Le texte de Jean-Luc Debry, présenté ci-dessous, est suivi d’échanges qui montrent à quel point les derniers événements de 2015 ont traversé l’ensemble des groupes et revues, y compris ceux et celles qui ne se présentent pas comme défendant une ligne politique précise et unique.
Le plus étonnant étant qu’une confrontation d’arguments pesés et soupesés telle que pratiquée dans ces échanges, conduisent finalement à une opposition binaire que refusent pourtant, par principe, les protagonistes de l’échange.
Ce n’est plus la révolte ni sa noblesse qui rayonnent sur le monde, mais le nihilisme.
Albert Camus, L’homme révolté.
A l’heure du surgissement spectaculaire de la pulsion de mort, dans les convulsions d’un nihilisme religieux qui nous sidèrent car nous ne l’attendions pas sous cette forme et avec une telle intensité, nous sommes confrontés à de sombres perspectives. Tout se passe un peu comme si l’homme avait été vidé de sa substance en proférant que l’exigence première est l’obéissance « comme un cadavre »1, dans la soumission et le renoncement. La divinisation de la mort, devenue le seul horizon désirable, nous expose à devoir affronter une pulsion de mort qui, soyons-en assurés, habite le désir de tous ceux qui espèrent le paradis comme récompense et refusent la vie telle qu’elle nous est donnée.
Le nihilisme serait l’enfant naturel de « la fin des temps » . Mais, toujours selon Camus, si les martyrs ne font pas des Eglises, contrairement aux idéologues et autres doctrinaires, « ils en sont le ciment ». En divinisant la mort lorsque l’on prétend que dans un massacre il n’y a pas d’innocentes victimes, un pas est franchi qui rationalise l’irrationnel et l’inscrit dans sa propre négation. Or, en poussant le néant aphasique de leur pulsion meurtrière au niveau d’une prétention politique, il nous oblige à l’affronter sur un terrain que nous avons déserté, à savoir l’éthique2 du révolté. Celui d’un combat qui fait appel à ce qui fonde une relation à la communauté humaine universelle. Mais pour ce faire encore faudrait-il que nous ayons quelque capacité d’analyse qui soit audible, partageable, autrement que dans l’usage des lieux communs au cœur desquels nous nous réfugions, par paresse, par lâcheté, de guerre lasse aussi. Et d’aucuns de tergiverser sur la nature d’une religion qui se révèle dans une forme politique structurée par le désir d’anéantissement de tout ce qui n’est pas voué à légitimer, au nom de Dieu, une pulsion de toute puissance (contrariée semble-t-il, par la médiocrité de ses hommes de main dont la débilité est absolument vertigineuse), au prétexte, assez surréaliste, qu’il s’agirait « de la religion de l’opprimé »3. On croit rêver, mais on a juste touché le fond. Et pour un bon bout de temps, semble-t-il.
Nietzche, en son temps, nous avait alertés sur les dangers que représentait la figure du « prêtre ». Figure du ressentiment. A mesure qu’il étend son empire, son pouvoir devient une réalité sociale par la grâce de l’idéologie qu’il s’incarne. Son habilité est de celles qui permettent à notre « manager » contemporain, « le pervers narcissique », séducteur, manipulateur et destructeur, de rayonner dans l’intimité des âmes soumises. Il fait, pour ainsi dire, commerce des « passions tristes », en particuliers celles de la faute et du mérite. Le tout sublimé par l’illusion groupale4au cœur de laquelle il officie. Son idéal d’altruisme masque, avec un bonheur inégal, son désir de domination sous les oripeaux d’une légitimité qui entretient avec la « vérité », en réalité une opinion, un rapport de nature quasi incestueuse (ils sont fils de la vérité, ils sont la bouche à travers laquelle elle se révèle aux hommes et au monde). Ses moyens deviennent à lui-même sa propre fin. C’est sous la prétention, si souvent réaffirmée, d’améliorer l’homme en l’enfermant dans un carcan idéologique qu’il séduit et trompe et humilie les victimes récalcitrantes en maniant l’art de la mauvaise conscience avec dextérité. On reconnait aisément les figures comme Saint-Paul5, Mahomet6, Calvin7, Luther et plus proche de nous Lénine8. Leurs victimes furent ceux qui cherchèrent à échapper à leur morale du ressentiment. Figures de la négativité nietzschéenne s’il en fut. La transformation en idéologie de ce qui, à l’origine, pourrait paraitre comme mu par un désir d’émancipation, soit par l’éthique, soit par la transformation des rapports sociaux de production, a marqué, avec ces figures fondatrices, l’histoire de l’humanité en l’enfermant dans le tragique dévoyé à savoir la jouissance, d’aucuns parlent de « bénéfice secondaire », que procure l’exaltation du pathos qui en tient lieu. Ils ont en commun d’imposer la soumission béate et condamnent tout ce qui favorise l’émancipation intellectuelle. Tous affirment être au service, y sacrifiant leur vie, d’un idéal supérieur à eux, une cause qui les dépasse et dont ils ont la lourde charge d’imposer aux autres la raison suprême qui s’incarne en elle. Ce qu’ils proposent n’est au fond qu’une sublimation de l’esclavage, (la dictature du prolétariat, de la bureaucratie, du travail, du renoncement à la vie telle qu’elle palpite, incertaine et contradictoire, lorsque s’éveillent les rêves qui en fortifient la saveur). La subordination comme idéal. L’identification de ces « prophètes de malheur » à « la vérité » qu’est devenu l’idéal dont ils ont la garde, après en avoir eu la révélation (de Dieu ou de l’histoire).Ces doctrinaires dogmatiques ont avec l’autorité une intimité qui réduit la dignité de l’homme – au sens de l’espèce humaine – à un exercice de docilité.
L’horreur que nous inspire cet islamisme « politique » en phase nihiliste, face monstrueuse de l’antihumanisme véhiculé, tel un produit de contrebande mal fini, dans les faux-plafonds de la déconstruction postmoderne ne peut nous faire oublier qu’à force de renier l’héritage des Lumières, et l’humanisme en général, on a fini par redonner au religieux les apparences d’une vérité séculaire. L’effet du « déconstructivisme » des années 80, 90, débouche, nous dit Renaud Garcia9, sur un complet chaos de la pensée « où rien ne demeure des anciens concepts admis et discutés – ni le réel (si contradictoire qu’il se révélerait inassimilable), ni le pouvoir (si multiple qu’il en deviendrait insaisissable), ni la nature humaine (si floue que sa seule réalité relèverait de la fiction), ni la vérité (si conditionnée qu’il serait, par avance, vain de distinguer le vrai du faux), ni le langage (si normé qu’il tiendrait de la prison), ni le corps (si biologiquement indéfinissable qu’il n’aurait d’existence possible que dans le transgenre). »10
Lorsque surgit la négation destructrice qui n’a d’autres perspectives que de déshumaniser tout ce qui ne fait pas allégeance à la « communauté des croyants » dont les membres, fanatiques transformés en anges de la mort ou « légion de la conquête », le prêtre et ses disciples, s’exaltent dans une fuite en avant à proprement parler suicidaire, ne laissant derrière eux que ruines et désolations, poussant jusqu’à l’absurde, en le travestissant avec les oripeaux d’une « juste cause ». Cet état de dissociation bien connu des psychiatres autorise les meurtres rituels censés plaire à Dieu ou protéger « sa vérité », la protéger de l’homme. L’officiant détruit « l’infidèle » qui se cache en lui. Cette pulsion de mort se présente sous les traits d’une révolte11, ce qu’elle n’est pas. Son élan dominateur et sa dialectique de la soumission sont l’essence du religieux comme instance du politique telle qu’elle repose, à l’ombre de leur mythologie – mythes et croyances -, sur leur structure idéologique.
Le meurtre devient ainsi un suicide et le suicide l’arme des meurtriers. La déshumanisation économique du monde transformé en vaste marché où tout un pan de l’humanité est enfermé dans le groupe des « existences superflues » nous engage sur les chemins d’une éthique introuvable, celle de « l’homme révolté » qui de Montaigne à Camus hanta la conscience des insoumis et nous fait, à ce jour, terriblement défaut.
Jean-Luc Debry, Paris, 2016.
Le 08/02/2016
Bonjour,
Contresens total de ce texte qui accumule les poncifs humanisto-laïcards :
« L’horreur que nous inspire cet islamisme « politique » en phase nihiliste, face monstrueuse de l’antihumanisme véhiculé, tel un produit de contrebande mal fini, dans les faux-plafonds de la déconstruction postmoderne ne peut nous faire oublier qu’à force de renier l’héritage des Lumières, et l’humanisme en général, on a fini par redonner au religieux les apparences d’une vérité séculaire. »
Si les Lumières et l’humanisme bourgeois se sont construits contre l’obscurantisme religieux et ses excès (Inquisition et autre), c’est pour imposer un fanatisme bien plus subtil : le rationalisme, un ennemi aujourd’hui bien plus puissant et destructeur que l’extrémisme religieux.
L’islamisme est un repoussoir bienvenu à l’heure de la modernité tardive pour redonner un peu de couleur au rationalisme mortifère et redorer l’image de notre « mode de vie » progressiste, celui-là même qui détruit la planète.
Et ça marche : « défendons nos valeurs », crient dans un même élan les catholiques de droite et les « penseurs critiques », les transhumanistes et les économistes. Adorno et Nietzche doivent se retourner dans leur tombe.
Triste époque.
Bernard
Le 08/02/2016
Bonjour
Plutôt d’accord avec Bernard, ce n’est pas tellement que ce texte assimile daesh et instinct de mort mais surtout que l’occident devienne « en creux » instinct de vie ! La description détaillée et scrupuleuse des atrocités du « camp d’en face » s’accommode d’un flou pudique sur le vaste rassemblement qu’elles sont censées provoquer. Cette vision asymétrique me fait penser à l’armée française de 39 amplement pourvue en cartes d’État major de Berlin et retraitant en 40 avec des cartes Michelin au 500 millième.
Georges
Le 09/02/2016
Bonjour,
Certes, ce texte a des accents illuministes, à mes yeux trop marqués, mais je ne le qualifie pas, comme le fait BP de « poncifs humanistico-laïcards ».
BP assimile trop vite humanisme et Lumières ; il convient de les distinguer. Déjà historiquement, car c’est d’abord l’humanisme qui émerge dès le XIIIe et XIVe s. et, dans cette phase il n’est pas identifiable à une classe sociale et encore moins à un « fanatisme rationaliste ». Ce qui est alors affirmé, c’est le règne de l’homme qui succède au règne de Dieu. Ce règne de l’homme (le regnum hominis bien décrit et analysé par Kostas Papaioannou et Kostas Axelos) se développe dans la civilisation des villes-états européennes, dans les milieux lettrés et savants donc liés à l’Église et à l’aristocratie. Cet humanisme historique n’est en aucune sorte porteur du « fanatisme rationaliste » dont l’affuble BP.
Emblème de cet humanisme mâtiné de théologie et d’érudition latine : Erasme. Il n’est pas rationaliste ; il fait au contraire l’éloge de la folie dans une satire des mœurs de son époque. C’est se méprendre sur la portée des humanistes historiques que d’en faire des précurseurs des Lumières, lesquels apparaîtront plus de trois siècles plus tard.
De la même manière on peut montrer qu’il est inapproprié d’assimiler les Lumières et le rationalisme. C’est d’ailleurs une des faiblesses de la critique que leur a porté Adorno qui est resté enfermé dans le tourniquet de sa « dialectique négative »…
Ces raccourcis et ces antinomies peuvent nous conduire à des méprises. Ainsi, nous ne sommes pas « à heure de la modernité tardive » , je m’en suis expliqué dans mon article de 1994 « Fin de la modernité et modernisme révolutionnaires » ici http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article56
Notamment des méprises sur les islamismes contemporains ; lesquels ne peuvent être réduits à un simple « extrémisme religieux ». Il s’agit d’un vaste et puissant phénomène politico-anthropologique qui combine rejouement et dissolution. D’une part, tentative de rejouement des périodes expansionniste de l’islam qui résistait au mouvement de la valeur (fixation théocratico-étatique) mais qui épousait ce même mouvement dans le commerce moyen oriental et méditerranéen. D’autre part, processus de dissolution des sociétés et des États formés sur et par les antagonismes des puissances non musulmanes européennes et mondiales. Double mouvement en phase avec les formes les plus intenses de la globalisation : hyper-technologisme, dévastation de la nature, absolu nihilisme, fragmentation/homogénéisation, hiérarchisation, domination, exploitation, terrorisme, meurtres de masse, etc.
A suivre
JG
Le 09/02/2016
Bernard,
Excuse-moi, mais je ne comprends pas le sens de ce que tu viens d’écrire. En effet,
– on y apprend que le plus grand fanatisme aujourd’hui est rationaliste et non religieux… parce qu’il serait plus subtil. « Un fanatisme subtil » ? Oxymore volontaire ou involontaire ?
– on y apprend aussi que l’islamisme n’a pas d’existence objective, il n’est qu’un « repoussoir ». Ce nouveau négationnisme va-t-il jusqu’à dire que les actes des groupes islamistes radicaux n’existent pas ? Que seuls ceux de l’occident rationaliste et fanatique existent ou alors qu’ils sont de même ordre. A la relecture littérale, j’ai même l’impression que tu trouves qu’ils sont pires puisque le plus grand fanatisme et le plus dangereux aujourd’hui, d’après toi (et je pense que Georges est d’accord avec cela), c’est celui produit par l’occident rationaliste et progressiste. Si c’est le cas,il fallait alors se désolidariser clairement avec tout ce qu’on a écrit depuis Charlie sur ces questions.
L’islamisme radicaI relèverait en fait de l’idéologie de la modernité et du progrès. La réponse de JG à cet égard tendrait plutôt à prouver que le « contre sens » reproché à Jean-Luc se trouve bien plutôt dans ce que tu énonces ici.
– l’amalgame entre catholiques de droite et transhumanistes m’est complètement incompréhensible puisque justement le transhumanisme participe, pour moi, de la critique de toutes les valeurs religieuses et humanistes.
– enfin, les références à Adorno et Nietzsche me paraissent toutes aussi incompréhensibles. Je n’insisterai pas sur le second dont on peut juste être surpris qu’il soit pour toi une « référence » et encore plus surpris que tu puisses penser qu’il en est une pour nous sous prétexte qu’il a critiqué les « valeurs ». A ce compte là nous pourrions faire notre nombre d’auteurs référence de l’anticapitalisme d’extrême droite ; quant au premier, il semblerait que tu oublies ou méconnaisses le dernier Adorno …qui s’est justement rallié (bien après Horkheimer d’ailleurs) à la défense des « valeurs » rationalistes et démocratiques. Ralliement certes par défaut mais ralliement quand même qui lui a fait connaître pas mal de difficulté à assurer ses cours d’université en 1967-1968 et jusqu’à sa mort (cf. Notes critiques, Payot)
JW
Le 09/02/2016
Je note, en effet, un certain niveau d’incompréhension dans les messages de JG et JW et une déformation (volontaire ?) de mes propos.
Le plus étrange à mes yeux est l’étonnement de JW, alors que nous nous sommes opposés dès Charlie sur l’analyse des événements (voir par exemple le mail ci-dessous et le débat reproduit ici) –d’ailleurs, ces divergences ne datent pas d’hier. Plus récemment, nous avons discordé sur la « communauté despotique » et le texte sur le 13 novembre.
Nous avons eu maintes fois l’opportunité de confronter nos thèses et de constater que nous nous situons dans des courants qui sont loin de coïncider totalement. Or il est clair que nous ne parvenons que très peu à nous influencer. N’y voyez aucun reproche : vous avez construit votre recherche à partir de l’hégelo-marxisme et il est logique que mes textes, qui se réclament (de manière critique) de la rationalisation de Weber, de l’antirationalisme d’Adorno et de l’imaginaire castoriadien, puissent difficilement s’harmoniser avec votre revue (ex : mon texte sur l’Aufhebung).
Je vous rappelle que j’ai refusé dès le premier article de faire partie du comité de rédaction et que, en conséquence, je ne sens pas impliqué par la signature Temps critiques. Je ne vois donc pas au nom de quoi je devrais « me désolidariser » de vos textes en cas de désaccord, nos blogs rendant compte régulièrement de nos discussions. Donc, pas de méprise, il ne s’agit nullement pour moi de contester la publication de tel ou tel texte, comme le message de Jean Luc, même si je trouve son contenu lamentablement insignifiant et pompeux.
Aussi étonnant que cela puisse paraître à JW, tous ceux que j’ai cités : penseurs critiques, catholiques de droite (ou de gauche), transhumanistes, économistes et bien d’autres ont ceci en commun qu’ils se réclament de « l’humanisme », dans un sens déshistoricisé et parfaitement creux, mais dont la référence centrale ne peut échapper à celle du rationalisme « dominateur de la nature ». Je tenterai d’y revenir plus en détail.
Bernard
Le 11/02/2016
Texte de B.Pasobrola en pièce jointe :
Quelques mots en réponse aux messages de JG et JW du 09 02 16.
Le 11/02/2016
Bonjour,
Pour m’en tenir à un seul point, j’avance que le développement que fait BP sur la dominante d’abord et quasi exclusivement rationaliste de l’humanisme historique n’est pas convainquant. Bien sûr que la référence à la Raison, au Logos, est présente et active dans les courants humanistes de la Renaissance mais il est innapproprié d’en faire l’opérateur majeur et quasi exclusif des bouleversements socio-historiques de cette période. Est-ce alors le présupposé antioccidentaliste de BP qui vient biaiser ses analyses ? L’hypothèse n’est pas à rejeter loin s’en faut.
À te lire, Bernard, il semble que cette « Dynamique de l’occident » (titre du principal livre de Norbert Elias) dans la modernité est plus importante que la « dynamique du capital » ; que le rationalisme — dont cette dynamique est effectivement aussi porteuse — devient le Sujet majeur de l’Histoire. Or, c’est quoi l’Occident, aujourd’hui ? En Chine, en Inde, en Asie la globalisation, la capitalisation opère-t-elle différemment qu’en Europe ou dans les Amériques ? C’est là que nous divergeons. Pour nous, la phase d’occidentalisation et d’ailleurs d’impérialisme est terminée depuis les années 80 et la révolution du capital qui s’effectue à partir de cette date se déploie comme capitalisation du monde (pour plus de détails sur ce point, cf. le courrier de JW à Ph. P sur le blog). Or, pour toi comme pour le partisan de la Décroissance S. Latouche, il semblerait qu’il y ait une toujours plus grande Occidentalisation du monde (L’occidentalisation du monde, La Découverte, 2005 ) que tu perçois aujourd’hui à travers la défense de valeurs que tu supposes strictement occidentales.
JG
- « Perinde ac cadaver ». Cette formule, attribuée à saint Ignace de Loyola, caractérise l’obéissance religieuse dans l’Eglise, et tout particulièrement l’obéissance dans la Compagnie de Jésus. [↩]
- Gilles Deleuze, à propos de Spinoza, affirmait que « l’Éthique se présente comme la théorie de la puissance, par opposition à la morale comme théorie des devoirs », in Spinoza Philosophie pratique, Paris, Minuit, 1981, p. 143. [↩]
- « Quel que soit la démarche privilégiée (pour l’Islam étant « la religion des pauvres » la solidarité doit prioritairement s’exercer envers les musulmans), ou (tout islamophobe est un raciste et doit être traité en tant que tel), tous s’accordent pour mettre ces deux fers à leurs pieds. Le plus étrange, dans cette affaire, étant que des « libertaires » mangent de ce pain-là. A lire L’appel des libertaires contre l’islamophobie (qui date de septembre 2012 et a été rédigé par un membre de l’Alternative libertaire) on se demande ce qui rattache encore ces « libertaires » au courant anarchiste. Ce pensum, qui reprend grosso modo la prose gauchiste en matière d’islamophobie, a d’ailleurs principalement été paraphé par des intellectuels et des militants qui n’appartiennent pas au milieu libertaire. Cet « Appel » ne répond pas à toutes les questions que recouvre la notion d’islamophobie mais occulte fâcheusement des aspects auxquels tout libertaire conséquent ne saurait transiger. Relevons quelques-unes de ces « absences » : rien sur la charia ; rien sur ces « islamophobes » qui dans de nombreux états musulmans tombent sous le coup de lois punissant à mort l’auteur d’un blasphème (ou qui sont liquidés par les islamistes dans les états les plus « tolérants ») ; rien sur les lapidations et autres amputations ; rien sur les persécutions dont sont victimes les juifs, les chrétiens, voire les bouddhistes ; rien sur les « droits » des femmes ; rien sur le lobbying à grand échelle émanant de puissantes organisations islamique ou des États musulmans les plus en pointe pour s’efforcer de faire reconnaître le concept d’islamophobie auprès de toutes les instances internationale (avec la judiciarisation afférente). » Max Vincent, juin 2015, L’herbe entre les pavés. http://lherbentrelespaves.fr/index.php?post/2015/06/02/RETOUR-SUR-JANVIER-2015. [↩]
- Didier ANZIEU, Le groupe et l’inconscient, Paris, Dunod, 1975. « L’illusion groupale est un état psychique collectif que les membres du groupe formulent ainsi : « nous sommes bien ensemble, nous constituons un bon groupe, et (si le chef ou le moniteur du groupe partage cet état) nous avons un bon chef (ou un bon moniteur) », in Vocabulaire de psychanalyse groupale et familiale – Tome 1 1998. [↩]
- Si, pour reprendre la célèbre formule d’Ernest Renan, « le christianisme est une secte qui a réussi, c’est à Saint Paul de Tarse qu’on le doit. [↩]
- Conquérant, législateur, monarque et pontif, il construisit une religion et un empire. [↩]
- « Un tel régime de terreur doit inévitablement avoir pour résultat d’abattre et de démoraliser les individus comme la masse. Quand, dans un État, chaque citoyen doit s’attendre à tout moment à être interrogé, perquisitionné, quand il sent constamment fixés sur lui des regards à l’affût de ses moindres gestes, quand des oreilles écoutent chacune de ses paroles, quand la porte de sa maison peut s’ouvrir à chaque instant, la nuit comme le jour, pour de soudaines « visitations », alors les nerfs se relâchent peu à peu, un état de peur généralisée se produit, qui s’empare petit à petit, par contagion, des plus courageux. Toute volonté de résistance doit finalement succomber dans une lutte aussi vaine, et bientôt, grâce à ce système de dressage, à cette « discipline », la ville de Genève deviendra tout à fait telle que l’a voulue Calvin : dévote, timide, terne, entièrement soumise à une seule volonté : la sienne » In Conscience contre violence, Stefan Zweig, traduit par Alzir Hella, p. 79 de l’édition de poche. [↩]
- L’on attribue à tort à Staline (Paul Mattick) la paternité d’un régime répressif fondé sur la délation, la torture morale et physique et l’exécution sommaire. Lénine et Trotski, le bourreau de Kronstadt (1921), avaient – bien avant sa prise de pouvoir par l’appareil militaro-bureaucratique du Parti – affirmé que « Le moyen ne peut être justifié que par la fin » – (Trotski, in Leur morale et la nôtre, Éditions Pauvert) – donnant ainsi une légitimité à ce qui allait suivre et chassant définitivement toutes formes d’éthique humaniste hors du cercle étroit de la morale bolchévique. La création d’une police politique pourvue de tous les pouvoirs, d’une armée chargée de réprimer toutes les tentatives de révolte – fussent-elles ouvrières et paysannes -, auront pour effet d’institutionnaliser un régime de terreur politique dont les opposants de gauche seront les premières victimes. [↩]
- Le désert de la critique publié à L’Échappée, collection Versus, 2015. [↩]
- A Contretemps, Freddy Gomez, contretemps.org/spip.php?article581 [↩]
- La révolution écrit Camus – L’homme révolté, Coll. Folio/essai, p.312 – « doit faire la preuve par ses polices, ses procès et ses excommunications, qu’il n’y a pas de nature humaine. La révolte, par ses contradictions et ses souffrances, ses défaites renouvelées et sa fierté inlassable, doit donner son contenu de douleur et d’espoir à cette nature. » [↩]
1 Comment for “Le faux procès fait à l’humanisme historique et aux Lumières”
BP
says:Cet échange sur l’humanisme historique, son lien avec le rationalisme et sur le sens contemporain que l’on peut attribuer à cette notion a suscité d’autres développements qu’il n’est pas opportun de faire figurer ici, entre autres raisons à cause de leur longueur.
Il en est de même à propos de la question de l’ « occidentalisation ».
En revanche, il me paraît utile de préciser que le texte sur « l’Aufhebung » auquel il est fait allusion dans mon message du 09/02/16 et dont je disais qu’il pourrait difficilement s’harmoniser avec la revue a été publié sur mon blog sous le titre : « “Chez lui elle marche sur la tête…”, Aventures et mésaventures de la dialectique hégélienne » (mai 2015).
http://errata-pasobrola.blogspot.fr/2016/05/chez-lui-elle-marche-sur-la-tete.html
Quant aux nuances et divergences relatives à nos analyses des événements de janvier et novembre 2015, on pourra se reporter aux échanges publiés sur le présent blog ou sur le blog errata en cliquant sur les liens suivants :
http://errata-pasobrola.blogspot.fr/2015/07/raison-religion-questions-et-debats.html
http://errata-pasobrola.blogspot.fr/2016/05/echanges-autour-des-attentats-de.html
Concernant enfin la lecture que fait JW d’Adorno, elle a également été longuement débattue et j’ai tenté de répondre à ses arguments dans un texte paru sous le titre : « Le criticisme est-il curatif ou antiseptique ? » (sept 2015).
http://errata-pasobrola.blogspot.fr/2016/05/le-criticisme-est-il-curatif-ou.html
B. Pasobrola