A propos de l’article L’Arabie saoudite, un Daesh qui a réussi

A la suite de la lecture du texte de Kamel Daoud : L’Arabie saoudite, un Daesh qui a réussi dans le New-York Times, Jacques Guigou a souhaité réagir. Il complète ci-dessous le point de vue proposé dans le précédent billet avec le second article : État islamique ou communauté despotique ?


Gzavier, Jacques,

Cet article n’aborde pas la question de l’EI comme État. Il met surtout l’accent sur la puissance de diffusion des médias et de l’idéologie salafiste (dans les 2 versions du fondamentalisme islamique) par les pouvoirs religieux de l’Arabie saoudite. Mais l’affirmation contenue dans son titre méconnaît (ou plutôt occulte) les différences historiques et politiques importantes entre l’instauration du royaume saoudien et l’émergence de l’EI. Ces différences rendent assez insignifiante sa comparaison. J’en donne ici au moins trois :

1- Le premier royaume saoudien a été constitué par Ibn Saoud, un chef tribal bédouin nomade qui s’est associé avec un chef religieux. Le troisième royaume fondé en 1932 est plus vaste et plus puissant car il a conquis les tribus voisines mais la nature de son pouvoir politique est inchangé : une dynastie royale de pouvoir absolu reposant sur une même tribu-famille qui exclu tout autre alliance pour le partage du pouvoir. Ibn Saoud a eu 52 fils et 36 filles. La succession se fait entre les frères, etc. Il est impensable de trouver des étrangers au cœur du pouvoir saoudien (à l’exception des experts et des conseillers).

Ce caractère dynastique et strictement tribal du pouvoir saoudien combiné à son identité territoriale le différencie de l’EI. L’EI rassemble des individus de plus de 50 nationalités parmi ses membres et ses chefs avec des polarisations autour du Moyen-orient, de l’Afghanistan et de l’Europe.

2- Même si l’EI a nommé un Calife (« chef de tous les croyants et successeur de Mahomet »), le pouvoir politique réel est multiple, multipolaire. Il est le fait de groupes, de clans, de chefferies qui se partagent les fonctions de gestion et de conduite des opérations guerrières. Il est inexact de parler d’une « administration » qui gérerait les territoires où s’exerce sa domination sur des populations autochtones réprimées, voire éliminées. Ce n’est pas parce que des rétributions de services sont accordées, que des « salaires » sont distribués, que des hôpitaux fonctionnent, que des tribunaux jugent, etc. qu’on est pour autant en présente d’une « administration d’État ». Le Hamas assure tout cela et il n’est pas un État ; on trouve aussi, à une échelle plus petite, de telles organisations dans les réseaux mafieux.

3- Parler, comme le fait K.Daoud d’un « clergé musulman » ne rend pas compte de la réalité du pouvoir religieux en Arabie saoudite. Dans l’Islam il n’y a pas un corps de prêtres, professionnels de la parole divine et eux-mêmes participant à la divinité , qui médiatisent le croyant avec Allah. Il y a des sortes d’idéologues qui assurent une fonction d’élucidation et de diffusion de la vérité du Coran. Bien sûr ils se divisent en écoles, courants, académies, etc.

Dans l’EI aussi la propagande religieuse ne passe pas par un « clergé » mais elle opère directement par les centres de communications et sur les réseaux sociaux. La doctrine est celle du salafisme djihadiste.

JG

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