réponse à Charles Sfar dans le n°6-7 de la revue 4 : cette idée des affiliations multiples de la classe ouvrière au dix-neuvième siècle, avec les origines rurales, les comportements urbains, les idées de la révolution française – ça me paraît très juste et  important).

Une autre remarque : l’expression « à titre humain » (par opposition à « à titre historique ») figure en tout cas telle quelle dans la traduction que j’ai de l’Introduction à la critique de la philosophie du droit (c’est l’édition de chez Costes). J’ai trouvé tout ce passage très intéressant en tout cas : c’est quand la classe bourgeoise a été le moteur de l’histoire, c’est qu’elle avait réussi à représenter au moins en partie des intérêts plus vastes que les siens propres, mais en même temps ses revendications étaient posées « à titre historique » (en tant qu’ayant par exemple contribué au développement de l’industrie et des arts – du moins c’est ainsi que je comprends cette expression) et leur satisfaction s’est traduite par des droits qui étaient certes formellement universels, mais qui avaient comme préconditions implicites les conditions d’existence de cette classe, son impensé en quelque sorte (par exemple, avoir de l’argent, avoir accès à la culture). Pour ceux qui ne satisfaisaient pas ces préconditions implicites, ces droits n’étaient éventuellement qu’une coquille vide. D’où l’idée que si une classe qui n’a aucun titre ‘historique’ à faire valoir, mais seulement un titre ‘humain’ (elle revendique l’accès aux préconditions de son humanité), fait une révolution, ses exigences seront vraiment universelles puisqu’étant dépossédée de tout elle ne saurait imposer de préconditions implicites à ses exigences. Du moins c’est ce que j’ai compris de ce passage, dont je ne fais pas la critique.

Bon, là je fatigue, je vais aller me poser et casser une petite graine !

Bonne soirée !
Amitiés !!
Camille.

 


 

Le 17/04/2017

Cher Jacques,

merci pour ton message. Aujourd’hui au « boulot » j’ai eu le temps de relire entièrement les « Lettres de la prison » de Rosa Luxemburg et un morceau de « l’Idéologie allemande » qui m’avait paru très intéressant à la première lecture (sur les rapports individu / classe / communauté (je ne sais quel est le mot allemand qui est traduit ainsi (toujours édition Costes) mais je suppose que c’est bien Gemeinwesen)).

Si j’ai compris ton explication au sujet de l’abstraction réelle, la classe est aussi une abstraction réelle, non ? Abstraction, parce qu’elle suppose la comparaison des conditions d’existence d’un grand nombre d’individus qui n’ont pas de rapports réels les uns avec les autres. Réelle, parce que la notion n’a pas de sens dans une petite communauté « naturelle » : elle suppose le développement des villes, des échanges, etc. donc des liens matériels entre les individus qui prennent conscience d’appartenir à la même classe (par exemple situation commune dans différentes villes, etc.). Est-ce que tu es d’accord ?

Autre petite question, mais qui est vraiment simplement une question de syntaxe. En fait je ne suis pas sûre de comprendre la phrase « l’être humain est la véritable communauté des hommes ». Je vois deux sens possibles et je ne sais comment vous l’entendez :

1. la réalité de l’homme n’est rien d’autre que la « véritable communauté des hommes » (dans ce cas la phrase a un peu le même sens que la sixième thèse sur Feuerbach : « Dans sa réalité, l’essence de l’homme est l’ensemble des rapports sociaux » quoi que la « véritable communauté » ne soit pas exactement la même chose que l’ensemble des rapports sociaux, mais je veux dire : au niveau de la syntaxe, c’est à peu près la même structure)

2. la « véritable communauté des hommes » ne peut être autre chose que l’être humain lui-même (c’est-à-dire : pas la religion, pas un pouvoir extérieur, etc.).
Maintenant je vais faire comme Lelio et insister sur le fait que la réponse doit être brève ! A moins que la phrase ne soit à comprendre ni dans le sens 1. ni dans le sens 2. ou alors dans les deux sens à la fois ?! A moins aussi que ma distinction entre 1. et 2. ne soit pas claire ?

Bon voyage à Paris en tout cas !
Je t’embrasse !

Camille.

 


 

Le 20/04/2017

Cher Jacques,

comment vas-tu ? Est-ce que le livre sur l’opéraisme avance ? ça m’intéressera beaucoup ! Au fait est-ce que le bouquin « La horde d’or » qui vient d’être traduit en français vaut le coup ?

J’aurai des commentaires à faire sur tes différentes réponses, mais pas le temps maintenant. Il faut que je casse une graine avant d’aller au boulot.

Ces derniers jours au « travail » j’ai lu la partie de l’Idéologie allemande sur Feuerbach et la moitié d’un livre sur le travail dans les centres d’appel, auquel Marco chez qui j’habite a participé. Ce ne sera sûrement pas comme ça dans les autres boulots, mais bon j’en profite !

Je t’embrasse !
Camille.

 


 

Le 20/04/2017

Chère Camille,

J’allais t’écrire pour justement te dire que je partais pour 10 jours à Paris à la fois pour le salon du livre libertaire, faire une petite vidéo à L’Harmattan sur le livre sur la dialectique et enfin finaliser le livre sur l’opéraïsme avec Oreste Scalzone que j’ai arraché à ses « obligations » italiennes pour quelques jours. Nous devons voir l’éditeur de la Horde d’Or justement qui est intéressé mais rien n’est décidé encore. Je t’en dirai plus à mon retour.

J’ai lu la Horde d’Or en italien. Il y a quand même beaucoup de choses intéressantes, d’autres moins. Cela rend quand même compte de toute une époque, en Italie, mais dans une optique très 1977 et « giovaniliste ».

Pris par le livre et aussi par des discussions pour le blog sur les transformations technologiques et organisationnelle du capital, j’ai laissé tomber provisoirement ma réponse à ton questionnement sur la « forme-valeur » même si elle était presque prête, mais je crois que tu as déjà de quoi faire.
Pour une fois j’emmène mon ordinateur à Paris pour travailler sur l’opéraïsme donc je lirais mes messages et pourraient en envoyer.

Je t’embrasse,

Jacques

 


 

Le 24/04/2017

Cher Jacques,

comment vas-tu ? Le Salon du livre libertaire s’est bien passé ?
Je sors enfin de ce gros rhume qui me faisait tousser comme une malheureuse.
Je vais pouvoir poursuivre mes lectures avec l’esprit plus clair.
J’ai traduit en anglais un fragment du texte de Bériou (la postface au « Socialisme en danger » de Nieuwenhuis) pour une camarade ici. C’est évidemment plus difficile pour moi de traduire dans ce sens-là (du français vers l’anglais) donc j’attends ses remarques avant de continuer (si ça l’intéresse).

Je t’embrasse,
Camille.

 


 

Camille,

Je reprends le fil,

C’est effectivement parce que la bourgeoisie a été capable de prendre à bras le coeur l’idée de révolution à titre humain, objectif qu’elle n’a pu tenir qu’un court temps (jusqu’en 1793 en France et jusqu’au « cheval de Hegel à Iéna » et au « merveilleux lever de soleil » que représenta la révolution française pour les peuples européens ou même les esclaves des Antilles) qu’elle raisonne encore comme un cri d’émancipation aujourd’hui pour d’autres exploités/dominés. Que cela repose sur des illusions, c’est un autre problème et c’est d’ailleurs ce que je compte éclaircir dans un prochain texte.

Cela part donc de Hegel (mais on peut trouver déjà des traces chez Kant) et de son idée de « classe universelle » qu’il réduit finalement à un modèle pour l’appareil d’Etat.
Ce n’est pas étonnant que cette « révolution à titre humain » réapparaissent dans un texte de jeunesse de Marx puisque justement il se situe encore, à ce moment là, dans la filiation avec un courant humaniste révolutionnaire qu’il va délaisser par la suite pour une conception classiste de la révolution, une « révolution prolétarienne ». Mais au-delà de ta référence on la retrouve dans L’Idéologie allemande quand il essaie de dépasser l’antinomie entre classe, particularisation de la totalité, mais le dépassement de particularités a valeur universelle (il reprend d’ailleurs la notion de classe universelle d’Hegel) et ouvre vers une conception communautaire de la révolution qu’il découvrira concrètement mais tardivement dans la Commune de Paris 5 .

Le parallélisme avec Hegel est frappant même si le mouvement n’est pas le même : la révolution bourgeoise a une richesse de représentation à travers les Lumières, le Progrès, etc. qui crée un excès de sens comme disait Adorno pour l’oeuvre d’art véritable et c’est cet excès qui la pousse à universaliser sa propre position particulière et quand même limitée par cette particularité (égoïsme, concurrence) ; le prolétariat, lui a une nécessité interne de dépasser la pauvreté de sa situation pour atteindre à la richesse des potentialités que développe un rapport social auquel il participe, mais dans une position dominée avec l’alternative politique d’avoir à choisir entre d’un côté, l’affirmation de sa particularité dans la dictature du prolétariat où il pense renverser seulement les situations de pouvoir (propriété collective contre propriété privée, un progrès prolétarien, une science prolétarienne, un art prolétarien) et de l’autre de ne pas faire de sa pauvreté vertu, mais de retrouver les riches potentialités permises par l’aventure que constitue le développement du capital, le procès d’individualisation.

Une aventure dans l’aliénation, mais une aventure quand même qu’il ne s’agit pas de nier mais de se réapproprier … de façon critique, que ce soit au niveau du rapport à la nature extérieure ou du point de vue du rapport à la nature intérieure.
Mais il faut quand même mettre un bémol à cette appréhension du « à titre humain » qui est finalement celle de notre époque. On peut penser que Marx tient, lui, pour une vision ou ce sont les caractères du prolétariat qui font de lui la « classe universelle » potentielle et donc celle de la fin des particularités, mais c’est la révolution prolétarienne qui se fait à titre humain 6 !

La révolution à titre humain a resurgi dans les années 1970 et portée par la revue Invariance, dans cette filiation historique bien sûr, mais sur la base de la critique du « programme prolétarien », de la « phase de transition » et finalement de la crise des classes elle-même comme sujets et sujets antagoniques. En effet, la société du capital semble avoir produit la classe universelle regroupant la classe ouvrière ancienne et les nouvelles classes moyennes. C’est aussi l’avis de ceux qui parlent aujourd’hui, abusivement des 99% contre les 1%. Mais les nouvelles stratégies du pouvoir ne sont justement plus de dresser des antagonismes fondamentaux ouvrant sur deux conceptions du monde, mais de jouer sur les dissensions de la prétendue classe universelle.

C’était aussi une façon de sortir de l’aporie de l’auto-négation du prolétariat défendu par beaucoup de personnes ou mini groupes issus de l’ultra-gauche. Mais dans ce cas, il y a quand même rupture ou plutôt « discontinuité » et la révolution à titre humain dont on parle alors, n’est plus la révolution prolétarienne à titre humain.

La question de la Gemeinwesen est complémentaire de la révolution à titre humain du Marx humaniste révolutionnaire fasciné par les révolutions françaises (1789, 1848), mais qu’ils voient comme des révolutions politiques et non sociale visant à établir une communauté politique et non la « communauté humaine »? Cette position anti-politique de Marx est souvent occultée dans le marxisme officiel parce que la social-démocratie allemande derrière Engels l’a abandonnée et que c’est finalement chez Sorel et les anarcho-syndicalistes ou syndicalistes révolutionnaires qu’on la retrouvera.

Revenons à la communauté humaine, donc à la Gemeinwesen. Pour Marx l’homme est immédiatement et simultanément individu et communauté, ce qui définit pour lui une « nature humaine ». Ainsi des Manuscrits de 1844 où la communauté apparaît comme l’être collectif des hommes ou plus exactement de l’homme abstrait. Cette immédiateté sociale 7 est en quelque sorte détruite dans l’activité d’aliénation 8 à partir des premières sociétés (je laisse de côté ici la question des communautés primitives et leur prétendu communisme). Alors que pour nous, quand nous développons l’idée de « tension individu/communauté », il y a autre chose, il y a l’idée que cette coïncidence n’est jamais immédiate, mais c’est un élément de l’activité humaine. La communauté n’est donc pas à retrouver, sous-entendu, hors aliénation, ce qui ferait faire fi de toute l’aventure humaine qui a justement produit un autre rapport individu/communauté à travers un processus d’individualisation dont la perspective n’est plus que la manifestation de ma tension vers la communauté soit immédiatement l’autre, mais plutôt que l’union de mon individualité avec le tout des autres pose le devenir autre de la communauté humaine.

C’est pour cela que nous insistons sur la tension car la fin de la particularisation, par exemple en classes, ne peut être l’immédiateté sociale (ça c’est le communisme grossier), elle ne peut pas non plus être la renaturalisation au sein de l’espèce (la perspective de Bordiga et puis de Camatte).

La tension indique qu’il n’y a pas de synthèse possible, pas de dépassement. La seule chose qu’on puisse projeter c’est le déploiement de la tension, sinon c’est que l’une aura subsumer l’autre, comme dans le nazisme ou le bolchévisme.

Bon, pour terminer pour ce soir et répondre à ta question qui fait le rapport entre classes et abstraction réelle. Je vois très bien ce que tu veux dire quand tu parles du caractère abstrait de la classe, mais à mon avis tu rends compte seulement du fait qu’il n’existe pas de plan empirique de la classes ce que toute la sociologie américaine reconnaît pour justement nier la notion même de classe ou en France, la sociologie de Touraine qui envisage la classe que comme des conditions de classes qui unissent certaines catégories. Mais dans la conception de Marx, la classe est sujet révolutionnaire définit par sa constitution en classe pour soi, classe de la conscience ; ce n’est pas une abstraction, mais au contraire la concrétion de l’antagonisme. La classe-sujet n’existe que dans la lutte des classes.
D’ailleurs les tenants actuels de l’abstraction réelle dénient justement à la notion de classe et à la lutte de classes toute portée véritablement révolutionnaire tant que cette classe est encore la classe du travail, la classe ouvrière. Donc si une porte s’ouvre à ton interprétation, c’est celle qui ferait du prolétariat non pas une classe, mais une essence révolutionnaire et on retombe sur le raisonnement en termes d’opposition essence/apparence (ici prolétariat/classe ouvrière) que j’ai déjà critiqué dans une lettre précédente.
JW

 


 

Camille,
Juste deux compléments :

1) sur le concept de classe et l’abstraction réelle.

Comme la saisie marxienne de la classe n’est plus possible (la classe « en soi » n’a plus de contour précis puisque tout le travail tend à devenir productif pour le capital ce qui fait que la définition de la classe s’élargit sans cesse aux conditions de tous les salariés subalternes et même à leur marge ; la classe « pour soi » ne l’est pas plus car rien ne lie ces salariés subalternes que le ressentiment traduit le plus souvent en récriminations et en lutte fraction contre fraction, individus contre individus), la classe est élevée au niveau méta-physique et devient une abstraction sans contenu immédiat (je viens de dire pourquoi) donc, à mon avis, on ne peut pas dire qu’elle devient une abstraction « réelle », mais plutôt une abstraction fantasmée. A la limite, « l’abstraction réelle » aujourd’hui ce serait le capital, mais pas en tant que classe des capitalistes (elle n’a jamais existée autrement que comme bourgeoisie dans la « domination formelle du capital »), mais en tant que forces de capitalisation de toutes les activités humaines. On en revient à ma lettre précédente sur la communauté matérielle du capital où la société capitalisée, deux options différentes à partir d’une démarche proche, la première étant fermée (il n’y a de solution qu’à l’extérieur de cette fausse communauté qu’il faut quitter, soit l’idée de sécession 30 ans avant les insurrectionnistes et Holloway), la seconde ouverte puisque le capital fait encore société, c-à-d produit un rapport social, des forces et puissances.

2) sur la communauté

J’ai parlé en termes de tension vers la communauté. Cela suppose premièrement l’existence de société, c-à-d qu’il y a eu séparation (passage de l’individuation à l’individualisation, passage de la communauté à la particularité) et la religion, dans ses formes monothéistes s’est posée comme unité de ce qui était séparé dans la communauté des croyants. Quand la tension se fait forte, certaines religions, restées proches de leur origine communautaire reprennent de la vigueur, mais en se présentant comme alternative à la communauté politique défaillante (ex : l’islamisme remplace le panarabisme, l’église orthodoxe supplante le « socialisme réel », la théologie de la révolution en Amérique du Sud). Dans cette tension, comme d’ailleurs dans les fascismes comme je te le disais hier, la tension se referme sur l’individu laissant place à ce que je ne sais plus qui (J-Luc Nancy peut être) appelle « la communauté terrible ».

La tension a su aussi parfois se faire révolutionnaire quand elle a exprimé avant tout les exigences d’égalité et de fraternité dans une conception horizontale du lien entre les hommes, tout en maintenant l’unité dialectique avec la liberté qui garantit que la tension reste tension et non pas subsomption de l’un sous l’autre des deux termes. Dans la révolution française comme ensuite dans les révolutions socialistes (au sens générique du terme), cette tension a voisiné avec l’universalisme spécifié historiquement des droits de l’homme, du prolétaires de tous les pays unissez-vous ; mais aussi, dans leurs meilleurs moments, un universel comme nom du continuum humain au delà et malgré les oppositions de classes et de nations où les valeurs fortes posées par les unes se nourrissent des critiques des autres jusqu’en 1848 par exemple, ou au sein de la Première Internationale, projection vers une communauté idéale quand rien n’est encore joué et que les » valeurs » restaient problématiques (collectivisme ou étatisme, socialisme ou communisme).

Mais tout ça relève un peu du passé, du temps des révolutions qui permettaient de simplifier une complexité peu complexe si je peux m’exprimer ainsi dont les différentes formes de lutte historiques, même si Marx et Engels les ont affublées abusivement du nom commun de luttes de classes, n’en demeuraient pas moins sur le même modèle des oppositions binaires.

Aujourd’hui, le problème est surtout celui d’une simplification positive de la plus grande complexité sociale et technique de la société capitalisée qui permettrait de dégager une nouvelle forme (la Gemeinwesen), tout en conservant certaines des potentialités ouvertes et par le procès d’individualisation et par le procès technique.
Le contraire donc d’une simplification négative que proposent des perspectives aussi différentes que les communautés réactionnaires, l’Etat autoritaire qui toutes cherchent à réaffirmer de vieilles valeurs au moment ou ces valeurs ont perdu de leur force.

Force est de reconnaître que cette tendance vers la communauté humaine, ce continuum dont je parlais tout à l’heure n’apparaît guère que en réaction, par exemple sur la question des réfugiés et encore quand l’urgence est telle que cela bouscule les particularismes, comme parfois on peut le voir de façon exemplaire en Grèce, à Lesbos semble-t-il. Mais autrement, on n’en a que de pauvres résurgences/survivances dans les références faites à « l’être ensemble » (et pire au « vivre ensemble »), « l’en commun »*, etc.

Je te mets en fichier joint un petit texte que JG et moi (surtout JG) avons fait en 2010 sur ce point.

Amitiés,
Jacques

Notes de bas de page :
  1. ibid, p. 160).

    Nouvelle contradiction dans son raisonnement puisque dans un premier temps au chapitre sur l’argent ce dernier apparaît comme extérieur et le produit de la valeur d’échange d’un produit particulier dont il est la matérialisation, alors que maintenant il devient un « intermédiaire universel » pour la circulation et un moyen « d’objectivation des relations sociales » dans le cadre d’un travail à caractère général et social (ibid, p. 173), mais dans des conditions (relations) sociale extérieures à l’individu (ibid, p. 267). L’argent n’est plus un dissolvant du rapport social comme dans l’Antiquité (cf. Aristote et sa critique de la mauvaise chrématistique), mais un facteur de sa reproduction. Ou plus exactement il est la « communauté réelle, mais une abstraction pure et extérieure à l’individu en même temps qu’un moyen de satisfaire ses besoins (ibid, p. 267). Donc elle n’est pas « extérieure » ! Va comprendre…

    L’argent n’est plus l’expression de la VE, il lui pré-existe comme condition de son caractère social.

    Et la valeur devient l’expression du travail social en général et non plus une valeur particulière d’une marchandise. Le travail en général se transforme d’une abstraction ancrée dans le réel des travaux concrets (la moyenne du temps de travail qui est quantifiable et mesurable en prix moyen sur une période et en un lieu donné) et où l’argent est étalon/équivalent général ; en une pure abstraction du travail comme l’argent qui devient représentation de ce travail en général conçu de cette nouvelle façon.

    C’est dans la Contribution à la critique de l’économie politique que Marx passe du travail social en général au travail abstrait où le sujet devient justement le travail abstrait, les individus au travail n’étant que des agents d’un travail concret réduit à une somme de travail simple indifférencié (dont on sait qu’elle n’a pas encore été effective !), des prédicats, de simples « porteur de valeur » (träger) comme dit l’école critique de la valeur.

    A nouveau l’aliénation où les relations entre les personnes se présentent pour ainsi dire inversées, comme un rapport social entre les choses dans lequel la valeur d’échange est un rapport entre les individus, un rapport qui se cache sous l’enveloppe des choses. Encore une question de dévoilement.

    Nous n’échappons pas totalement à ce risque quand nous affirmons sans cesse que le capital reste un rapport social (alors qu’il n’apparaît pas directement comme tel parce qu’il se présente comme rapport entre des choses, comme marchandise, comme système, comme spectacle) même dans la société capitalisée. Peut être faudrait-il mieux dire, ce que j’ai personnellement commencé à faire, que le capital « produit » le rapport social.

    Le fondement de la « forme-valeur » devient ce travail abstrait/aliéné qui ne produit des rapports sociaux que par l’intermédiaire de médiations et dont il faudra se libérer pour retrouver l’individu immédiatement social de la communauté primitive. Ce n’est pas dit mais l’aventure humaine n’est plus qu’une errance (ce que développera la revue Invariance et J. Camatte à partir de la série III).

    Dans le chapitre 1 du Capital, la valeur a toujours pour fondement le travail abstrait, mais celui-ci n’est qu’une « chose de pensée » et il reprend toute la « méthode » philosophique de Feuerbach* qui fera bondir Althusser**, en établissant un parallèle entre l’abstraction du travail qui domine les hommes en s’objectivant dans l’argent et l’abstraction de l’homme représenté dans un Dieu. Comme le dit Marx : « La forme valeur et le rapport de valeur des produits du travail n’ont absolument rien à faire avec leur nature physique » ; de même pour la marchandise qui a une existence fictive uniquement sociale, absolument distincte de sa réalité physique puisqu’elle n’apparaît, dans le cadre de ce rapport social déterminé que dans la forme fantasmatique d’un rapport social entre les choses qui peut s’éclairer par une analogie avec la région nuageuse du monde religieux. Le résultat c’est que les homme se représentent les choses sans dessus-dessous, ce qu’éclairerait la théorie du fétichisme de la marchandise.

    Dur après ça de raccrocher à sa valeur-travail de départ. Il va le faire en mettant en avant la notion de « temps de travail socialement nécessaire » comme « loi naturelle régulatrice », de même que la loi de la pesanteur se fait sentir à n’importe qui lorsque sa maison s’écroule sur sa tête ». Bien entendu, la détermination de la quantité de valeur par la durée de temps de travail reste un « secret caché sous le mouvement apparent des valeurs des marchandises ».

    Si on était vulgaire on pourrait dire que notre Marx « ne manque pas d’air » puisqu’il est un spécialiste de ce genre de métaphores naturalistes.

    Il faudra le Livre III pour qu’il revienne sur terre découvrir les formes concrètes auxquelles donnent naissance le mouvement du capital considéré comme un tout. Il faut reconnaître que c’est quand même plus commode pour saisir les formes d’affrontement entre capitaux … et la lutte de classes pour le partage entre salaire et profit.

    * L’ambiguïté de base est chez Feuerbach qui avec l’aide du même mot Wesen désigne tantôt l’être existant, réel, tantôt l’essence et la vérité intérieure de cet être. D’après Althusser dans sa présentation des Manifestes philosophiques de Feuerbach (PUF, 1960 repris en 10/18 poche, p. 13), cela indique la volonté de Feuerbach de dépasser la distinction.

    ** La critique de l’hégélianisme marxien du chapitre 1 par Althusser ne l’empêche pas de reprendre la méthode en faisant de la structure une sorte de dieu caché dans la mesure où elle ne se confond pas avec les relations visibles, mais en explique la raison … cachée. Priorité est donc donnée à l’analyse de la structure par rapport à celle de la genèse qui n’apparaît, elle, qu’à la fin du Livre I avec l’étude de l’accumulation primitive. Donc l’analyse du Capital ne commencera pas par l’étude du capital qui intervient à la fin de la seconde section avec l’analyse du rapport capital/travail à travers la marchandise force de travail, mais par l’étude des catégories/concepts de base qui peuvent le rendre compréhensible, à savoir la théorie de la valeur. C’est pour les structuralistes marxistes un point fondamental puisqu’il écarte toute interprétation historiciste qui ruinerait leur hypothèse originelle.

    Mais en contre partie, la structure devient un invariant de la reproduction de ce qui pourtant est censé la nier. Il n’y a que des variations autour de l’invariant ce qui va reposer la question des contradictions sous un jour nouveau en distinguant contradiction à l’intérieur de la structure (celle entre K et T) qui est spécifique et originaire au MPC. à la fois « visible » et antagonique ; et contradiction entre deux structures comme avec la contradiction forces productives/rapports de production qui n’est elle visible que dans les crises et ne se produit qu’à partir d’un certain stade de développement. La grande industrie est ainsi la mère de l’antagonisme (lettre à Kugelmann du 17/03/1868). La contradiction qui va se produire est initentionnelle mais « significative » parce qu’elle révélerait les limites du MPC, des limites vues comme immanentes. On retrouve l’idée de « La véritable barrière de la production capitaliste, c’est le capital lui-même » (Le Capital, ES, vol III, t1, p. 269 et cf. ma critique dans mon dernier article « La crise et ses annonceurs »).

    C’est une causalité de la structure qui fait aujourd’hui fureur chez tous les tenants du « capital automate », forme post-moderne du « procès sans sujet » d’Althusser : la structure cachée correspond au développement réel. Il n’y a donc pas véritablement raison de se révolter selon des principes éthiques ou révolutionnaires puisque nous n’avons à faire qu’à un jugement objectif sur les propriétés d’une structure.

    Or, Marx, avec l’utilisation du terme de MPC inclut la référence à la structure ou plus exactement à la combinaison de structures.

    Dans une lettre à Lafargue du 11 août 1884, Engels écrit : « Marx protesterait contre ‘L’idéal politique, social et économique’ que vous lui attribuez. Quand on est ‘homme de science’ l’on n’a pas d’idéal, on élabore des résultats scientifiques et quand on est en outre homme de parti, on combat pour le mettre en pratique. Mais quand on a un idéal, , on ne peut être homme de science, car on a un parti pris d’avance » (Correspondances, ES, t1, p. 235). La quadrature du cercle !

    Revenons à nos deux contradictions. La première bien que fondamentale et antagonique n’a pas de solution en elle même puisqu’elle est sous condition de la maturité de la seconde sans parler des contradictions propres à la superstructure. Contrairement à la dialectique hégélienne dont le coup de force spéculatif proclame l’identité des contraires (excepté dans sa version du rapport maître/esclave) qui est son opérateur de vérité, dans lequel l’Esprit absolu comme seule réalité existante, se reconnaît comme tel et s’identifie à soi dans toutes ses formes contradictoires, il ne peut y avoir dans la dialectique marxiste d’identité des contraires dans une même contradiction qui serait solution interne (contrairement à ce que disent Lénine et Mao qui confondent identité et unité alors que si l’identité suppose l’unité l’inverse n’est pas vrai. Le capitaliste n’existe pas sans l’ouvrier, mais il n’est pas l’ouvrier. Débarrassée de l’identité la dialectique marxiste garde le noyau rationnel de l’unité. Sur ce point, cf. Maurice Godelier : Horizons, trajets marxistes en anthropologie, Maspéro, 1977, p. 137; mais aussi Temps critiques et la dépendance réciproque ou Théorie Communiste et l’implication réciproque.

    Et c’est là, il me semble, une faiblesse de Marx sur les limites où il revient de fait à une solution interne de la contradiction avec la seconde contradiction qui engendre sa propre négation (identité des contraires).

    On peut se poser la question de savoir si notre développement sur un procès de totalisation du capital ne conduit pas lui aussi à la tendance à la négation de toute contradiction interne à partir du moment où l’unité de la totalité friserait l’identité.[]

  2. Par exemple, Karel Kosik dans La dialectique du concret, Maspéro, 1970 essaie d’affiner la dialectique hégélienne par la notion de « pseudo concret », c-à-d des phénomènes dont on ne peut nier l’existence mais dont il faut nier la prétention à l’autonomie et faire ressortir qu’ils ne sont que des dérivés (p. 15). Conscient sans doute des apories induites par la « méthode » et influencé par l’école positiviste de Vienne qui a démontré que la matière n’est pas ce qui est derrière les phénomènes comme une sorte de transcendance des phénomènes, mais que les objets et procès matériels représentent la matière, il prend soin de préciser qu’il ne s’agit donc pas de déchirer un voile pour dégager une réalité existante déjà toute prête et indépendante de l’activité humaine, car « la réalité sociale de l’homme se manifeste dans l’unité du sujet et de l’objet » (p. 17). Retour à Hegel donc, mais avec la praxis en plus. A partir de là, Kosik propose sa thèse sur la « totalité concrète » qui est attaquée à la fois par l’empirisme qui ne se place pas du point de vue de la totalité, mais de la fragmentation (c’est aussi le cas de l’existentialisme) et par le structuralisme qui propose une totalité abstraite ou une fausse totalité, celle du mouvement autonome de la structure (p. 42) ou du « système ». La totalité perd alors son côté concret pour n’être plus qu’une méthodologie sans signification.[]
  3. F. Berardi : Le ciel est enfin tombé, sur la terre, le Seuil, 1978, p. 68.[]
  4. Ch. Sfar : « Esquisse d’une théorie de la fin des classes et de leurs luttes » et J. Wajnsztejn : « En contrepoint : quelques remarques sur la lutte des classes », http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article50[]
  5. Ce sera aussi la position de Lukàcs dans Histoire et conscience de classe, le prolétariat étant la classe universelle parce qu’elle ne subit pas de tort particulier à faire valoir car elle les concentre tous. La classe prolétarienne est alors apte à remplir sa mission émancipatrice car elle est devenue une pure essence de la catégorie de l’universel, qui s’est dépouillée de toute appartenance particulière.[]
  6. Cf. J. Camatte, Capital et Gemeinwesen, Spartacus, 1976[]
  7. Cela correspond à ta première proposition : la réalité de l’homme n’est rien d’autre que la « véritable communauté des hommes » (dans ce cas la phrase a un peu le même sens que la sixième thèse sur Feuerbach : « Dans sa réalité, l’essence de l’homme est l’ensemble des rapports sociaux ».[]
  8. Et là on trouve ta deuxième proposition : la « véritable communauté des hommes » ne peut être autre chose que l’être humain lui-même (c’est-à-dire : pas la religion, pas un pouvoir extérieur, etc.). Et cela doit être ramené aujourd’hui à l’existence de la « société capitalisée » ou à ce que Camatte appelle la communauté matérielle du capital qui se pose comme La Communauté.[]

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