De différentes façons d’appréhender le virus… et l’État

Partie sur des bases très informelles et réactives quant aux mesures gouvernementales de lutte contre le virus, cette série d’échanges entre nous et B. s’est ensuite organisé et centrée sur la question de l’État.

 



 

Le 25/03/2020

Salut à vous,

y’aurait pas une sacré couille dans le potage là ?

Et je dirai même plus : il commencerait pas à y avoir sacrément plus de couilles que de potage en fait ?!
Auriez-vous entendu la dernière infection lâchée par la Voix de son Maître ?

C’est à 14 minutes et 35 secondes.

https://www.franceinter.fr/emissions/le-journal-de-19h/le-journal-de-19h-25-mars-2020

Même le plus flegmatique des auditeurs peut commencer à se poser quelques questions du type « mais à qui profite le crime enfin ? »… On vient de me parler des dernières ordonnances de ces salopards… On serait pas en train de passer à Mach 3 plusieurs seuils de non-retour là ?

Aussi je viens de parcourir très très rapidement ça :

http://dndf.org/?p=18386

Et je dois dire que ça rejoint assez ma parano toute neuve de ce soir !

Je me dis, sans être un « illuminé du complot partout », que y’a quand même de drôles de trucs qui nous arrivent un peu rapide sur le coin de la tronche.

Restons vigilants ensemble !

À bientôt
 



 

26/03/2020

B., bonjour,

J’ai écouté le journal de FI et j’avoue n’avoir pas saisi les « couilles » dont tu parles à part le manque de maîtrise et de rationalité. Quant à savoir à qui ça profite alors là c’est bien s’avancer …

Bien à toi,

JW
 



 
26/03/2020

Bonjour,

Je pense B. que c’est sur le traçage par smartphone des infectés et des dépistés négatif que porte l’étonnement. Mais des « éminences » comme D.Raoult est complètement pour ce type de mesure. La technologie au secours de l’incapacité de l’État à agir n’a rien d’inimaginable.

a+
Gzavier
 



 

Le 26/03/2020

Salut à vous,
j’en profites pour vous remercier pour vos interventions et votre journal de bord sur le mouvement des gilets jaunes.
Un très bon et gros boulot, très instructif !

Sinon oui en effet ma réaction d’hier soir concernait la question du pistage officialisé avec les smartphones « […] de ceux qui ne respectent pas le confinement ».
Je sais que tout système de domination tend à se reproduire; « tout ce qui se passe est tout ce qu’il y a de plus classique en temps de crise  » comme me dit un ami.

Certes, mais j’ai réagi surtout par rapport à la vitesse à laquelle on veut nous faire gober et admettre comme allant de soi toutes ces innombrables mesures massives et mondiales, que ce soient les mesures de contrôles comme toutes les autres économiques, sociales et sociétales.

À Temps Critiques vous utilisez je crois l’expression « révolution du Capital » pour décrire des phénomènes de transformations internes du Capital notamment dans les années 70-80. Ben si vous voulez en écoutant les infos de ces jours-ci, j’ai eu comme l’impression que l’on était en train de vivre un peu la même chose mais pas sur dix ou vingt ans, plutôt sur dix ou vingt jours.

En fait vous avez du mérite de me répondre, car du fait de nos modes de vie très différents, il y a un grand écart entre vous et moi : je fonctionne surtout sur le mode intuitif et plutôt perso et très peu sur le mode analyse sourcée et partagée. J’imagine que tout de même pour vous c’est important d’entendre ce genre de paroles qui doivent aussi d’une certaine manière venir nourrir votre réflexion. Ce n’est pas de la modestie de ma part, juste un constat qui s’impose. Je vous remercie donc.

À bientôt et prenez soin de vous.

B.

 



 

Le 26/03/2020

B.,

Merci pour tes encouragements, parce que comme tu ne donnais plus signe Gzavier et moi nous nous demandions un peu les raisons de ton silence.

Nous sommes en train de réfléchir à un texte qui intégrerait l’événement (la crise sanitaire) et nos derniers présupposés théoriques. Mais c’est peu évident surtout si on veut rester dans une critique collective à partir de ces présupposés communs, alors que nos échanges internes nous montrent que notre appréhension immédiate de cette crise reste très individuelle (nous vivons des conditions objectives hétérogènes) et finalement subjective.

Le rapport au confinement est un exemple de cette différence d’appréciation, par exemple entre ceux d’entre nous qui travaillent et ceux à la retraite, entre ceux qui ont une vie sociale très active et ceux qui sont « confinés » indépendamment du confinement, parce que c’est plutôt leur style de vie, les actifs physiquement et les plutôt contemplatifs, etc. Et surtout tout ça est renforcé parce qu’il n’y a aucune définition du confinement de la part du pouvoir et donc aucune explication des mesures prises. Tout devient alors arbitraire et dans une suite logique de la gestion de la gestion de la « crise des Gilets jaunes » (par exemple pourquoi avoir un droit de sortie d’une heure et un km autour de chez soi pour te promener et courir. Pourquoi une heure et pas une demie heure si c’est dangereux ?) Et pourquoi, parce que le virus se répand dans l’air ? Si oui, ce n’est plus un confinement efficace. Pourquoi les marchés extérieurs sont-ils maintenant fermés (mais pas à Paris apparemment où certains restent ouverts parce que quand même tous ceux de l’hypercentre ne sont pas partis à l’île de Ré ou dans le Lubéron dès le lundi soir avant le confinement du mardi midi (le délit d’initié des macroniens) et pas les supérettes alors que les distances à respecter sont les mêmes. L’appréciation du danger en devient toute relative. Par exemple au marché il ne me venait pas à l’idée de mettre un masque, mais quand je vais à la Poste ou dans un magasin alimentaire je mets mon masque (de manifestant, je n’ai que ça).

L’État s’est lourdement trompé au départ, mais à la limite c’est logique puisque gérer l’imprévu n’est pas évident, mais là on voit bien qu’il ne s’agit pas de ça puisqu’il nous a refait le coup de Tchernobyl et il ne s’en excuse absolument pas, bien au contraire. Il fait applaudir les soignants ce qui démontre son cynisme et sa politique consiste simplement à aplatir la courbe de croissance du virus au niveau de la capacité d’accueil en attendant l’arrivée des masques, blouses, tests, etc. On a fait les outrés devant le choix de  » l’immunité de groupe » des anglais et américains, mais ça vaut guère mieux. Ce n’est pas une politique, c’est du containment.

Voilà pour le moment,
Bien à toi,

JW
 



 

Le 26/03/2020

Et bien me voilà gâté

C’est vrai je suis moins assidu au web depuis bientôt deux ans maintenant, période où je me suis lancé dans un petit projet qui somme toute reste encore assez chronophage.

Concernant ton premier propos Jacques, et encore une fois sans prétention aucune (!), je pense que toute critique sociale sérieuse, même collective, reste toujours subjective.
Je pense que nous devons être d’accord là-dessus, n’est-ce pas ?

Sinon, quand tu dis que le gouvernement s’est trompé, j’ai envie de dire : comme toujours. Si comme moi l’on pense qu’un gouvernement est toujours illégitime (Pouvoir Sur), alors sa parole est toujours illégitime, ses actions toujours mauvaises, en ce sens qu’elles apportent toujours une foultitude d’incidences et de conséquences négatives et donc dramatiques (problème de l’échelle).

Un ami qui est de la partie (médicale) me disait ceci hier en réponse à cette interrogation « à qui profite le crime ?
« le virus est hélas un phénomène naturel … et il était prédictible (on savait que ça arriverait … je pourrai t’envoyer des actes de colloques auxquels j ai participé qui depuis plus de 10 ans disent qu’un jour ça arrivera), même si on ne savait pas quand (d’où le fait que l’état est criminel de n’avoir pas gardé le stock stratégique de masques).

Maintenant que le pouvoir cherche à profiter de la situation pour pousser son avantage c’est certain; qu’ils y aillent fort c’est aussi très certain.
Les masques tombent »

Je lui ai répondu que je ne remettais pas en question la réalité de l’épidémie, qu’il parle de criminels, et que je parle donc de crime.
Je persiste donc à penser qu’il est légitime de se poser cette question (à qui profite le crime ?). S’il semble être acquis que crime il y a (coupes budgétaires chroniques, etc…), la question porte alors sur l’aspect prédictible ou imprédictible de ce crime, conscient ou inconscient, volontaire ou involontaire…
Une question reste une question, le doute reste le doute, ils nourrissent la démarche critique.

Considérant les acteurs institutionnels impliqués, leurs cynisme structurel, leur surpuissants réseaux d’informations (l’info c’est le pouvoir), ils n’en restent certes pas moins des humains et donc sont en capacité de « se tromper ». Mais l’on peut légitiment se poser la question : se sont-il vraiment trompés ? (ça peut être salutaire de se la poser en temps et en heure). Et si la réponse était oui, alors encore faudrait-il savoir : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?

Mais se sont-ils vraiment trompés ?

à vous lire

B.
 



 

Salut P.,

Comme d’hab à lire bien sûr avec esprit critique, mais l’article apprend beaucoup de choses à des néophytes comme moi.

https://www.franceculture.fr/sciences/didier-sicard-il-est-urgent-denqueter-sur-lorigine-animale-de-lepidemie-de-covid-19

La réponse sociétale autoritaire et moraliste du bonhomme m’horripile et ce genre de bonhommes pourraient devenir les idiots utiles d’une relégitimation accélérée de l’autoritarisme centralisé. Ils veulent que l’ensemble des humains se transforment en s’adaptant au monde plutôt que de vouloir transformer ce monde de merde, ses mécanismes, ses valeurs, ses principes, son échelle macroscopique.

à bientôt,

B.
 



 

Entre cette première série d’échanges et la seconde qui suit il y a eu la publication du texte De quelques rapports entre le Coronavirus et l’État le 4 avril sur notre site et sur Lundi matin le 6 avril.
 



 

Le 08/04/2020

Ben Jacques, finalement tu les as drôlement bien vues ces couilles dans le potage !

– Petite coquille en page 5 « Macron et son personnel rapproché ne gouttent guère  »

– Aussi j’ai eu un peu de mal à lire la phrase suivante, qui je crois aurais peut-être été plus compréhensible ainsi écrite : « Rester chez soi et avoir-tout-à-disposition (technologie) fait pendant au toujours-être-à-disposition (de l’employeur). »

Sinon, dommage vu le titre de ton texte que tu ne reprennes pas ici la question pourtant centrale (en tout cas pour moi) de cette crise annoncée versus le laisser-faire et le laisser-venir pattant de l’État. Ici l’État semble n’être finalement que la victime structurelle de ses propres contradictions (et avatars – État réseau) et de celles du capitalisme. On le plaindrait presque le pauvre à le voir se dépatouiller comme il peut. Bon j’avoue, les conseilleurs (moi) ne sont pas les payeurs… Mais quand même, si je peux me permettre, avec une analyse structurelle aussi pointue que celle-ci, on aurait bien aimé voir pointée cette question : Pourquoi l’État, même l’État-Réseau, qui a toute les informations nécessaires en temps et en heure pour anticiper des années à l’avance l’arrivée d’une telle crise, n’a-t-il rien fait ?

La question de son laisser-faire et son laisser-venir ne s’explique pas forcément uniquement et unilatéralement par son évidente incurie. Cette réponse unilatérale, celle de sa seule incurie, nous sort en fait de la critique radicale et structurelle de l’État en tant que tel et nous fait pénétrer finalement dans un champ de critique conjoncturelle et réformiste : ce n’est plus l’État en soi le problème, mais son incurie, sa désorganisation, sa forme, son mauvais gouvernement, etc… Les Réformards et les degauche (comme tu dis) peuvent se frotter les mains et chercher à réinventer un bon État providence du coup.
Non, c’est dommage que tu ne dises rien ici sur le monstre froid (ou chaud) qu’est l’État, pour qui l’individu n’est, et ne restera toujours, qu’une donnée statistique subsidiaire de gestion.. Ce cynisme structurel fait aussi partie de la réponse.

Quant à la touche finale de ton texte sur la tension entre individu et communauté, j’aime beaucoup. Dommage que tu n’aies pas plus développé, j’aurais bien lu quelques lignes de prospectives positives…. Mais bon encore une fois, les conseilleurs ne sont pas les payeurs…

Merci Jacques pour ce texte d’intervention, qui j’en suis sûr sera suivi par bien d’autres…

Amicalement

B.
 



 
13/04/2020

Salut B.,

Ci-dessous une réponse à tes remarques, réponse élaborée à plusieurs mains (mais sur une base de J.Guigou par ex.) car nous faisons circuler entre nous (les Tps critiques) les remarques qui nous parviennent. A noter que lorsque nous avons signé le dernier article Temps critiques cela correspondait à une écriture de type collective ou moi-même par exemple j’ai participé. En te souhaitant bonne réception.

A te lire

Gzavier

Quelques points de remarques :

1- Dans d’autres textes et quasiment depuis les débuts de la revue, nous n’avons pas cessé de tenter de décrire et d’interpréter les transformations de l’État et de ses formes. Ces tentatives incluaient bien sûr la critique des conceptions anarchistes et marxistes de l’État. Il nous semble que tes brefs propos sur l’État et le coronavirus sont encore trop influencés par ces références. Des références qui, certes, ont eu une portée politique et théorique majeure, mais qui se révèlent peu effectives aujourd’hui.

2- Une critique de l’État ne peut, en effet, se réduire à une condamnation morale de son action (incurie, imprévision, cynisme, etc.), nous avons toujours cherché à expliciter ses logiques politiques sous-jacentes. Mais pour tenter d’y parvenir il convient d’abord de caractériser la forme-État aujourd’hui ; son devenu historique. Car si l’on s’en tient à la conception du marxisme historique, celle d’un État-nation bourgeois au service des intérêts de la classe dominante on passe à côté de ce qu’est l’État dans la société capitalisée. Pour dire en quelques mots ici ce que nous avons développé sur l’État dans sa forme-réseau ; c’est que dans cette forme, en tendance, l’Etat ne surplombe plus la société ; il s’est fait « social » et communicationnel. L’Etat n’est plus cette unité supérieure à la société qui l’administrait de manière séparée. Les Gilets jaunes ont d’ailleurs bien compris cette mutation de l’État lorsqu’ils ont orienté leurs colères et leurs leurs actions sur le chef de l’État comme représentant immédiat, gestionnaire direct de la puissance économique et financière qui les oppressait.

3- La référence insistance que tu fais à la notion de « structure » pour qualifier l’action de l’État ne rend pas compte de la nature des interventions de l’État dans cette crise. Il y a, c’est certain, un fort interventionnisme de l’État à la fois économique et sécuritaire-coercitif. Mais, désormais, l’État dans sa forme-réseau agit moins à travers ses institutions historiques (qui n’étaient pas des « structures » mais des médiations), qu’à travers une gestion d’intermédiaires qu’il incite financièrement et idéologiquement. Par exemple, l’entité corporatiste des « Soignants » ou encore celle d’opérateurs des réseaux sociaux pour le contrôle des données stratégiques des flux de contamination ou encore la dérèglementation du temps de travail accordé aux entreprises, etc.

4 – Dans le moment actuel, les rapports de l’État envers les individus seraient-ils plus « cyniques » ? Non, car ce rapport n’a jamais été d’ordre moral. Certes les mesures d’intervention actuelles sont accompagnées d’une intense campagne de persuasion mais cette fonction idéologique, jadis constitutive de l’État-nation (cf. Le « vive la nation » de tous les révolutionnaires français) l’est de moins en moins avec l’Etat sous la forme-réseau car son action passe par une gestion des intermédiaires qui ne sont pas porteurs de causes idéologiques explicites. La fameuse formule de Hegel que tu sembles encore partager : « l’État, le plus froid des monstres froids » n’est plus significative aujourd’hui. Tout d’abord parce que jouer de la « guerre » contre le virus comme le fait Macron ne prend pas, il faut y rajouter du supplément d’âme, de « l’humanité », du social ; ensuite parce que l’ancienne séparation entre l’État et la société civile (l’État comme unité supérieure séparée de la société c’est-à-dire l’État dans sa seconde forme historique) tend à se résorber dans ce que nous avons nommé la société capitalisée. Pour plus de développement sur cette question, voir le texte de JG : « État réseau et genèse de l’État ».

 



 

Le 13/04/2020

Salut à vous l’équipe de Temps Critiques,
et d’abord merci de votre réponse, qui plus est collective !

Les réponses collectives, c’est rare, voire unique… Donc vraiment merci de passer du temps avec un « contact » internet, c’est-à-dire avec un inconnu comme je le suis pour vous (société capitalisée numérique ). Cela fait preuve d’une évidente volonté d’ouverture d’esprit, notion indispensable pour toute émancipation, qu’elle soit collective ou individuelle. J’apprécie d’autant plus, que vous faites ici et encore un évident effort de vulgarisation en prenant sur votre temps. Pour la transmission et le partage (émancipation) la vulgarisation est toujours nécessaire; vous le faites et c’est super !

Donc je reviens sur les points abordés dans votre dernière réponse :

Point 1) :
Je suis entièrement d’accord avec vous sur ce point. J’ai été par le passé un anarchiste zélé, ce qui m’a permis de constater l’aspect contre-productif de tout cercle théorique fermé, j’ai donc abandonné toute adhésion idéologique, et ce depuis de nombreuses années maintenant. Je suis alors devenu un penseur libre, toujours aliéné et capitalisé, avec l’ambition toujours chevillée au corps de participer tant bien que mal et du haut de ma petite hauteur d’humain aux processus possibles* d’émancipations individuelles et collectives. Donc plus anar, ni anarcho-syndicaliste, ni communiste libertaire. Voilà pour moi en gros la présentation.

* selon la conjoncture et les aliénations personnelles et collectives de celle-ci.

Point 2) :
Je suis d’accord avec vos analyses concernant les tendances de transformation de l’état. En revanche, quand je parle de tendance il semblerait que vous vous parliez de transformations abouties et totales (en tout cas ici). Là-dessus je ne peux vous rejoindre. Je veux dire que si l’état tend effectivement à passer sur des périodes plus ou moins longues aux niveaux 1, 2 et 3 que vous définissez, je pense moi qu’il n’opère pas ces changements de niveaux de manière complète et absolue, il garde toujours un peu de chaque niveau dans sa besace pour m’exprimer à ma manière. Je vous rejoins donc sur ces tensions, mais pas sur l’aboutissement complet et abouti de celles-ci. Donc, pour cette raison je ne peux vous rejoindre quand vous dites  » L’État n’est plus cette unité supérieure à la société qui l’administrait « .
D’ailleurs qu’en est-il de la supériorité du coup de matraque, de la clé d’étranglement, des prisons, des bombardements, des guerres, etc… Je ne vous complète pas plus le dessin, il n’y aurait plus assez de bande passante sur le web. Qu »elle soit moins « unitaire » je vous comprends, mais qu’elle ne soit plus supérieure alors là ???!

Aussi , un petit aparté, vous « citez » les gilets jaunes, et je crois que c’est une contradiction de base. On ne peut réduire une parole hétérogène à une parole homogène. Dans les Gilets jaunes, il y a toutes les paroles et leur contraire. Je crois que vous en savez quelque chose. Je parle en tant que Gilet Jaune, et là ça devient mathématique (c’est la théorie des ensembles – celle-là je la connais )

Point 3) :
Encore une fois je suis d’accord avec vous sur la tendance État réseau et ses fonctionnements internes.
Je vous cite : « l’État dans sa forme-réseau agit moins à travers ses institutions historiques ». Vous confirmez ici mon commentaire en point 2 : « Agit moins » ne veut pas dire « n’agit plus », donc c’est bien qu’il agit encore, et l’État qui agit sur l’individu ça fait un peu mal… donc vu la disproportion d’échelle entre l’individu et l’État, il y a assez rapidement une légère distorsion de l’individu en question, genre un bon broyage capitalisé en bonne et due forme, genre plus d’humain quoi. Ce n’est pas moral, c’est factuel. C’est le fameux problème de l’échelle, c’est un problème structurel.
Vous ne croyez pas dans l’État tout de même ?
Pour moi en tout cas il est indéfendable, car structurellement supra-humain, donc inhumain. On peut imaginer d’autres entités macroscopiques mais sans fonction régalienne aucune. Mais là c’est un autre débat, qui n’en serait pas moins intéressant…
Aussi donc je ne fais pas de condamnation morale; je condamne l’État en tant que tel, en tant que système.
Je n’aime pas la morale, c’est pour moi encore un cercle théorique fermé qui nous vient de quelque part d’en haut.
Juste ce que je combats en fait, ce qui vient d’en haut.

Point 4) :
En gros il me semble avoir répondu plus haut sur ce point. Juste pour vous dire que je vous rejoins sur l’aspect thermique du dit-monstre, c’est pourquoi j’avais laconiquement ajouté « chaud » entre parenthèse. Je pensais alors notamment au péronisme.

Encore merci pour ces échanges !

Prenez soin de vous

B.

 



 

14/04/2020
B.,

Maintenant une réponse personnelle rapide.

Même si nous essayons d’écrire des textes collectifs nous ne sommes pas un groupe politique et donc il n’y a pas une unité entre nous dans la mesure où nous avons des cursus pratiques et théoriques différents. C’est d’ailleurs pour ça que nos textes sont le plus souvent signés individuellement, de même pour nos ouvrages même si parfois nous signons à deux.

Si cela a changé depuis deux ans avec le mouvement des GJ et les dernières grèves, c’est parce que nous intervenions politiquement dans les mouvements sur des bases communes et non d’une façon extérieure et en essayant d’éviter toute position surplombante. Cela a justement été plus difficile avec le texte sur le virus et nous nous sommes débattus pendant plus de trois semaines pour sortir un texte acceptable pour tous et loin d’être parfait. Mais il n’y a pas de raison que cela perdure. Nous allons forcément et dès maintenant connaître une période où les textes vont devenir plus individuels car le travail sera plus théorique et en fonction de nos activités et caractères particuliers. Tout ça pour dire que si nos textes et échanges paraissent parfois relever de thèses bien établies, tu signales dans l’échange nos contradictions en faisant remarquer qu’on hésite souvent entre « tendance à » et « parachèvement de », il faut relativiser la chose. Pour ne prendre qu’un exemple, l’analyse de l’État-réseau menée essentiellement par J. Guigou à partir des années 2000 rencontre mon analyse de la crise de l’État-nation menée dès le numéro 2 de la revue, c’est-à-dire dix ans plus tôt. Mais le fait que la seconde ait pu, dans la revue, prendre appui sur la première et finalement « l’englober » selon un terme là aussi cher à JG, ne signifie pas pour moi que la forme nation antérieure ait disparue dans la complexe articulation des niveaux I et II. J’ai essayé de le montrer dès le Brexit avec un article sur la question que tu dois pouvoir retrouver sur le site.

De la même façon, la « crise sanitaire » (je l’appelle faute de mieux de ce nom, même s’il est réducteur par opposition, à ceux qui veulent la noyer dans la crise capitaliste en général) actuelle va être un révélateur de la tendance dominante qui l’emportera à moyen terme, un ralentissement ou même un retournement de tendance est toujours possible. Et d’ailleurs la revue s’est créée non dan l’optique d’élaborer une nouvelle grande théorie communiste ou autre, ce que nous affirmions d’ailleurs impossible dans nos premières 4 de couv’, mais de fournir des armes critiques pour déjà établir un bilan des vingt années précédentes et de ce que nous allions appeler plus tard « la révolution du capital. Boussole, référence, moteur de recherche oui, Vérité non.

Voilà pour le moment.
Bien à toi,

Jacques W