La critique limitée produite par les nouvelles formes d’anti-capitalisme

C’est un point que nous avons déjà abordé sous différents aspects. Dans la revue tout d’abord, avec la critique de la prétendue déconnexion entre « économie réelle » et finance, puis dans le cadre d’un article publié comme inédit dans le volume IV de l’anthologie des textes de la revue Temps critiques (JG et JW : La société capitalisée, L’Harmattan, 2014) sous le titre : Une énième diatribe contre la chrématistique en référence à la distinction faite par Aristote entre le « bon argent » dépensé productivement et le mauvais argent conçu uniquement pour « faire des petits ». Une distinction reprise par Anselm Jappe dans un article pour le journal Le Monde et donc critiquée par JW ; enfin dans deux articles, assez contradictoires, autour de l’argent dans le n°18 de la revue (automne-hiver 2016-2017).

Dans ces deux premières occurrence il s’agissait pour nous de mettre en évidence le caractère limité de ce type de critique par rapport au processus actuel de totalisation du capital ce qui donne l’impression que ce n’est pas le capital dans son ensemble qui est critiqué, mais certaines de ses dérives ou excès, tout en faisant remarquer, chose quand même importante, que limitée à cela cette critique anti-capitaliste de gauche a du mal à se distinguer de la critique anti-capitaliste en provenance de l’extrême droite.

Dans la troisième occurrence, il s’agissait, au-delà du différend entre les deux textes de saisir le pourquoi de ce retour de la question de l’argent. Pour Bruno dans l’article et d’une certaine façon pour Gérard dans l’échange qui suit, il s’agit de tracer une perspective au-delà du « monde de l’argent », alors que pour JW cette orientation, sans possibilité immédiate de mise en pratique, participerait plutôt du même anti-capitalisme que celui rencontré dans les deux premières occurrences.

27/06/2017 – Ajout de remarques de Bruno à la présente introduction et, en dessous, une réponse de JW.


 

Le 26/04/2017

Bonjour,

Une partie de votre texte « La « crise » et ses annonceurs » qui se trouve à la page 20 de votre brochure, m’amène à vous poser quelques questions et également à émettre certaines affirmations.

Il s’agit des passages concernant la chrématistique d’Aristote. Il faudrait en finir, selon vous, avec « la haine anti-capitaliste de l’argent ». Faut-il penser que vous considérez que tout ce qui est susceptible d’être produit, échangé et consommé, n’est absolument pas contestable, voir éventuellement ne peut être remis en question. Car cela pourrait amener à entraver l’expression des « activités de pouvoir et ludiques » ?

En lisant cette partie de votre texte, j’ai l’impression de relire « Le Principe Autonome » du collectif « Marx envers et contre Marx ». Est-ce que je me trompe ?

Vous écrivez, qu’il faut se débarrasser des « sous-entendus moralistes ». Il me semble, que vous « caressez dans le sens du poil » un milieu qui se veut « radical ». Ce sont des gens se prétendant sans morale et à ce titre s’interdisent de dire ce qui leur semble bien et surtout de dire ce qui leur semble mal. Ils sont « au delà du bien et du mal ». Tout doit être possible, sans limites aucune. C’est en définitive, des êtres humains parfaitement adaptés au monde, comme il va.

Vous faites un rapprochement entre « Économie de casino », « meccanos industriels » et enfin le « consumérisme ».

On peut penser à juste titre,  que ces activités permettent à certaines personnes d’acquérir du pouvoir et du prestige, comme de jouer et de s’amuser, comme « accessoirement », de « faire » de l’argent.

Mes moyens financiers m’empêche de participer pleinement à « l’Économie de casino ». Comme de tenir les manettes d’un quelconque « meccano industriel ».

En revanche, je dispose d’assez d’argent pour faire partie des consommateurs. Je fait donc partie des cibles de la publicité qui m’incite journellement à acquérir certains objets.

Vous semblez penser que je m’amuse en consommant. J’ai tendance à penser que ceux qui ont des activités « ludiques » c’est plutôt les publicitaires et les entrepreneurs qui les emploient, afin d’influencer et de manipuler les consciences de ceux qui achèteront. Les humains satisfont ainsi des besoins largement prédéterminés et expriment leurs désirs perpétuellement insatisfaits, de se distinguer les uns des autres.

On peut penser, que j’exprime des opinions qui sont empreintes de  « moralisme ». Mais, je reconnais sans gène aucune, que cette éventuelle condamnation n’a aucune importance pour moi. Car il se trouve, que je ne pense pas qu’une sortie libératoire du capitalisme, puisse se passer d’une remise en question des façons de produire et de consommer, comme aussi de se distraire.

Cette perspective peut sembler lointaine, mais elle m’apparaît comme le seul moyen permettant aux humains, c’est à dire potentiellement à tous et à chacun, d’envisager et de déterminer ce que seront leurs activités et d’évaluer leurs éventuelles conséquences .

Je pense que cette perspective contribuera également , à favoriser pour tous la possibilité de se distinguer et de s’amuser, sans que ce « Jeu » n’aboutisse à faire des « gagnants » et des « perdants ».

 


 

Le 10/05/2017

Gérard,

Merci de tes remarques, mais je ne pense pas qu’elles visent l’essentiel de la brochure qui est centrée sur la crise.

 Tes critiques me semblent donc décalées et beaucoup plus en rapport avec mon article sur le consommation dans le n°17 ou à la rigueur l’article sur l’argent en réponse à Bruno dans le n°18.

Ma contre-critique de la « critique de la chrématistique » s’inscrit dans une perspective théorique plus large qui n’a rien à voir avec le thème de la consommation, ni avec un quelconque hédonisme. C’est au départ une réaction à un article d’Anselm Jappe dans le journal Le Monde auquel j’ai répondu par l’article : Une énième diatribe contre la chrématistique, disponible sur notre site. Il s’agissait d’y attaquer les incohérences de « l’école critique de la valeur » (Postone, Krisis allemand, Jappe) quant à leur vision de la finance et du fonctionnement du capital fictif, leurs atermoiements sur la question de la prétendue déconnexion « économie réelle »- finance, etc.

Ma réponse à Bruno sur l’argent (cf. nos deux articles dans le n° 18 de la revue) n’en était pas si éloignée mais correspondait plutôt à une réaction à cette fixation sur le « mal » que représenterait l’argent en oubliant l’existence des formes primitives de l’argent dans toutes les sociétés et son rôle précis dans la notre. En oubliant aussi toutes les fonctions d’intermédiation de l’argent « libérant » les individus dans la société capitaliste par opposition au joug qui pesait sur eux dans les sociétés précédentes, ce que les critiques situationnistes de l’argent oublient bien souvent en parlant avec un détachement aristocratique du bien vivre de ces époques où le fétiche argent n’aurait pas fait de ravage puisque, bienheureux les pauvres, ils n’en avaient pas et ne connaissaient donc que de sains plaisirs.

Il y a bien sûr, dans ces notes, trois soucis qui ne sont pas tout à fait du même niveau.

 Le premier est de comprendre et décrire correctement le rôle de la finance dans la société capitalisée. Je dis de la finance plutôt que du capital financier au risque de nuire à mon argumentation, mais tant pis j’en prend le risque, parce que le mot finance est encore plus chargé d’opprobre aujourd’hui que celui de capital financier, mais je l’utilise sciemment dans la mesure où il rend mieux compte du processus de globalisation en cours et de financiarisation de l’économie, bref de totalisation du capital dépassant un stade précédent où les différentes formes de capital se succédaient en changeant de dominante, mais sans aller jusqu’à une véritable symbiose des formes, c-à-d en gros en restant au niveau de l’analyse d’Hilferding puis de Lénine sur « l’impérialisme stade suprême du capitalisme ».

Et dans ce processus de financiarisation je me suis beaucoup attaché au développement et au nouveau rôle du capital fictif pour m’inscrire en faux contre sa réduction à une forme spéculative et y voir au contraire une des base de la dynamique du capital et de sa « révolution », aussi bien du point de vue de son rôle dans la consommation que pour l’investissement.

Le second est de se servir de cette analyse, de façon à savoir à qui s’attaquer (par exemple par rapport aux « Occupy » américains s’attaquant aux 1% de la finance et du commerce), c-à-d au capital sous toutes ses formes surtout à partir du moment où on pense que le capital domine la valeur (cf. encore sur notre site : 40 ans après retour sur la revue Invariance) ; et donc éviter toute tendance à rechercher un bouc émissaire responsable de la mondialisation, du chômage, etc. alors que le moins qu’on puisse dire, c’est que les responsabilités sont bien partagées parce que si tous ne font pas du profit la plupart des individus-démocratiques de la société capitaliste « profitent ». C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les derniers mouvements d’insubordination des années 60-70 ont été vaincus : ils ne l’ont pas tant été par le capital que par la démocratie et la « société de consommation ».

Le troisième qui le complète mais reste secondaire, à savoir lutter contre toute tentation antisémite dans la critique communiste quand on sait qu’elle est aujourd’hui étouffée par une critique anti-capitaliste qui brasse large, d’ex de l’ultra gauche en passant par le NPA, les indigènes de la République et jusqu’aux djihadistes.

Si tu lis attentivement nos textes, ce que je pense, mais je crois aussi que tu as eu une « absence » qui a laissé passer pas mal de nos derniers développements, tu dois savoir que notre propre critique contre cette « morale » critique dont tu parles n’est pas une critique de toute morale. Pour être plus exact, nous ne parlons pas dans ces termes, mais plutôt en termes de principes, limites. Rien de moins « radical » que la revue Temps critiques, on nous le reproche assez justement.

D’ailleurs mon livre Rapports à la nature, sexe, genre et capitalisme en est une bonne illustration. Une critique des particularismes radicaux que nous avons commencé dès le début des années 2000 avec Capitalisme et nouvelles morales de l’intérêt et du goût et que nous caractérisions justement comme toi de parfaitement adéquats à la dynamique du capital.

Quand je parle des jeux de pouvoir du capital, c’est pour mettre en avant le fait qu’il y a bel et bien, et malgré tout ce qu’a dit Bordiga hier puis aujourd’hui tous les tenants du « capital automate », une politique du capital et des stratégies de pouvoir au niveau du capitalisme du sommet et qui peuvent redescendre éventuellement plus bas au niveau des dirigeants et cadres supérieurs et autres « traders ». Mais la société capitalisée se distingue justement de la société bourgeoise parce qu’elle a la capacité de démocratiser ses mécanismes et produits jusqu’à ce que ces utilisateurs de base puissent en profiter, de l’internet au selfie en passant par Twitter et Facebook, le téléphone portable les jeux vidéos, les clubs de rencontre, les logiciels libres, j’en passe et des meilleurs.

Tout ça pour dire que ce n’est pas la rationalité en soi qui guide la marche du capital. Son dynamisme réside dans la prise de risque, l’excès et tout cela nécessite aujourd’hui de formidables moyens de contrôle, mais il n’empêche que c’est ce qui fait sa supériorité qu’on le veuille ou non (demande aux allemands de l’Est qui avaient pourtant la médecine et la culture quasi gratuite et qui ne connaissaient presque pas l’argent !).

Par rapport à ta conclusion, je ne dis pas qu’il ne faut pas tracer d’autres perspectives, mais je suis opposé à toute perspective partant d’une page blanche à la Pol Pot ou d’une dictature à la Bordiga qui décidera quel membre du Parti (Vercelli en l’occurence) à encore le droit de fumer (c’est un exemple car je ne fume pas, mais on pourrait prendre celui de la CNT interdisant le port du chapeau à Barcelone en 1936 avant que son syndicat des chapeliers n’intervienne où bien la même CNT interdisant le pourboire aux garçons de café avant que ceux-ci dont une forte fraction était composée d’anars ne fassent péter le point sur la table pour son rétablissement).

Il en est de même avec le rapport aux « sociétés primitives » qui reviennent à la mode dans l’ultra gauche tellement les gens sont paumés et qui les découvrent ou les redécouvrent avec les yeux de Chimène alors que beaucoup d’entre elles étaient des sociétés ou communautés de guerre et de cruauté, de compétition précoce, de rites féroces de scarification, excision et circoncision.

La régression théorique n’est pas que dans la quasi absence de critique actuelle de l’existant, mais aussi dans la recherche de nouvelles croyances aptes à remplacer celle envers le prolétariat. Après avoir souvent couru après la crise finale beaucoup de « gauches communistes » (je ne te vise pas particulièrement puisque le texte que tu nous a joint à tes lettres va plutôt dans le sens de la « révolution à titre humain ») d’aujourd’hui courent après les images de bons sauvages que même les anthropologues, pourtant la plupart du temps en pleine empathie participative avec leur sujet (cf. Mead et ses Arapesh) ont depuis été obligés de rejeter.

Pour terminer pour aujourd’hui et sur un point annexe, aucune référence chez moi au « Principe autonome » de la revue Marx envers et contre Marx  qui est à mon avis leur plus mauvais texte ; par contre, tu trouveras dans notre livre Englobement ou dépassement, la dialectique revisitée ainsi que dans des discussions sur le blog, de nombreuses références, de ma part, aux deux premiers numéros de la revue sur la critique de la métaphysique de la valeur et la méthode scientifique, un mélange intéressant de Castoriadis et de Kant si je veux faire court.

Bien à toi,

Jacques W

 


 

Le 14 mai 2017

Bonjour,

Tu voudras bien excuser, mes remarques « décalées » et incapables d’aborder l’essentiel de ton article « Une énième diatribe contre la chrémastitique ».

Dans la note 20, tu écrit : « Les hommes ne veulent pas « vivre bien », selon la vertu, ils veulent vivre c’est tout. : ». Il me semble que c’est assigner un « destin » aux humains. Celui de rester un peu « enfantin ». Les enfants sont souvent « ivres » de vivre « sans limites ». Pour cela, la colère, la pierre, le bâton, la sagaie, l’épée, le fusil, etc sont censés imposer à « l’Autre » quel qu’il soit, d’être un simple « moyen » ! Il en est de même de la « matière » qui doit se plier aux « désirs illimités » des « enfants » (quel que soient leurs âges) !

Tu l’auras compris, je considère l’argent (matériel ou immatériel) comme un moyen beaucoup plus efficace que « le bâton » et « le sucre d’orge » pour s’affirmer et tenter de faire des « autres » des admirateurs et des serviteurs. Et enfin, pour faire en sorte que la « matière » soit autant que possible un pur et simple « Mecano » !

Je ne pense pas que l’humanité, tous et chacun, doivent rester à un stade, disons « infantile ».

Cordialement.

Gérard Ribou

 


 

Le 15 mai,

Bonjour,

Je te remercie de m’avoir répondu (cf. lettre JW du 10 mai). Je ne suis pas en mesure de discuter avec toi, sur les méandres de la société capitaliste.

Aussi, tu devras te contenter de quelques remarques et affirmations ,dans lesquelles j’exprimerai mes accords et désaccords. Ce sera certainement « decalé » par rapport à ce que tu écrit, ça n’abordera pas l’essentiel.

Il me semble que tu à raison la domination du Capital fictif ne se réduit pas à la sphère de la spéculation, quoique j’ai en mémoire un texte de Lucien Laugier, dont j’ai bien entendu oublier le titre (pour cause de « trou »). Dans ce texte, il évoquait des salariés victimes d’accidents de travail, lesquels calculaient ce que leurs maux, pouvaient leurs rapporter. Cet exemple, est certainement « banal », peu « probant » pour les « Conscients ». Mais, en ce qui me concerne, il m’a fait « découvrir » un pan très important de la présente société.

Je souhaite aborder en peu de mots, un phénomène qui me semble n’être pas seulement un jeu, permettant l’expression de « la volonté de puissance », etc. Je parle des licenciements, ceux-ci me semble tout de même décidés par un usage du raisonnement par les « décideurs », un certain calcul des coûts et des bénéfices intervient dans leurs décisions, lequel s’exprime en argent à perdre et à gagner dans cette pratique. Selon moi, cela veut dire que lorsque « les patrons » prennent la décision de licencier, sans doute certains sont ils heureux de « faire souffrir », de manifester ainsi : leur « volonté de puissance » et autres « bons sentiments ». Il n’empêche qu’ils obéissent à une norme, une obligation qui s’imposent à eux, quelque soit leurs désirs individuelles, sans qu’elles soient le résultat d’une quelconque délibération.

D’accord avec toi, sur la fascination enthousiaste exercée par les sociétés « primitives », on ne recherchaient pas vraiment ce qu’il pouvait y avoir d’ aliénant dans ces sociétés. Peut-être parce que leurs « exemples »,  pouvaient « représenter » un des éléments de « compréhension » auprès des gens qui avaient le « chance » de nous écouter, ils pouvaient ainsi « apprendre » qu’il y avait eu d’autre façon de vivre en société. Toujours d’accord avec toi, les rites de passage, les « destins » tracés ne semblent pas interroger les supposés « radicaux » en mal d’exotisme. J’ajouterai que ces « pratiques » sont toujours à l’oeuvre, maintenant dans les lieux et sous des climats, ou celles-ci ne concernaient qu’un nombre infime de personnes. L’accession à la modernité, à permis que certaines de ces opérations « délicates » ne s’effectuent plus par l’intermédiaire d’un dromadaire, d’une chèvre ou d’un mouton, mais par de l’argent.

Effectivement, l’usage de l’argent « libère » potentiellement les individus de ce qui pouvait entraver (position sociale, sexe, ethnie, etc.) leurs désirs. Toutes les portes sont en mesure de s’ouvrir à qui dispose du précieux talisman.Mais l’usage généralisée de celui-ci, n’a pas pour autant totalement aboli le poids et le « joug » des rapports anciens et « leur cortège de représentations antiques et vénérables ». De plus, l’émergence parmi les humains de regards désabusés, me semble très loin de leur avoir permis d’entrevoir quelle est réellement leur

place dans l’existence et a partir de là, d’envisager qu’elles pourraient être leurs relations communes.

La concurrence, la compétition, la constante « programmation » et « stimulation » des désirs individuels, sont là pour rappeler à tous et à chacun, que pour vivre il faut posséder et disposer de l’argent. Ce qui laisse peu de temps pour la réflexion !

Sans rêver de « table rase » et en étant loin d’être en mesure d’édicter des « listes d’interdits », malgré tout, je me permets de penser que ce monde est loin d’être idéal. Pour s’en débarrasser, celà dépendra de l’activité des humains. Comment pourra t-elle se manifester et se déployer ? Je suis dans l’incapacité de le formuler.

Dans ton article « Une énième diatribe contre la chrésmatistique », tu écris : »Les hommes ne veulent pas vivre bien, selon la vertu, ils veulent vivre c’est tout.: ». Il me semble, que c’est assigner un « destin » aux humains. Celui de rester définitivement des « enfants » ! Bien souvent, l’enfance se caractérise par une sorte « d’ivresse ». A ce moment, les enfants sont « possédés » par « un appétit de vivre », « sans limites ». Peu importe, le « moyen » permettant de s’imposer, ce pourra être la « crise » de larmes, la colère, la pierre, la sagaie, la lance, l’épée,le fusil, etc. Pour l’enfant (quel soit son âge !), il lui faut soumettre « l’Autre » à  sa « volonté », pour ainsi se sentir « conforté » dans sa propre existence. Il en est de même, pour la « matière », la « nature » environnantes, celles-ci doivent également se plier aux « désirs illimités ».

Tu l’auras compris, je considère l’argent (matériel ou immatériel) comme un moyen beaucoup plus efficace, que « le bâton » et « le sucre d’orge », pour s’affirmer et faire des « autres » des admirateurs et des serviteurs, évidemment avec le risque de voir apparaître des concurrents. Peu importe ! Il faut que « le gamin puisse continuer à jouer, avec son meccano » !

En ce qui me concerne, je pense qu’il est préférable et souhaitable pour l’humanité, tous et chacun, qu’elle abandonne « la fixation » au stade…infantile !

Cordialement.

 


 

Gérard Ribou

Le 15/05/2017

Cette remarque est non seulement « décalée » comme le dit G.Ribou mais elle est assez incohérente. En quoi dire que les hommes veulent vivre avant tout c’est les assigner êtres « enfantins » ?

Quant à ses litanies sur « l’Autre » (avec un grand A) nous avons déjà montré qu’elles relèvent d’une symbolique politico-religieuse qui accompagne la mise en réseaux des individus particularisés.

Jacques Guigou

 


Ajout du 27/06/2017 :

Le 19/06/2017

Je réponds à l’introduction sur le blog « la critique limitée produite par les nouvelles formes d’anticapitalisme ».

Dans mon texte »la communauté humaine: une société sans argent » qui fut une introduction au débat organisé le 3 octobre 2015 sous l’initiative de Giuseppe Mule et de Oreste autour du débat « une société sans argent ? » mettait évidemment en exergue une perspective d’un monde au delà de l’argent.

Comme je l’exprimais dans mon texte, une société basée sur la communauté humaine serait une rupture avec l’économie, l’échange, la mesure d’une valeur, le refus d’un équivalent général dans les échanges. Mon anti capitalisme n’a absolument rien à voir avec l’anti capitalisme de l’extrême gauche ou d’extrême droite ni avec les positions de Jappe qui fait une dissociation entre économie réelle et financière ou encore avec l’anti capitalisme des alter mondialistes qui réhabilitent l’économie créative pour freiner la finance.

Même si le capital domine la valeur qui n’est d’ailleurs plus que représentation et devient évanescente, même si l’argent devient de plus en plus dématérialisé, l’attrait pour l’avoir, pour la consommation, pour la possession d’objets nouveaux en vogue, l’attrait pour le »paraître » est de plus en plus constant depuis l’ère du consumérisme. Il y a toujours des êtres qui sont prêts à « tout » pour avoir de l’argent (soi pour la survie) ou pour en avoir plus. La perspective de la communauté aspire à d’autres rapports où la convivialité et l’entraide en finiraient avec l’échange marchand.

Bruno

 


 

Le 22/06/2017

Bruno,

Je prends note, mais ta réponse est dans le même registre que les remarques de Gérard. C’est-à-dire que cela ne répond pas à mes critiques soulevées au moment de la sortie du numéro 18 et consignées dans l’article : « Quelques remarques autour de la question de l’argent ».

Tu te démarques de la position anti-capitaliste des gauchistes ou alternativistes en affirmant une position il est vrai différente puisqu’elle n’est pas, contrairement à la leur, une position qui se manifeste d’une façon ou d’une autre sur le terrain politique militant, mais une position que j’appellerais programmatique, à une époque où plus rien ni personne ne peut appuyer raisonnablement une telle position qui devient, faute de pouvoir créer son propre espace, une position d’ordre « privée » qui ne peut en sortir que par sa transformation en posture radicale comme celle défendue par André Dréan dans « Les SEL manquent de sel » in L’Oiseau-tempête n°3 (cf. ma critique de cette position dans Après la révolution du capital, p. 140-144). Dans la conception critique que nous développons de la société capitalisée, je dirais qu’il n’y a pas grande différence entre cette affirmation programmatique et ce que j’ai appelé les nouvelles morales du goût. La particularisation est alors celle de la théorie ou del’idée comme chez Badiou et son « idée » du communisme.

Bien sûr ta position n’est pas incompatible avec le champ théorique assez large de la revue et c’est d’ailleurs pourquoi ton article est passé dans le n°18, mais la revue s’est quand même construite contre toute cette vision programmatique du communisme, marque de fabrique des petits groupes ultra-gauche. C’est quelque chose qui apparaît très clairement quand on relit le texte « Aux origines de la revue », in vol II de l’anthologie des textes de Temps critiques, p. 325-342, un texte finalement inédit en dehors de l’anthologie et donc peu connu car il ne figure pas sur notre site. Peu connu à l’extérieur et visiblement peu connu à « l’intérieur » ! Il était donc urgent de le rendre plus accessible, ce à quoi s’attache Gzavier en ce moment.

Je vais prendre un exemple de ce qu’est une position non programmatique sur la question de l’argent en revenant sur un autre de nos textes Crise financière et capital fictif et plus précisément sur une partie rédigée par JG, p. 71-74. Je résume : après la citation d’exemples historiques de monnaies « fondantes » dans les années 1930, puis celui plus actuel des SEL, JG fait remarquer que la plupart des critiques de ces formes alternatives de monnaie se font au nom de la valeur-travail et de la classe révolutionnaire par essence (la revue se développe sur la caducité de ces deux représentations) ou alors au nom d’une critique des « nuisances » de la société industrielle.

Or, si on regarde les expériences de SEL ou les « clubs de troc » d’Argentine dans les années 2000, elles ne correspondent pas à une « idée » de socialisme ou de communisme mais à des projets concrets de remplacer les échanges défaillants ou à ne plus s’en satisfaire et donc à la recherche d’une voie concrète de sortie du capitalisme « par impossibilité » si l’on peut dire parce que le capitalisme ne développe pas une dynamique suffisamment puissante pour être complètement inclusive et que, chemin faisant, certains rapports socaix sont difficilement reproduits. Ce n’est qu’après que l’urgence de cette « impossibilité » est apparue, que, finalement, les expériences cherchent à se relier ou alors se trouvent de fait en congruence avec une des formes d’utopie socialiste, communiste, garantiste ou mutualiste à sa disposition en tant que référence … dont le principal effet va être de faire croire qu’on peut dépasser les limites de l’expérience originelle.

Que faire alors du point de vue extérieur qui critiquerait l’expérience si on ne s’en tient pas à un radicalisme hors sol ?

Nous répondions : « on doit affronter sans a priori, la question des échanges et des médiations. Comment résoudre l’antinomie marxienne des Grundrisse dans laquelle Marx affirme à la fois que le marché produit les valeurs de liberté, d’égalité et d’individualité : « la valeur d’échange et mieux encore, le système monétaire, constituent en fait le fondement de l’égalité et de la liberté » (Anthropos, vol I, p. 194) et le fait qu’il fallait, dans la perspective communiste (celle sous-tendue ici par la notion « d’individu immédiatement social » qui est hautement critiquable et que nous avons en tout cas critiquée*) supprimer toute médiation et donc celle de l’argent ?

Nous terminions par « La question reste posée pour tous ceux qui ne veulent ni du communisme de caserne ni du plan soviétique ».

Le moins qu’on puisse dire c’est que nous ne sommes guère plus avancés aujourd’hui.

Nous avions eu aussi des discussions autour de la gratuité sur le « réseaudediscussion » avec Max entre autres et encore aujourd’hui avec Raoul, mais nous faisions remarquer que même si cette gratuité est parfois possible dans certains domaines et ce, dès maintenant, elle suppose souvent à sa base un tout technologique vis-à-vis duquel beaucoup d’entre nous sont méfiants. C’est donc quitter une ornière pour tomber dans une autre dès qu’on cherche à en revenir à un « principe » qui, en l’état actuel des rapports de force n’est pas très différent du jeu médiatique « j’aime-j’aime pas ».

* Cette note a té réalisée conjointement avec Laurent : Si nous reconnaissons la conception d’un individu naturellement social, ce qu’implique d’ailleurs ce que nous appelons la tension individu/communauté, cela n’implique absolument pas de se passer de médiations. C’est d’ailleurs notre conception de l’aliénation initiale qui introduit la nécessité de médiations à partir du moment où l’individu ne s’identifie complètement ni avec ce qu’il est, ni avec ce qu’il fait, ni avec son environnement ou avec la nature extérieure. D’où d’ailleurs, les attaques de J. Zerzan contre le langage comme signe d’aliénation et de domination. Dans son monde « primitif » radieux, on suppose que les homme pouvaient sauter directement sur les femmes sans faire leurs parades linguistiques d’approche, les envieux (riches) de la richesse des autres attaquer directement le possesseur de la richesse plutôt que la richesse comme l’a montré A. Girard puis M. Aglietta dans ses théories sur la « monnaie-violence ».

A l’inverse comment concevoir une communauté humaine sans « équivalent général » ? Elle ne serait alors soutenue que par son essence naturaliste et la subsomption des individus sous l’espèce. De la même façon qu’il y a confusion entre individu naturellement social et individu immédiatement social, il y a confusion entre les échanges universels (qui font partis de l’aventure humaine, sinon, c’est revenir au tribalisme et à des équivalents particuliers) et les cadres institutionnels qui les régentent, les médiations qui les font circuler.

Voilà pour le moment,

Bien à tous,

JW

1 Comment for “La critique limitée produite par les nouvelles formes d’anti-capitalisme”

Gérard Ribou

says:

Bonjour,
S’il s’avérait que ce que j’ai écrit avait quelques rapports avec l’anti-capitalisme de l’extrême gauche et de l’extrême droite, je serais ravi de savoir qui contacter ? Je ne suis pas bégueule ! De plus, ne croyant ni à Dieu, ni au Diable, ça ne me gêne absolument pas !

En ce qui concerne les remarques de Jacques Guigou. Dire les humains veulent vivre ! C’est une affirmation justifiée, mais une fois, celle-ci proférée. Je ne peux m’empêcher de penser : pourquoi et comment comment devrions nous vivre ?

La litanie sur l’Autre, ce n’est pas moi qui l’est inventée. Pour peu, qu’ on prête l’oreille on peut l’entendre quotidiennement prononcée par les « directeurs de conscience ». Pourrais-je avoir quelques explications succinctes, à propos de « la mise en réseaux des individus particularisés » ?

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