Ce message a pour vocation à rester comme premier billet du blog qui est, rappelons-le, un espace où nous publions des textes de différents types : correspondances individuelles ou collectives, essais, brochures, etc. Les nouveaux billets apparaissent toujours en dessous de celui-ci même si ce message sera actualisé du jour de la dernière publication. L’idée de départ de ce blog était de rendre visible un matériau non diffusé et qui soit, en même temps, une porte d’entrée vers la revue et nos livres qui, eux, demandent une lecture plus approfondie. Plutôt que faire un digest de tout cela, ce que personne à Temps critiques ne trouve pertinent, la solution du blog est apparue judicieuse. Ajoutons à quel point publier sur internet est bien plus léger que notre travail de publication-papiers (revues, suppléments, numéros d’Interventions et livres) : pas de contrainte de temps, pas de contrainte d’éditeur et un archivage facilité. Mais il y a un revers de la médaille. En effet, nous constatons depuis peu, des pratiques déroutantes, propres à internet, qui se nourrissent de nos publications. D’une part, Google traite indifféremment tout élément d’un site et les textes qui s’y trouvent en particulier, aplanissant ainsi toutes les différences d’écriture ; d’autre part, depuis peu, ce n’est plus seulement la technologie Google qui a ses effets pervers, mais des individus sur leur site, forum où blog qui font leur micmac.
Ainsi, nous sommes tombés sur des sites qui citaient nos correspondances ou amorces de textes futurs comme s’ils étaient définitifs alors que certaines ne sont encore que des questionnements en cours. Négligeant la diversité des types d’écrit en présence (lettres courtes, correspondances à plusieurs, écrits déjà très élaborés, etc.), malgré les présentations de chacun de nos billets, c’est une pratique de combinatoire que nous relevons.
Voyons ça en détail pour mieux faire comprendre ce que nous voulons dire.
Réaliser une intervention sur un événement donné immédiat et qui soit en même temps une intervention théorique et une intervention politique et non pas simplement une vérification de la concordance ou non de l’événement avec des positions pré-établies a toujours été et reste une difficulté à la fois de méthode et de contenu. L’événement qu’a pu constituer le « moment Charlie » constituant pour nous un bon exemple d’exercice pratique sur ce plan. Or, malgré ce cadre qui nous paraissait clair et qui intégrait un échange avec D.Hoss et une réponse de sa part, un forum a réussi à glisser une assertion fausse qui est que Temps critiques remettrait en cause la notion de dépassement et celle d’Aufheben qui, comme chacun sait, ont un caractère sacré dans certains milieux radicaux. Pourquoi disons-nous assertion fausse ? Parce que beaucoup de personnes raisonnent comme si Temps critiques était un groupe politique avec une seule ligne bien définie une fois pour toutes alors que le débat en question est éminemment ouvert entre les individus de la revue et, ajoutons, sans conclusion aucune pour l’instant puisque la discussion sur le blog est encore en cours sur cette question. De plus, ce type de débat n’implique pas, en retour, un texte dans la revue qui est notre support premier avec les livres quant à l’évolution de notre position. En attendant ce forum opère d’abord un zapping textuel, piochant d’ici de là sans un minimum de rigueur qui rendrait le tout compréhensible et pourrait alors faire l’objet de remarques critiques ; et diffuse ensuite de fausses conclusions à partir de nos textes ; peut-on faire pire ?
Peut-être en effet, puisque nous avons constaté avec le livre Rapports à la nature, sexe genre et capitalisme que certains se satisfont du dernier « billet » sur le blog pour se faire un avis sur un livre entier. Ils picorent, c’est leur droit, mais quelle est la qualité de ces avis de la « fast pensée » qu’on retrouve par exemple sur des sites d’infos « alternatives » lors d’annonce de débats par exemple ? Écrire un livre qui cherche à former un tout cohérent n’a-t-il aucun intérêt aujourd’hui qu’il faille le résumer en quelques lignes par un anonyme derrière son écran à partir d’information de seconde ou de troisième main qui plus est ? Faut-il continuer à élaborer une pensée, avec ses questionnements, ses contradictions et nouvelles pistes, si c’est pour être jugés à la hâte par des personnes qui ne vous ont même pas lu mais on entendu parler de vous et veulent seulement vous « classer » ou vous stigmatiser pour se donner l’impression d’être à l’avant-garde ?
Allons plus loin ; à cette aune, un titre glané au hasard sur le site ou le blog suffirait à nous faire condamner car il s’agit bien de ça dans ces nouvelles pratiques. Il ne s’agit plus de polémiquer contre une position pour dominer une discussion et imposer les siennes, mais de porter un jugement définitif vers l’extérieur qui fera autorité dans un milieu qui ne lira jamais ce qui fait la base de la condamnation mais reproduira la sentence dans la plus grande soumission. Il n’est guère étonnant que cette pratique entretienne le degré zéro de la critique… et une haine contre les « intellectuels » qui sourd de plus en plus à la lecture des réseaux sociaux et autres sites.
Pour exemple notre publication de la brochure Avortement et pénurie de 1974, supplément au n° 2 de la revue Négation, signifierait que nous adhérons à cette brochure… Pourtant dès l’introduction du billet nous prenons nos distances et expliquons pourquoi il nous a paru nécessaire de la publier en archive sur le site en tant que document signifiant mais daté et en précisant ensuite tout ce qui nous en différencie aujourd’hui. Mais le nouveau crédo d’une doxa sans nom est « qui cite ou a été cité par ** est déjà complice ». À ce compte, on l’aura compris, il faut faire la généalogie de tout auteur et ne citer que ceux dûment accrédités par un milieu où un autre. Ainsi, pour certains, être cités par PMO deviendrait un signe de compromission alors que nous n’avons pas de contact avec ce groupe.
Depuis la naissance de la revue, la circulation des idées a toujours été primordiale pour nous. Le blog revient à développer notre propre canal au sein de flux d’informations qui restent indifférenciés. Dès lors, devra-t-on en revenir à la seule diffusion des textes légitimés par leur parution dans la revue ? Nous pensons que ce serait dommage d’abandonner cette ouverture sous prétexte de possibles utilisations malveillantes. Cela nous contraindra seulement à une plus grande clarté non seulement dans nos textes définitifs mais aussi dans tous nos échanges intermédiaires considérés comme des work in process.