A la suite de l’angle mort

A lire, ci-dessous, des réactions de divers provenance au texte Dans l’angle mort du 13 novembre qui marque l’existence d’échanges autour de la critique de la religion.


Le 9 février 2016

quelques textes qui peuvent vous intéresser, non téléchargeable, mais pas forcément méprisables…

Notes sur la religion dans son rapport au communisme :

1) http://lemoinebleu.blogspot.fr/2015/08/notes-sur-la-religion-dans-son-rapport.html

2) http://lemoinebleu.blogspot.fr/2015/08/notes-sur-la-religion-dans-son-rapport_28.html

3) http://lemoinebleu.blogspot.fr/2015/08/notes-sur-la-religion-dans-son-rapport_29.html

4) http://lemoinebleu.blogspot.fr/2015/08/notes-sur-la-religion-dans-son-rapport_38.html

Sur le massacre de Charlie-Hebdo, et les dénégations gauchistes islamophiles ordinaires :

1) Prolégomènes à un dimanche de communion : http://lemoinebleu.blogspot.fr/2015/01/prolegomenes-un-dimanche-de-communion.html

2) Bonnes résolutions 2016 : http://lemoinebleu.blogspot.fr/2016/01/bonne-resolution-2016.html


Le 10 février 2016

Bonjour,

J’ai bien lu votre texte et je l’ai apprécié. Je suis d’accord pour l’essentiel avec vous. La remarque critique que vous me faites à la fin et qui est totalement légitime, ne me paraît pas cependant exacte car je ne sous-estime pas du tout le retour du religieux (voir la longue introduction), non seulement politique d’ailleurs. Mais c’est vrai que l’explication de son retour manque et la citation de Marx que vous rappelez est profonde: en un sens je me contente de partir de la religion pour redescendre à ses causes empiriques générales – ce qui est le propos d’un philosophe. Reste à savoir, au-delà de ces causes anthropologiques générales (en y intégrant l’histoire), pourquoi aujourd’hui ce retour: il convient de repérer les causes conjoncturelles et remonter par l’explication à l’émergence actuelle de la religion. Sur cet autre terrain, je serai modeste: le phénomène est multifactoriel et la crise globale du capitalisme n’y est pas pour rien (c’est vrai pour l’islam) comme la perte de repères idéologiques susceptibles de faire sens depuis la fin du système soviétique. Mais dans ce contexte, il y a aussi selon moi ce que j’appellerai une cause négative: l’absence d’une critique directe de la religion dans le champ intellectuel avec ses retombées idéologiques possibles. Même le PC, dont je demeure proche, est en pleine défaillance et en pleine régression dans ce domaine « Il ne faut pas critiquer les religions « m’a-t-on dit et il y voit un facteur d’émancipation, ce qui est ridicule pour l’essentiel! C’est ce combat-là que mon livre entendait réveiller et l’écho qu’il rencontre prouve qu’il répond à une attente et qu’il vise juste. Cela montre aussi que, pour moi, la religion n’est pas « rien » : une illusion, qu’elle soit vitale, idéologique ou psychologique, elle a un sacré poids de réalité qu’il faut expliquer et dénoncer à son niveau… tout en multipliant les stratégies, y compris éducatives, pour contribuer à sa disparition! Car, et c’est ma thèse essentielle, la religion (je ne parle pas de la croyance métaphysique) a fait et fait du mal à l’homme et, contrairement à Tosel ou R. Debray, je pense que l’homme peut très bien s’en passer et qu’il y a intérêt s’il veut « bien vivre » sa vie!

Bien à vous, Y. Quiniou.

PS: Pour revenir au point de départ de ce message, je corrige mon propos auto-critique: les explications sur lesquelles je m’appuie me semblent finalement répondre à la remarque de Marx: elle constituent bien une genèse (progressive donc) du phénomène religieux comme le demande Marx, mais générale!

Y. Quiniou


Le 10 février 2016

Bonjour,

Notre propos a au moins le mérite de permettre des échanges qui transcendent des clivages historiques qui pourtant représentent de véritables murs. Nul ne sait ce qu’il en ressortira, comme à toutes les époques de grand désarroi. Le dernier exemple historique des années 20-30 montre qu’il n’en ressort rien de bon, mais …

À part ça, je suis en train d’écrire un assez long texte autour de la religion qui remonte aux limites des critiques marxistes et anarchistes de la religion, essaie de réintroduire la question de la communauté à travers ce que nous appelons (à Temps critiques) la tension individu/communauté pour enfin comprendre ce qui se joue aujourd’hui et être en mesure d’y répondre à notre petit niveau.

Bien à vous,

JW


Le 10 février 2016

Bonjour, J’ai bien reçu votre réponse, et c’est vrai qu’il faut débattre… y compris sur la réalité des classes et de leurs antagonismes aujourd’hui. Par ailleurs j’ai davantage réfléchi à la phrase de Marx et au rapport que les explication de type « sciences humaines » auxquelles je me réfère (Feuerbach, Nietzsche et Freud)et qui incluent Marx, entretiennent avec son avertissement méthodologique. Ils me semble qu’elles y répondent, de la manière suivante: l’explication ou l’analyse régressive vers une origine disons vitale, au sens large, de la religion, s’accompagne nécessairement et du même mouvement d’une genèse progressive qui reconstitue le phénomène religieux sur cette base. Je ne peux développer.

Y. Quiniou


Le 10 février 2016

Il y a des signes tangibles de retour à l’époque de 1994 des « trafiquants de rêves », bons ou mauvais :

-1994, c’est l’année du « devoir de mémoire » chiraquien : pendant qu’il déclare, « la main sur le coeur » que « l’État français a une responsabilité dans la rafle du Vel d’Hiv », la police ramasse tout ce qu’elle peut d’immigrés dans le métro parisien,

– 2016, sera l’année d’une Assemblée nationale quasi-déserte pendant la discussion sur l’intégration constitutionnelle de l' »État d’urgence », de la « sortie en beauté » d’une Suzanne Taubira-qui-ne-peut-donner-que-ce-qu’elle-a, et du double-langage d’un Valls, qui fait matraquer à tours de bras tout ce qui ose montrer le bout de son nez…

Une anecdote récente :

-en sortant de chez moi, Dimanche, pour me rendre à un rencart, je tombe au carrefour avec la place que je dois longer, sur un parcours balisé de course cycliste…

Il fait soleil, mais encore frisquet, et avant de traverser la petite foule massée près des barrières de sécurité, assez espacées pour laisser déambuler les piétons, j’enfile mon anorak en laissant passer un cycliste suivi d’une voiture d’entraîneur qui le suit à 60 km/h… Une autre arrive à 40 m derrière et je passe… J’entends alors un strident coup de sifflet, mais étant sourd de l’oreille gauche, je ne situe pas d’où il vient… J’ai aperçu, à ma gauche, une voiture de police, mais pas les 3 gradés, et j’ai déjà traversé lorsque je tourne la tête à gauche et aperçois un des 3 gradés qui suit du regard le bonnet de laine blanc que je porte sur la tête, d’un air furibard, et il hurle : « Il y a quelque chose qui ne va pas Monsieur ? Vous avez un problème ? »… Je continue mon chemin… Il continue : « Lorsqu’on entend le sifflet, on s’arrête ! », et je réponds, en levant la main gauche, et hurlant plus fort que lui : « J’ai pas entendu ! », et disparais à l’angle…

Ce n’est que dans la rue que je réalise qu’il a dû me prendre pour « un musulman » et « n’a pas raté l’occasion » de « le mettre au garde-à-vous » ou de « faire un exemple devant tout le monde »…

Les patrouilles de 4 flics municipaux à pied avec flash-ball ont été multipliées par 3 depuis un mois et demi, et lors du rassemblement de solidarité avec les condamnés à des peines de prison ferme des syndicalistes de Goodyear, nous étions à peine une centaine… Ils n’avaient peut-être pas non plus « entendu le coup de sifflet »… *:P Tirer la langue

S. Boudjemaa


Le 10 février 2016

Il y a une dimension « existentielle » dont la brillante analyse de Jacques la « passe sous silence » : celle des animistes africains, qui voient « toute cette quincaillerie religieuse et l’arsenal » qui va avec, « venir de loin »… Mais, c’est un « détail », dont on a pris l’habitude…*; Clin d’œil

S. Boudjemaa

Le 10 février 2016


Bonjour,

C’est quand même une « réaction » très indirecte…

JW


Le 10 février 2016

Non seulement « indirecte », mais erronée quant à la représentation mentale de la cartographie des bassins religieux d’influence : la population musulmane tchadienne étant plutôt au Nord, et l’animiste christianisée au Sud, contrairement à ce que j’avance…

Donc, il me faut « du temps » (que je ne pourrai pas prendre, en définitive, cet après-midi…) pour étayer ce fil que tu longes fort à propos dans la critique du « messianisme platonicien » de l’hypothèse communiste telle qu’elle serait « envisageable » selon Badiou.

Ensuite, peut-être, serait-il « trop décalé » (par rapport à ton texte portant sur l’a-culturation d’une jeunesse de banlieue sans perspective qui verrait dans l’épopée du Califat une « ligne de fuite » d’un horizon « borné de « tous les côtés », bouddhisme, évangélisme, décadentisme, post-punkisme inclus…) que d’en revenir à la superficialité relative de l’imprégnation musulmane (et partant « pan-arabe »…) dans les aires assez diverses des tissus agro-économiques du monde berbère maghrébin (Tunisie, Algérie, Maroc) et des bassins d’emplois industriels (attesté par les confrontations encore récentes de 2008-Redeyef, et Sidi-Ifni-2009 avec leurs pouvoirs d’États respectifs) et africains septentrionaux (dans les zones maliennes où la charia a été appliquée par les unités d’Ansar-Din ; elles font aussi preuve d’incapacité à penser la gestion administrative et économique territoriale d’une population, dans la perspective de « durer », comme si leur stratégie avait été un pur placage du comportement féodal des alliances tribales sous la Jammai’riya libyenne)… Pour un « projet fondamentaliste » qui escompterait s’appuyer sur des « particularismes », c’est « un peu léger », l’exercice de la domination par la terreur militaire ne pouvant se maintenir très longtemps sans relais administratif, foncier et policier (administration « ottomane-bis », par ex…) qui « ne demande qu’à s’étendre », c’est-à-dire « ait une base sociale qui lui fasse écho »…

C’est là une « interface », indirecte s’il en est, dont je voulais l’aborder par le « lien-leurre » que j’ai envoyé, où l’Assemblée de village est présentée par le RCD du Dr Saadi comme « un exemple républicain de gouvernance » du maintien d’une communauté agraire de montagne dans son biotope : y a-t-il la place pour que s’y développe « un projet communiste » ou la parodie (régie par les affects de « l’appartenance »…) d’exercice des liberté démocratiques qui s’y exerce exclut-il tout « projet communiste » ?

Ces villages de moyenne et haute montagne ayant été explicitement sollicités par de jeunes éléments des villes, chômeurs et « radicalisés F.I.S », durant les années de « guerre civile », désireux d’y trouver « des filles à marier » pour échapper à leurs sorts, en villes « régies par l’intellect » et s’intégrer à ces communautés villageoises régies encore pour une bonne part par des codes claniques de structures de parentés à trois degrés endogamiques…

Cette « résistance » à la pénétration là n’existe pas au Machreq, et elle produit un autre type d' »élection » (par le sentiment de « réalisation » et d’appartenance minoritaire…) de ses sujets… Elle est le produit d’un processus historique distinct.

S. Boudjemaa


Le 12 février 2016

Bonjour Jacques,

Oui, c’est à propos du texte « Dans l’angle mort… ».

Ce qu’il me paraissait manquer, ce sont deux choses :

– Le fait que toute une partie du mouvement « socialiste » au sens large, et singulièrement libertaire, a cru pendant longtemps (depuis le XIXe siècle) que les croyances (religieuses) allaient reculer avec la libre pensée, les découvertes scientifiques, la scolarisation de masse : il n’en a rien été. Ou pas exactement comme cela. De mon point de vue, il faut que le mouvement libertaire balaie devant sa porte et comprenne pourquoi cela ne s’est pas passé ainsi. Ce n’était pas forcément votre préoccupation dans le texte, mais je pense que cette question est incontournable.

– De façon générale, vos textes ne traitent guère de ce qui m’apparaît comme la nouvelle forme de domination (tant locale que planétaire) du XXIe siècle, à savoir le capitalisme vert et ce qui l’accompagne : l’écolocratie (ou écolocrature). De fait, par rapport au sujet du texte et au point précédent, je considère, en gros, que la nature a remplacé dieu dans les sociétés dites modernes-industrialisées « laïcisées », tant dans son schéma transcendantal que dans ses applications fonctionnelles : la croyance comme valeur et pratique, y compris croire dans n’importe quoi, tout et son contraire (on dénonce la science, mais on croit aveuglément certaines fadaises du Club de Rome ou du Giec qui reposent sur des approximations scientifiques, etc.), croire dans les gourous et croire dans l’État (supposé neutre, efficient, etc.), rôle des Églises, etc.

On arrive à des sornettes comme quoi la guerre en Syrie aurait pour origine le réchauffement climatique (je dénonce cette escroquerie intellectuelle et politique dans l’un de mes billets sur La Lettre d’Orion, là où j’évoque le pastafarisme).

http://libelalettredorion.blogs.liberation.fr/2015/12/07/dg-et-pastafarisme/

Tant que la critique disons « radicale » ne prendra pas à bras le corps cette critique du capitalisme vert et de l’écolocratie, en démontant tout ce qui y a amené, écolocratie qui est compatible avec le fondamentalisme religieux à plus ou moins haute dose, je pense que nous n’avancerons pas, tout en continuant à mouliner de vieilles grilles d’analyse de plus en plus obsolètes.

Sinon, je le répète, le texte m’a beaucoup plu.

Bien à toi,

Philippe P.


Le 12 février 2016

A Jacques Wajnsztejn, bonjour !

Comme toujours on ne peut–être que séduit par la subtilité et l’intelligence de la critique des analyses du phénomène islamiste produite par JW. Il m’évoque Lukacs, dénudant la pensée réactionnaire allemande du XIXe siècle (Schopenhauer, Kierkegaard, Nietzche) comme prémisse des courants fascistes ultérieurs (Heidegger). Ou, moindre étoile, Clouscard, fustigeant ce qu’il nomme en bloc les « libéraux libertaires » ( Sartre , Foucaud, Bourdieu, Lévy Strauss, Lacan, etc.) comme hérauts du capitalisme de consommation en gommant la part de vérité de leurs propositions. Le seul regret c’est que l’un et l’autre perdent leur outil critique quand il s’agit du stalinisme pour le premier, du parti de Marchais pour le second, ce qui limite singulièrement l’impact de leurs messages, sans toutefois leur faire perdre toute véracité. JW en effet s’attachant fort justement à mettre en exergue le rôle propre de l’imposture religieuse dans les monstrueuses pratiques djihadistes, ne redresse-t-il pas le bâton coudé à l’excès ? N’oublie-t-il pas l’analyse des soubassements socio économiques qui nourrissent de tels excès fussent-ils drapés dans la religion ? Comment ignorer que depuis soixante dix ans, les masses misérables du Moyen Orient ne connaissent que la défaite systématique face à la technologie surarmée de l’occident qui maintient par une guerre permanente un néo-colonialisme de fait, jusqu’à l’apartheid israélien minéralisé dans ses 700 km de murs de béton, fondé sur la mystification historique des récits fabuleux de la Bible, totalement irrationnels, comme l’a montré l’universitaire israélien Shlomo Sand. Où est la raison quand des millions de Palestiniens innocents doivent en fait payer pour le génocide des Juifs perpétré par l’État national socialiste allemand ? Parallèlement, les émirs et oligopoles du Nord empochent et dilapident des milliards de la vente du pétrole polluant, qui auraient pu au moins servir à sortir ces nations du sous-développement ? Utopie, un Israël ouvert aurait pu dynamiser de son imparable intelligence technologique un développement de tout le Moyen orient plutôt que de jouer le gendarme avancé de l’Occident affairiste contre ses velléités d’indépendance.

Au Nord, la religion n’a reculé qu’avec le développement du bien-être, quand les politiques répressives des staliniens ont provoqué le strict inverse. Quand la régression sociale et la peur du lendemain reviennent, la religion repart de plus belle.

La crise des migrants n’est-elle pas l’annonce du contenu essentiel du XXIe siècle : la loi inexorable des vases communicants entre un milliard de nantis (relativement) et 6 milliards de pauvres, mieux un pour cent mille de très riches contre des milliards de très pauvres ? 800 millions de Chinois sont sous le seuil de pauvreté. La diffusion endémique du djihadisme dans nos banlieues peut-il étonner en France quand on connaît leur réalité ségrégative reconnue par Valls lui-même. Pour y avoir longtemps vécu, comment penser que la défaite des Beurs de 2005, huit jours en bataille rangée face aux CRS de la République n’aurait aucune suite ?…

J.-L. Lefebvre

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