Maurizio Lazzarato et le malheureux retour au marxisme-léninisme et à l’anti-impérialisme

Dans notre série « le devenu » des thèses et mouvements des années 1960-701 , aujourd’hui le devenu d’un certain opéraïsme que vous trouverez sur notre site : https://www.tempscritiques.net/spip.php?article572


  1. cf. par exemple notre brochure : « Quelques notes sur les mouvements de libération des années 1960-1970 et leur devenu », https://www.tempscritiques.net/spip.php?article566 []

Nouvelle constellation historique ou achèvement du temps historique ?

Ci-dessous, une réponse à l’article de D.Hoss paru sur Lundi matin n°493 Achèvement du temps historique et/ou atrophie des forces d’imagination ? portant l’intérêt sur le livre de J.Wajnsztejn L’achèvement du temps historique.


Dietrich,

D’abord, sur la forme il est un peu étonnant que j’apprenne le « commentaire » de mon livre sur l’achèvement du temps historique dans Lundi matin, via Gzavier d’ailleurs, car ce n’est pas parce que ce journal publie presque tous nos textes que je le lis régulièrement.

Levons tout de suite ce qui semble un malentendu par rapport à ce dit mon bouquin, puisque tu affirmes que le titre en serait provocateur. Or, ce n’est nullement le cas; bien sûr comme Sophie Wahnich m’en a tout de suite faite la remarque, le temps est par définition historique donc il aurait été plus clair de parler en termes d’achèvement du temps dialectique. Il n’empêche que l’idée est là et que c’est à cet aulne qu’est critiqué le présentisme actuel que Guigou théorise plutôt comme actualisme dans la société capitalisée) par rapport à l’ancienne perspective bourgeoise (Weltanschaung de l’Aufklärung) ou prolétarienne (le communisme) qui ordonnaient le rapport entre passé/présent/futur. Le fil rouge des luttes de classes est brisée et c’est tout ce rapport qui est perdu. Cela apparaît bien, a contrario, dans ton texte dans lequel tu es obligé d’aller piocher chez les théoriciens primitivistes ou les anthropologues postmodernes des exemples qui, tout intéressants qu’ils soient ou non, ne nous servent pas à grand-chose par rapport aux problèmes des dizaines de villes de plus de 10 M ou même 20M d’habitants d’aujourd’hui. Quel rapport entre l’expérience du Chiapas que tu cites et ce qui se passe dans les favelas de Rio ? À la limite, tu pourrais me répondre : l’auto-organisation, mais la première est idéologique, la seconde la condition de la (sur)vie. Dans le même ordre d’idée, si l’État mexicain et des puissances périphériques du capital peuvent se permettre de céder aux tentatives de sécession, il n’en est pas de même au cœur des puissances dominantes où même NDDL représentait un « trop », alors même que plus personne ou presque, n’était plus pour le projet.


Comme nous l’avons dit dans notre texte paru dans Lundi matin, « le feu ne couve pas sous la surface ordinaire des renoncements quotidiens » et quand tu y réponds par un « Quadrupanni a évoqué ce qu’il s’est passé réellement en France et en Italie autour du 10 septembre », tu n’es guère convaincant. D’abord pour la France, puisqu’il n’y a rien eu de bloqué ni même grève et que les manifestations ont été celles de la gauche syndicale dont il n’y a pas grand-chose à attendre ; et pour l’Italie, il y a confusion de ta part, parce que le blocage ne s’est pas produit sur les conditions de vie ou contre l’autoritarisme de la droite au pouvoir là, il y a un échec), mais pour une cause idéologique, la Palestine, de la part d’une frange de salariés italiens qui s’étaient déjà « illustrés » par leurs blocages antivax. Je n’insisterais pas trop sur ce qui relève de la corrélation ou du rapport de cause à effet, mais tous ceux qui connaissent bien l’Italie d’un point de vue autre que touristique, savent à quel point les théories complotistes et l’antisémitisme via la force du mouvement anti-impérialiste, y sont prégnantes, plus qu’en France.


Dès le début de ton article, il apparaît une contradiction entre ce que tu présentes comme une tendance vers la guerre et la destruction, vers la barbarie et le fait qu’on trouverait de plus en plus, en face, de révoltes et de tendances à l’insurrection ; dit comme ça cela ne nous dit rien du sens de la dynamique et du rapport entre les forces antagoniques. les 2 tendances peuvent co-exister, mais il faut trancher du point de vue politique, visiblement ce que tu n’arrives pas à faire car ton optimisme foncier contredit ta vision fondamentalement catastrophiste. Or, la vision catastrophiste condamne tout militantisme à n’être que groupe de pression parmi d’autres parce qu’elle condamne les « alternatives » à être marginales ou individuelles. Ton optimisme n’a donc pas beaucoup de « grain à moudre » et l’exemple du « bloquons tout » du 10 septembre est là pour nous le montrer. D’ailleurs, plutôt que de nous chercher des poux dans la tête sur le RIC des GJ, il aurait été plus profitable, à mon avis, que tu commentes notre différenciation entre mouvement des GJ et appel du 10 septembre, que nous avons particulièrement développée dans la brochure. La question des rapports entre institutions et destitutions se posent dans le cadre des Etats-nations et non pas dans celui des sociétés pré-étatiques.


Mais, le plus important et ce qui nous apparaît le plus décevant dans tes remarques critiques, c’est qu’elles ne répondent pas au titre choisi pour l’article. En effet, tu n’y réfères pas cette tendance à la barbarie, à la thèse du livre, ce qui fait qu’on a l’impression qu’elle relève d’une sorte de folie du capital ou d’une tendance à l’autodestruction. Or, et à des titres divers, ce qui se passe en Ukraine et à Gaza relève bien de cet achèvement du temps historique et de ce que Tronti appelait la fin de la « grande politique ». Palestiniens et ukrainiens se battent par patriotisme, mais pour un nationalisme qui n’a plus court dans le monde capitalisé d’aujourd’hui ou plus exactement que seules peuvent essayer de se permettre de grandes puissances ayant l’espoir de jouer sur les deux tableaux, comme le EU ou la Chine. De ce fait, leur victoire ou leur défaite (des palestiniens et ukrainiens) sera sans doute sans conséquence sur la suite ; du point de vue de « l’histoire » s’entend, pas du point de vue des populations évidemment qui, elles encaissent les chocs.


D’ailleurs, ce que tu ne développes pas du point de vue théorique, tu l’énonces de facto en disant que tout cela relève du statu quo, ce qui est, là encore, contradictoire avec l’idée d’apocalypse ou révolution, sauf à entendre cette expression comme projection de long terme.


Au lieu de cela et pour dévoiler ce qui « sourde » sous la surface des choses, tu brosses une fresque historique qui est censée montrer la continuité de « forces sociales et révolutionnaires » qui n’auraient cessé de contester les formes étatiques de dominations. C’est un résumé, un condensé, d’une sorte d’histoire populaire du monde de laquelle ressort le plus souvent et malgré un souci de pensée dialectique, une vision dualiste de l’histoire, en noir et blanc, divisée en dominants et dominés.


Tout ce que mon livre apporte à propos de l’analyse des temps historiques, sur l’abandon de la perspective dialectique, sur la « Grande politique », etc. est, si ce n’est méconnu, du moins passé sous silence. C’est dommage. Par exemple, tu parles du « présentisme » comme une voie créatrice et utopique, alors que je tente de montrer qu’il ne s’agit que d’un actualisme, d’une « actualisation » permanente de l’existant, comme dans mes développements sur « l’accélération ».

Voilà, c’est succinct, mais je ne voulais pas laisser traîner.
Amitiés,
JW

Particularisme juif et antisionisme

Nous vous proposons à la lecture le texte Particularisme juif et antisionisme en guise de développement de la note 20 insérée dans l’écrit précédent : Un particularisme juif. La note 20 s’est voulue synthétique, mais en définitive s’est avérée l’être trop, selon des « commentateurs » ou lecteurs, d’où les précisions du présent texte disponible sur notre site : https://www.tempscritiques.net/spip.php?article571.

De l’idéalisme allemand

Il nous paraît intéressant de vous présenter cette critique vis-à-vis d’un des représentants de l’autoproclamée « École critique de la valeur ». Une critique que nous avons initiée avant même que cette « école » ne soit connue en France, dans notre livre L’évanescence de la valeur, une présentation critique du groupe Krisis1. Puis, J.Wajnsztejn a produit une brochure intitulée : Une énième diatribe contre la chrématistique à propos d’un article d’Anselm Jappe dans le journal Le Monde2, à propos de la crise financière de 2008, dans lequel, finalement « l’idéalisme allemand », déjà remarquée et critiquée par Blanchard, apparaît de peu d’aide pour expliquer cette crise et oblige l’école « à ressortir du placard » la vieille théorie marxiste de la valeur-travail en lieu et place de son discours habituel sur la « forme-valeur ».
Pour mémoire D. Blanchard a été un membre important du groupe Socialisme ou Barbarie (1949-1965) sous le pseudo de Canjuers et il a écrit conjointement avec Debord (alors brièvement sympathisant de SoB), un article avec un certain retentissement : « Préliminaires pour une définition de l’unité du programme révolutionnaire » (1960).
Daniel est décédé en mai 2024 alors qu’il continuait à participer à un groupe de discussion (« soubis ») auquel J.Wajnsztejn collabore.


Le 30/11/2009

Chers SOBistes

 Comme tout le monde n’a pas forcément l’envie ou la possibilité d’acquérir l’intéressant et très récent n°34 de la revue du Mauss intitulé :

 « Que faire, que penser de Marx aujourd’hui » (à ne pas confondre avec « Le marxisme hier, aujourd’hui et demain » de feu P.Mattick, éd. Spartacus…),

mais que l’ensemble du groupe SOB a manifesté un intérêt vibrant pour les thèses des « critiques de la valeur », brillamment résumées dans le texte ci-joint extrait de ce numéro (avec en prime une comparaison avec les théories du « don »)

je me permets de proposer une (mauvaise) reproduction de ce texte, au cas où, et sans obligation de compte rendu (en format pdf d’Acrobat reader)

N.B. le numéro comprend également des textes C.Laval, S.Latouche, A. Caillé, P.Jorion, etc.

Claude


Le 03/12/2009

Merci, Claude, de nous avoir envoyé ce texte, où je reconnais la claire intelligence de mon vieux copain Anselm et qui nous sauve du galimatias de Kurz et dissipe ce qui m’est souvent apparu comme des obscurités chez Jacques W. (me gêne, tout de même: la balourdise, l’ineptie des quelques mots qu’il consacre à Castoriadis).

Cet exposé me confirme dans l’idée que cette “critique de la valeur” constitue un avatar de la pensée idéaliste – allemande ? Écartez de votre réflexion l’histoire, les sociétés et les humains concrets qui les habitent et vous pouvez vous construire une théorie limpide et rigoureuse. L’histoire est remplacée par une contagion virale de la valeur qui atteint progressivement presque tous les aspects de la vie sociale; presque, parce qu’il faut bien qu’elle laisse en dehors de son emprise un résidu d’activités et de relations qui assurent la survie du système : c’est à cela que se réduit ce qu’on peut appeler la société; quant aux humains, ce sont des supports passifs et neutres sur lesquels vient se fixer la valeur.

Mais il me semble qu’au principe de cette approche radicalement réductrice se trouve une distorsion d’un aspect du marxisme que ces théoriciens de la valeur jugent eux-mêmes central, la distinction entre travail concret et travail abstrait – distinction que Jappe définit très clairement dans son texte, je n’y reviens pas. Mais où est donc passé le travail concret ? Apparemment, il n’en est plus question. Or c’est dans le travail concret que se noue la relation dialectique entre le travailleur et la matière – fût-elle “immatérielle” -, c’est dans le rapport entre travail concret et travail abstrait que les participants au processus productif entrent en rapports de conflit, de solidarité, d’auto-organisation, etc, c’est dans le processus même d’abstraction du travail – c’est-à-dire de la détermination du contenu abstrait (durée, intensité, prix…) de la force concrète de travail que le capitaliste achète – que s’engendre la lutte de classe. Mais pour ces théoriciens, la lutte de classe n’est qu’un sous-produit “exotérique” du marxisme, qui a donné naissance à cette merde qu’est “le marxisme du mouvement ouvrier”, mouvement ouvrier qui s’est révélé n’être lui-même qu’un mécanisme de régulation interne au capital… Pas question, évidemment, que ce mouvement ouvrier ait créé à certains moments des idées, des formes d’organisation, des valeurs…, en rupture radicale avec le capital, la valeur, la “forme marchandise”, etc. Vous avez dit “création” ? Vous délirez : l’histoire se résume dans le déploiement d’une “forme”…

Jappe ne fait qu’une brève allusion à l’atrophie du rôle du travail humain dans le processus de valorisation de la valeur – thème de tant de nos discussions avec J. W. Mais il est certain que cet aspect de la théorie critique de la valeur trahit une méconnaissance ‘critique’ des processus réels de travail. Quiconque les a observés de près a relevé l’écart séparant ce que S ou B appelait l’organisation formelle de la production de la réalité du travail, écart qu’il incombe à la base de combler. Dejours dans son bouquin “Souffrance en France” place lui aussi ce constat au centre de ses analyses sur la “souffrance” au travail. Autrement dit, automatisation ou pas, il y a toujours un moment du processus productif où l’intervention humaine est cruciale – sinon, ça s’arrête (c’est ce qui se passe dans la “grève du zèle”).

Je souligne ce point parce qu’il est révélateur de la réduction par l’abstraction qui seule permet l’édification de cette théorie. Or cette abstraction est la démarche même par laquelle le capitalisme s’efforce d’imposer sa représentation mécaniste, automatique, donc irresponsable (sans sujets) de la société (le marché auto-régulateur) et des rapports entre ses “agents”. Jappe lui aussi, comme les théoriciens libéraux, et c’est curieux qu’il ne s’en aperçoive pas, écarte, dans une parenthèse, toute responsabilité d’un “méga-sujet” que serait la classe capitaliste. Evidemment, le terme auquel ne peut qu’aboutir cette corruption de toute, ou presque, la réalité par la valeur c’est l’inévitable catastrophe – mais hélas, le marxisme de la lutte de classe n’est même plus là pour la retourner – miraculeusement – en révolution.

Bon appétit,

Daniel

  1. L’Harmattan, 2004. Description : https://www.tempscritiques.net/spip.php?livre5 []
  2. Le Monde daté du 31/10/2011. Disponible en ligne http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/10/31/l-argent-est-il-devenu-obsolete_1596430_3232.html []

Repenser les luttes dans une situation sans précédent

Notre texte « Sur le 10 septembre » a donné lieu à quelques échanges dont vous avez, ci-dessous, l’un des exemples.


Merci pour ce texte qui allait à contre courant de l’appel à tout bloquer, et qui ne s’est finalement pas trompé sur le peu d’effet qu’il aurait : le 10 septembre était tant attendu, que le silence qui le suit est bien surprenant !

Vu l’importance que cet appel avait pris pour la gauche radicale, il serait intéressant de discuter des idées sur lesquelles il reposait : soutien à la colère d’où qu’elle vienne, appel à leur fusion du moment qu’elles sont dirigées contre « les dirigeants » et qu’elles partent « d’en bas » ; indétermination du mouvement considérée comme sa plus grande force ; abandon systématique de toutes réflexions théoriques nouvelles, celles-ci étant jugées inutiles.

Fonder l’espoir d’une transformation radicale de la société sur des bases aussi pauvres témoigne surtout de la faiblesse des mouvements actuels, de ce qu’ils ont de désespéré.

Le principal argument en faveur de ces idées, tel qu’on le trouve dans l’article de Serge Quadruppani mais aussi dans des échanges avec des amis, est historique : selon eux, lorsque la colère est suffisamment générale, que le mouvement est suffisamment puissant pour déstabiliser le pouvoir, le renverser, il se dépasse, ses objets initiaux font place à des « pensées qui se construisent pendant le mouvement », car « la conscience naît de la pratique ». L ‘histoire des révolutions en serait l’illustration.

Mais pour qu’au cours des révolutions il en fusse ainsi, encore fallait-il que, dans chaque cas particulier, l’époque leur permette de se déployer dans les formes qu’elles adoptèrent. Encore fallait-il que la société porte en son sein la possibilité de ce basculement, soit grosse de ce basculement.

Loin qu’une colère générale suffise pour subvertir l’ordre existant, c’est bien souvent à l’échec de ces soulèvements qu’on a assisté : « dans la réalité observable de l’histoire, de même que le mode de production asiatique a conservé son immobilité en dépit de tous les affrontements de classes, de même les jacqueries de serfs n’ont jamais vaincu les barons, ni les révoltes d’esclaves de l’Antiquité les hommes libres ».

Pour « la seule classe révolutionnaire qui ait jamais vaincu », la bourgeoisie, c’est sa situation dans l’économie qui a été cause et conséquence de sa mainmise sur la société : quel qu’ait été le cheminement des révolutions bourgeoises, elles réalisaient, après une longue maturation économique, politique et culturelle, la libération de la société civile de ce qui pesait sur elle.

Quelques soient les évènements déclencheurs des révolutions sociales des 19e et 20e siècle, elles s’inscrivaient dans des époques de riches réflexions sur l’organisation de la société, liant luttes pour la satisfaction de revendications immédiates et idéal de transformation radicale de la société. Elles poursuivaient toutes la réalisation d’une idée largement partagée : le remplacement de la propriété privé des moyens de production par leur propriété collective.

La Commune inventa « la forme politique sous laquelle l’émancipation économique du travail pouvait être réalisée », mais cela n’a été possible que parce qu’elle était nourrie de cette déjà longue histoire sociale, de ces débats d’idées, de cette croyance en un futur émancipateur.

De même, les conseils ouvriers n’ont pas été inventés par quelques dirigeants, imaginés préalablement à la révolution, mais ils ont été « le produit spontané du mouvement en effervescence », en l’occurence par les ouvriers pétersbourgeois pour diriger leur grève contre l’autocratie en 1905. Mais ces luttes renvoyaient à un idéal social qui imprégnait déjà une partie de la société.

Lors de la révolution anarchiste espagnole, dans un premier temps, les travailleurs ne firent qu’appliquer par eux-mêmes les résolutions votées lors du dernier congrès de la CNT en mai 1936 (abolition de la propriété privée, socialisation de la richesse, administration directe de la production et de la consommation par les organisations de producteurs, …).

Aujourd’hui, dans un monde profondément transformé, quand bien même les forces en faveur d’une « émancipation économique du travail » seraient importantes, les bases immédiates sur lesquelles on pensait construire la société future, le tissu social et productif qu’il s’agissait d’investir, ont disparue. Et dans ce vide, on ne voit pas de quoi « ceux d’en bas » pourraient-ils se saisir pour bâtir une nouvelle société. Il en résulte une grande confusion dans les aspirations politiques et sociales des mouvements actuels.

Ce n’est pas le projet d’abolition du capitalisme qui me semble irréalisable, mais les stratégies de lutte de classes pour y mettre fin. D’autres voies sont à chercher, qui permettraient d’enraciner ce projet dans ce qui existe déjà dans la société civile, d’assurer sa continuité avec ce qu’on y trouve déjà et qui y est adéquat, contre ce qui s’y oppose radicalement. (Je le reconnais, ces idées sont bien vagues ; il est difficile de trouver une brèche dans les puissants bouleversements qui bouchent notre horizon).

Sur les colères, il me semble que là encore il y a un grand malentendu, la gauche radicale en restant aux thèses de Chantal Mouffe sur le populisme de gauche, sur la construction d’un rapport de forces, d’un « nous » opposé à un « eux », alors même que le changement d’époque a rendu plus complexe la réalité que recouvrent ces diverses colères. Il ne suffit pas de dire qu’elles ont leurs sources évidentes dans la dégradation des conditions de vie, dans les régressions sociales, les dégâts écologiques, les conflits internationaux, l’assombrissement général du monde.

Il faut chercher les causes de ces régressions, et ne pas évacuer cette question en en faisant porter la responsabilité sur telles ou telles « élites » (les patrons et leurs valets politiques pour les uns, la bureaucratie, les universitaires, les médias, le monde culturel pour les autres).

L’article que nous avions discuté de Romaric Godin met l’accent sur leurs causes structurelles (la faible croissance économique, sa stagnation), sur l’incapacité des dirigeants politiques et économiques à résoudre ce problème du fait même de son caractère structurel, et sur ses conséquences politiques et géopolitiques. Son analyse me semble particulièrement éclairante, rendre bien compte des bouleversements en cours.

En ignorant ou refusant de nommer les sources profondes des problèmes actuels, ceux qui expriment leurs colères exonèrent le système capitaliste lui-même de leurs malheurs, s’accrochent à ce qu’il a pu ou pourrait leur offrir « si les élites n’étaient pas corrompues ».

Et l’on voit le « nous » et le « eux » se fracturer dangereusement : si l’intérêt bien compris de l’humanité est la fin du capitalisme, l’intérêt prochain des uns et des autres peut se confondre avec les politiques de domination de leur propre pays : la colère prend alors les formes xénophobes et guerrières que l’on voit aujourd’hui. La convergence de toutes les colères, nationalistes et universalistes, paraît alors bien compromise.

Soutenir ces colères sans s’interroger sur le caractère illusoire des cibles désignées s’apparente aux stratégies léninistes de prise du pouvoir, illustrées par le « programme de transition » élaboré en 1938 par Trotsky pour la 4e Internationale : « Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! La « possibilité » ou l’ « impossibilité » de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux que tout la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste ». Reste que même « impossibles » ces revendications s’inscrivent dans un cadre capitaliste, et qu’en mettant leur satisfaction à l‘ordre du jour, l‘ordre social visé ne peut être qu‘une forme de capitalisme d‘Etat. Or, affirmer encore aujourd’hui que celui-ci est la solution pour retrouver la prospérité, ce serait faire peu de cas de l’histoire, comme des contraintes économiques capitalistes qui pèsent tout autant sur le capitalisme d’Etat que sur le capitalisme privé. Et ce serait aboutir à l’inverse de ce qui était souhaité par nombre de ceux qui ont appelé à tout bloquer.

L’actualité ramène à d’autres points importants à propos de ces colères, celui de la vérité (rappelons que « le sujet idéal du règne totalitaire, selon Hannah Arendt, n’est pas le nazi convaincu, […] mais l’homme pour qui la distinction entre faits et fiction, et la distinction entre vrai et faux (c’est à dire les normes de la pensée) n’existe plus »), celui de la dénonciation par Simone Weil des passions collectives, ainsi que sa défense du « bien ».

Quant au besoin de réflexion théorique, loin d’être inutile on voit à chaque pas de cette discussion qu’il se rappelle constamment à nous (quelles sont les causes profondes de ces colères ? quelles forces sociales peuvent se mobiliser pour une reprise du projet révolutionnaire ? Une certaine idée de la liberté ne risque-t-elle pas de sombrer avec l’effacement en cours de l’Europe ? …).

A. Danet

Lettre à Lucas Amilcar, en réponse à son article « la France insoumise, le fascisme et la révolution »

article de départ paru dans le n° 482 du journal numérique Lundi matin, le 1er juillet 2025.

Cette lettre ne cherche pas à évaluer la perspective de l’auteur qui est de replacer la question du mouvement révolutionnaire à une époque où semble prédominer la fausse alternative LFI ou fascisme, mais à donner des précisions sur la notion d’autonomie dans son rapport parfois confus avec ce qui a pu être appelé « le mouvement de l’autonomie ».


Bonjour,

Quelques remarques sur les notions utilisées et leur contexte historique.

 Vous semblez confondre mouvement libertaire (dont l’acception est si ce n’est anhistorique, du moins envisageable sur le temps long) à travers ses différentes variantes et le mouvement autonome qui me paraît historiquement daté et depuis longtemps moribond. Cela ne veut pas dire qu’il ne puisse pas demeurer des tensions vers l’autonomie, comme par exemple dans le mouvement des Gilets jaunes comme vous le signalez, mais alors, il ne s’agit pas du « mouvement autonome » dans son acception historique et idéologique, mais d’un mouvement pratique qui tend vers ou veut préserver son autonomie. De la même façon, il me paraît discutable, si ce n’est abusif, de mettre ce que j’appelle les « insurrectionnistes » dans le mouvement libertaire malgré la sorte de coup de force qu’opère en ce sens Marcello Tari dans Autonomie qui d’ailleurs ne concernerait que l’Italie s’il n’en faisait pas une relecture à travers la vision qu’en a l’IQV.

En France, il n’y a pas eu un très fort mouvement autonome au sens strict et du reste l’appellation « les autonomes » indiquaient plus une volonté d’indépendance par rapport aux divers groupes gauchistes y compris anarchistes ou libertaires qu’une positivation de l’autonomie comme projet collectif. 

Si cette exigence d’autonomie s’étendait aux organisations traditionnelles de la classe ouvrière, elle n’a pas non plus débouché sur un alliage avec une « autonomie ouvrière » déjà pré-existante comme en Italie, à la fois du point de vue théorique (la théorie opéraïste) que du point de vue de la pratique (le mouvement de refus du travail), mais absente en France. Mai-juin 68 en France était certes porteur d’une tension vers l’autonomie, mais encore très dépendante de la théorie du prolétariat classe de la révolution et cela même à l’intérieur du Mouvement du 22 mars, le seul des protagonistes à pouvoir (et encore rétroactivement) se reconnaître comme libertaire  ; d’où notre inhibition devant la réalité de la défaite dès le début des années 70. Un constat que les courants ultragauche et ICO firent dès 1975, mais que les courants libertaires hésitèrent beaucoup plus à faire dans la mesure où ils se projetèrent plus facilement sur les pratiques alternatives.  D’ailleurs le champ de l’intervention avait déjà été délaissé aux maos spontex de la Gauche prolétarienne qui cherchèrent vainement à forcer la tension vers l’autonomie dans leur rapport pourtant avant-gardiste aux « masses ».

De fait, la critique proprement « autonome » ne se développe qu’entre 1977 et 1979 autour de Bob Nadoulek d’une part (Violence au fil d’Ariane : du karaté à l’autonomie politique et L’iceberg des autonomes), de la revue Camarades » (Yann Moulier Boutang le traducteur de Tronti et Négri y défend un opéraïsme à la française) d’autre part et enfin du groupe d’obédience kantienne Marx envers et contre Marx dont la dernière manifestation sera le livre de Marc Saligue Le principe autonome (1983) qui se proclame au-delà du principe communiste ; par la suite, le terme lui-même ne perdurera qu’à la marge et sous l’appellation dégénérescente de « les totos ». 

 On peut dégager trois idées-forces de Nadoulek que je signalais entre 1988 et 1989 au moment des prémisses de la revue Temps critiques, mais qui me semblent encore en grande partie valables aujourd’hui :

— pour se distinguer des positions gauchistes traditionnelles, le risque est grand, pour le « mouvement autonome », de se présenter en tant qu’alternative politique s’appuyant sur les idées d’autogestion, de démocratie directe, d’assembléisme (par exemple en Espagne dans les chantiers navals1). Or l’autogestion et la démocratie directe ne sont que des formes qui en soi ne permettent aucune alternative. « Il ne peut y avoir d’alternative formelle qualitativement différente à ce système, seulement des enclaves de luttes et de vie où le qualitatif est plein de l’ambivalence force/fragilité de l’aléatoire. ». Il s’ensuit une critique de l’idée gauchiste de « libération » et finalement une position assez proche de celle des petits groupes ultra-gauches, à partir de prémisses différentes.

— Nadoulek aborde aussi la question des classes et des luttes de classes dans des termes très différents de ceux de la vulgate marxiste : « (…) on peut définir le conflit social actuel à partir de trois forces : l’establishment (terme rendant mieux compte du statut d’une classe qui n’est ni réellement dominante au sens de ses capacités de maîtrise des processus, ni bourgeoisie au sens d’une terminologie marxiste archaïque), l’opposition contenant tous ceux qui veulent remplacer le système par un autre ou opérer des changements de place, et en dernier lieu les luttes affirmant une identité qui parcourt les structures en débordant tous les systèmes dans son mouvement ».

— enfin, il y a l’amorce d’une appréhension nouvelle du mode de production capitaliste : l’accumulation n’est plus celle, rigide, d’un capital fixe dont la propriété est facteur de conflit. Il y a processus de circulation permanent de flux économiques, culturels, informationnels et les secteurs en développement sont ceux qui permettent la reproduction du consensus.

Cette approche critique restera très marginale au sein d’un mouvement qui ne cherche pas principalement à développer une conscience politique comme préalable d’une rupture, mais qui cherche plutôt à exprimer une « sensibilité de masse » proche de celle qui s’est exprimée dans les événements de Bologne de 1977.

Le « mouvement autonome » a buté sur le problème des formes de luttes et de leur niveau de violence à partir des manifestations anti-nucléaires de Malville. Les « autonomes » français et allemands ont cherché à faire comme s’ils étaient les plus forts militairement, confondant ainsi jeux guerriers traditionnels de fins de manifestations et guerre sociale. Cette incapacité à déterminer le niveau réel de lutte atteint et celui à atteindre a conduit à la désagrégation du mouvement. Les derniers « autonomes » reflueront alors vers un terrain d’action de plus en plus limité à une sorte de gestion de la précarité (squats), à une implantation parmi les « exclus » et à quelques actions contre l’État et ses représentants (occupation du journal Libération au moment de la mort des quatre membres de la RAF à la prison de Stammheim). L’ambiguité de cette fin de comète apparaît bien dans le parcours d’un groupe comme action directe :, l’autonomie, les squats, la lutte armée, le marxisme-léninisme.

Le « mouvement autonome » en France manifeste la crise du travail sous sa double forme de refus du travail (critique prolétaire) et d’inessentialisation de la force de travail (« critique » effectuée par le capital lui-même au sein du procès de production à travers l’automatisation et plus globalement l’introduction massive des nouvelles technologies de l’information), mais sans issue immédiate car cette crise ne fait finalement que s’amorcer. Cette impasse objective va conduire les restes du mouvement vers trois pratiques qui se révéleront elles-mêmes des impasses :

— la lutte armée et ce sera la voie prise par le groupe Action directe.

— la marginalité « politisée » comme tentative de réorganisation de toute la vie sociale alors qu’il s’avère déjà impossible que le travail « productif »  soit à la base de cette réorganisation. Ce mouvement de marginalisation volontaire n’est donc pas à opposer à ce qui serait un véritable mouvement prolétaire de réappropriation de la richesse sociale, il en est la limite et marque son échec : sur la  base de la crise du travail, il n’y a que de la pauvreté à se partager.

— les pratiques « alternatives » qui privilégient les expériences concrètes et les transformations « ici et maintenant ».

Aucune de ces voies n’a pu vraiment se développer en France, alors qu’en Allemagne les deux dernières ont débouché sur la constitution d’un véritable milieu alternatif avec parfois pignon sur rue et banque « alternative » pour faire le bon poids ! Là encore les caractéristiques de l’État français ont amené le pouvoir à faire la chasse à la marge. Le mouvement des squats a été constamment illégalisé et criminalisé, avant même qu’il ne prenne de l’importance. Aucune enclave n’a pu durablement se stabiliser pour ensuite espérer faire tache d’huile.

Mais dans le passage du mouvement autonome au mouvement alternatif on assiste au glissement d’une dialectique des « libérations » vers une affirmation des possibles ici et maintenant.

Dans « l’Autonomie », il y a donc la volonté de poser un nouvel immédiat, nécessité que nous avons aussi reconnue avec la notion de « pratiques critiques », mais dans tous ces mouvements ou pratiques le nouveau ne peut se critiquer essentiellement à partir de l’ancien (le programme de classe, la théorie constituée), mais plutôt à partir du sens du mouvement qui doit être appropriable par le mouvement pratique lui-même.

Cela pose différemment le rapport conscience immédiate/ conscience théorique : la crise des anciennes déterminations (classes, sexes, âges, rôles) entraîne que la théorie ne peut plus correspondre à une vision globale transcendant les individus qui la produisent (c’était le cas aussi bien des théories bourgeoises que de la théorie du prolétariat). Mais tout en ne pouvant plus être « séparée », la théorie ne peut nier que la scission entre conscience et pratique soit une des scissions réelles de l’humanité, dans l’aliénation. Cette scission n’a toujours pas été dépassée, mais elle s’est déplacée, élargie : de scission, principalement entre des individus (« théoriciens », « suivistes », « activistes »), elle est devenue aussi scission à l’intérieur même des individus, ce qui produit en eux un déchirement tel qu’ils ne peuvent que difficilement échapper à un mouvement d’oscillation entre révolte et découragement. Il ne faut pas confondre ce nouvel immédiat avec ce qui ne serait que la manifestation d’un vitalisme d’un nouveau type correspondant à une immersion pure et simple dans les relations sociales du moment : refus du passé, indifférence à l’avenir, apologie du présent comme l’exprime bien l’idéologie « jeune » [et je rajouterais aujourd’hui, ce qu’on appelle vulgairement le présentisme] vocable auquel nous préférons celui d’actualisme.

Si les « autonomies » ont recherché de nouvelles médiations, c’est que non seulement les anciennes étaient en crise, mais que c’était aussi la seule façon, pour les individus, de ne pas être immédiatement leurs rapports sociaux dans le capital, c’est-à-dire de pouvoir résister au procès « d’anthropomorphose du capital » (Camatte) en train de réaliser une partie du programme prolétarien, mais pour son propre compte : rendre l’individu immédiatement social en tant que particule du capital, aux antipodes du projet autonome en quelque sorte ! Ces nouvelles médiations ont surtout pris la forme de médiations politiques (« Autonomie organisée », « partis combattants ») ou de médiations psycho-sociales (nouvelles formes de travail, vie communautaire, action contre-culturelle), car les mouvements ont délaissé la question de l’institutionnalisation des médiations, pourtant fondamentale dans l’optique de la création d’un nouvel imaginaire social et politique qui doit sous-tendre tout projet d’autonomie (Castoriadis : de l’instituant à l’institué).

Ce qui fait l’originalité et l’intérêt des mouvements autonomes ne doit pas nous cacher qu’ils constituent, par bien des côtés, une régression du niveau de lutte atteint dans la phase qui à précédé et été à l’origine de leur naissance. « L’autonomie » consacre bien souvent le passage d’une insatisfaction qui cherche à se supprimer, à une satisfaction aliénée. « L’Autonomie » dégénère alors en éclatant en « autonomies » et « espaces d’autonomies ». On assiste alors à une subjectivisation absolue d’une individualisation sans sujet. C’est ce qu’a très bien exprimé Jacques Guigou avec son concept « d’egogestion2 », même si ce concept est surtout adapté à la situation française, pour des raisons que j’ai déjà mentionnées.

Si le nouvel immédiat cerné par « l’Autonomie » a pu exprimer une certaine universalité car c’est une forme de dépassement des projets de classe et donc d’un élément important de la particularisation des individus dans un rapport social centré sur le travail et la production matérielle, il ne constitue pas un dépassement de la particularisation en général. Son objet a changé dans une période de crise des anciennes médiations et représentations, ce qui explique les ambiguïtés de ces mouvements, à plusieurs niveaux :

— Il n’y a qu’un pas de la collectivité fonctionnelle à la collectivité organique et ce n’est pas un hasard si on assiste à un afflux non négligeable de ruraux et de conservateurs chez les « Verts », surtout en Allemagne, mais aussi aux États-Unis où la Deep ecology semble s’imposer de plus en plus au détriment d’une écologie sociale (Murray Bookchin). La critique de la domination sur la nature n’aurait alors conduit qu’à son contraire, une immersion dans la nature (retour à une prédominance des déterminations naturelles ; la question du rapport à la nature n’est plus posée), sans que soient redéfinis les rapports des individus à la nature extérieure et les rapports des individus à leur propre nature. Pour la Deep ecology, la domination sur la nature est première et marque en cela un renversement de l’ancienne perspective socialiste de la primauté de la domination des hommes sur les hommes. La critique est contre dépendante et peut tourner à la mystique.

— Le « Mouvement » qui se veut « Autonomie » est composé d’individus qui, finalement, se pensent dans l’hétéronomie : le sujet de l’humanisme n’existe plus et l’individu bourgeois est remplacé par l’individu de l’époque de la dissolution des classes. En tant que sujet éclaté, il ne peut que difficilement trouver dans ses rapports aux autres, la confirmation de son existence et donc de son autonomie, alors que l’individu des classes la trouvait dans son existence de classe, par exemple pour l’individu prolétaire.

Le sujet éclaté ne peut alors espérer prouver sa subjectivité que dans l’intersubjectivité (la création de communautés propres à chaque particularisme bien loin de la tension vers la communauté humaine) et dans les « branchements » de toutes sortes (les réseaux). Cette absence d’épaisseur de l’individu de la fin des classes l’amène paradoxalement à ériger en valeur suprême l’authenticité, quel que soit son contenu. Cela conduit à l’apologie des différences et à l’acceptation du procès de fragmentation de l’être qui est pourtant la première étape vers la réalisation complète de la séparation.

A partir de là comment s’étonner que le mouvement libertaire actuellement complètement divisé par ses combats internes qui empêchent toute discussion et débat ouvert et qui a rendu impossible depuis 10 ans l’organisation annuelle du salon libertaire de Paris (et celui de Lyon) puisse comprendre et accueillir un mouvement comme celui des Gilets jaunes ?

J.Wajnsztejn fin juillet 2025

  1. Cf. Le pari de l’autonomie ; récits de lutte dans l’Espagne des années 1970, éditions du soufflet, 2018. []
  2. J. Guigou, La cité des ego (réédition, l’Harmattan, 2008). []