À propos de la présentation du livre de Giorgio Cesarano Manuel de survie par Dietrich Hoss sous le titre Apocalypse ou Révolution – ce qu’avait prévu Giorgio Cesarano publiée à la suite :
Cette « Apocalypse et révolution » n’était-elle pas une façon pour Cesarano d’affirmer dans son propre langage la révolution du capital, ce que Pasolini fit lui aussi à partir d’autres mots dans ses Écrits corsaires et Les lettres luthériennes ?
Avec le titre de ce billet il ne s’agit ni de fanfaronner ni de dramatiser, deux démarches finalement contre-dépendantes que nous avons critiquées dans nos articles contre les perspectives catastrophistes dans le chapitre 2 du n° 13 de Temps critiques (hiver 2006) avec les articles d’André Dréan : Société industrielle, mythe ou réalité et Contribution à la critique du catastrophisme et celui de Jacques Wajnsztejn : Contre la rhétorique des « conditions données ».
D’ailleurs la formule « Socialisme ou barbarie » de Rosa Luxembourg, si elle était envisageable au lendemain de la Première Guerre mondiale et vu ce qui allait se passer vingt ans plus tard, n’avait déjà plus guerre d’opérationnalité après la Seconde Guerre mondiale et si le groupe et la revue Socialisme ou barbarie la reprit, c’est dans sa perspective trotskiste d’origine, qui faisait d’une troisième guerre mondiale une prévision théorique à court terme qui s’est avérée fausse, la guerre froide stabilisant l’ensemble du développement du capital, l’avènement de sa domination réelle dans l’aire occidentale et les débuts d’une circulation du capital dans l’aire orientale et le Tiers-monde.
À ce propos, le titre du livre de Giorgio Cesarano1 s’inscrivait implicitement contre le « ou/ou » en se prononçant pour le « et »… un point qui pourrait être creusé dans cette époque du « en même temps ». Un « en même temps » que nous avions déjà convoqué il y a une quinzaine d’années quand nous avions avancé l’idée « révolution et alternative2 », abandonnant la traditionnelle antinomie issue du fil historique opposant réforme ou révolution.
Cette « Apocalypse et révolution » n’était-elle pas une façon pour Cesarano d’affirmer dans son propre langage la révolution du capital, ce que Pasolini fit lui aussi à partir d’autres mots dans ses Écrits corsaires et Les lettres luthériennes ?
Après le texte de Dietrich Hoss suit, en annexe, un échange entre participants à la revue Temps critiques au sujet des textes de G.Cesarano.
Au premier mot limpide, Max Ernst 1923
Apocalypse ou Révolution – ce qu’avait prévu Giorgio Cesarano
Il en a de livres qui, au moment de leur parution, restent complètement inaperçus ou au moins ne trouvent pas l’attention qu’ils méritent. Des fois beaucoup plus tard seulement, dans le contexte d’une nouvelle constellation historique, ils sont redécouverts, rencontrent un nouvel intérêt et une appréciation juste de leur pertinence pour le déchiffrement des tendances historiques à peine visibles à l’époque de leur écriture. Le Manuel de survie de Giorgio Cesarano est de ceux-là. Ecrit en 1973, publié dans sa version italienne en 1974 et en français en 1981, il était resté plus ou moins confidentiel dans un temps de reflux post-68. Aujourd’hui il vient d’être réédité3, sollicitant une nouvelle attention dans un contexte de luttes qui pourrait –espérons-le- aider à la reconnaissance de la justesse de ses thèses et à l’auto-compréhension des combattants de leur action. Comme on avait vu, aussi le livre de Marcello Tarì Il n’y a pas de révolution malheureuse donnait des éléments clés pour faire comprendre ces luttes comme expression d’une confrontation décisive pour la survie de l’espèce humaine (voir https://lundi.am/Ce-qu-il-pourra-rester-du-mouvement-des-Gilets-Jaunes). Le livre de Cesarano entre encore plus en profondeur des enjeux de cette « vraie guerre », comme il l’appelle, en cours. Voici une présentation et quelques citations de ce livre et d’autres textes de l’auteur pour signaler l’importance de celui-ci face aux défis actuels.
L’alternative historique changée
C’est aujourd’hui qu’on commence à voir plus claire à propos de la nouvelle dynamique révolutionnaire souterraine que Cesarano avait décelé déjà il y a à peu près cinquante ans, c’est aujourd’hui qu’est plus visible dans les luttes la perspective d’une « révolution à titre humain », d’un « assaut contre la société » qui tend à remplacer celle-ci par l’instauration de la « communauté humaine », le « Gemeinwesen » , c’est-à-dire l’essence commune des hommes, dont parlait Marx ( voir récemment le débat sur le blog de Temps Critiques4 ) Cesarano avait déjà vu en 1972 dans le rapport du « Club of Rome » sur les Limites de la croissance, qui sortit à cette date là, le signe de l’ouverture d’une nouvelle ère. Il voyait que face à l’impasse dans lequel la machine-capitale s’est enfoncée, ses idéologues cherchaient à surmonter « les limites thermodynamiques de la biosphère » à travers un programme de nouvelles formes de gestion de sa course folle. L’alternative devant laquelle l’humanité était placée désormais n’était plus « Socialisme ou Barbarie » comme disait Rosa Luxemburg. La rechute dans la barbarie s’était produit, en effet, d’une façon inouïe dans le 20ième siècle (et se prolonge jusqu’à nos jours au quotidien dans toutes les régions de la planète). Cesarano voyait apparaître avec une grande lucidité les premiers signes de la nouvelle alternative historique: Apocalypse ou Révolution5, disparition du monde tel que nous le connaissons ou enfin la réalisation de la « communauté humaine » véritable, c’est-à-dire « la désagrégation et la fin de tout mode de production qui mette en contradiction directe, dans un antagonisme mortel, l’espèce humaine et son monde réel. » (Manuel de survie, p.164)
Pendant que la « gauche du capital » cherche toujours désespérément une sortie de l’apocalypse commencée à travers une « décroissance » ou une « régulation éthique de l’économie » –dernièrement sous forme d’un « dépassement du capitalisme » par un système de taxation, qui se veut malin, avec comme but illusoire une redistribution du capital monopolisé à tout le monde (Piketty)- Cesarano affirmait déjà l’urgence de la réalisation indispensable de l’unique tache salvatrice qui incombe à l’humanité : sortir de son « préhistoire » pour devenir enfin véritablement humaine, une tache, envisagée déjà par Marx comme objectif implicite de la révolution à l’ordre du jour.
Selon Cesarano, l’espèce humaine a entamé dans son parcours « préhistorique » une « révolution biologique » qui est restée jusqu’à nos jours inachevée, à mi-chemin. Elle a créé la « société », comme une « forme pseudo-naturelle où se réalise la communauté fictive ». Il faut constater « que la société est un moment de réalisation du procès de dépassement de la condition animale, mais qu’elle reste paradoxalement encore animale et d’autant plus sensiblement qu’elle efface formellement les automatismes instinctuels. Les sociétés animales définitivement stabilisées (les termites, les fourmis, les abeilles) ont, pour présupposé naturel de leur fonctionnement automatique, la négation de l’individu ; ainsi, la société animale dans son ensemble ( termitière, fourmilière ou ruche) se pose comme un individu pluriel, dont l’unité détermine, et est déterminée par la partition des rôles et des fonctions –dans le cadre d’une ‘composition organique’ où il est difficile de ne point voir le modèle biologique de la téléologie du capital. » (Et qui reste selon Cesarano aujourd’hui plus que jamais « l’utopie du capital », comme nous verrons plus loin.) L’affranchissement de l’Homme de la condition animale au cours de son préhistoire « doit se lire comme l’évolution d’un’ régime instinctuel’, violemment déplacé de la dimension de l’individu singulier –et de ses manières de se produire et de se reproduire- à celle du social. Le social est cet ‘individu’ collectif au fonctionnement autorégulateur, capable de se construire et de maintenir, dans le court terme, une pseudo-naturalité et un automatisme ‘instinctuel’ qui lui sont propres. » (95s.) L’énorme « machine sociale » de la société « est depuis toujours la forme pseudo-naturelle où se réalise la communauté fictive. » (95)
Encore reste-t-il une divergence profonde entre la société et l’individu : « Si le pouvoir et le travail, les obéissances spontanées (à la guerre, à la famille et à ses variantes, à l’autorité, qui n’est pas nécessairement instituée, etc.) et les désobéissances fonctionnelles (les fausses luttes éternellement résolues dans une conciliation du système avec son avenir le plus prévisible) fonctionnent par le biais d’un automatisme ‘instinctuel’, celui-ci ne réalise pas pour autant l’essence le l’espèce, il ne détermine pas une fois pour toutes ses manières de se produire et se reproduire…l’élément constant qui …qualifie l’espèce humaine est la contradiction active entre les manières de se produire et de se reproduire du social …et de la manière dont ses composants individuels se conçoivent. » (97) « Pour être reconnu dans le social, l’individu (être indivisé) doit se nier comme tel et se scinder en deux… » (95) La « personne social », qui se présente et agit pour survivre dans la société telle qu’elle va, ne coïncide pas avec la singularité de l’individu intime. De là la contradiction à l’intérieur de l’individu définie par la psychanalyse entre « le « Moi » et le « ça », entre le « principe de réalité » et le « principe de plaisir », ou, en termes plus générales, entre « raison » et « désir ». Tiraillé entre ces pôles chaque individu doit trouver son chemin pour retrouver le « monde réel » de la « vraie vie », englobée et cachée par le monde fictif spectaculaire. Il n’y peut pas arriver tout seul. Comme il l’a si bien formulé le Manifeste pour une désobéissance générale (2009): « Une partie de nous se voit subrepticement contrainte à être le bourreau de notre autre moi, celui qui rêve, sait et veut que ce monde ne soit pas celui-là. Combien d’entre les citoyens tentent difficilement de défaire la nuit ou pendant leur maigre temps libre ce dont ils ont été complices chaque jour travaillé ? »
Pour arriver à dépasser cette déchirure il faut nouer de liens de combat libérateur avec les autres, « libérer le monde réel du ‘ monde ‘ fictif … à travers l’abolition active du ‘sujet fictif’ (le capital et sa société). » (99) C’est à ce prix que la révolution biologique de l’espèce, son dépassement de la condition animale, trouvera sa fin : « L’origine de l’homme n’est pas derrière lui : elle lui fait face. L’origine de l’espèce est la fin à laquelle tend la révolution biologique. » (100)
L’utopie du capital
Contre la lame de fond d’un tel mouvement libérateur qui la menace, la société du capital cherche à imposer une régression générale de l’espèce à un stade infantile : « L’immaturité est la condition qui caractérise qualitativement la ‘personne social’ ». On assiste à une « négation violente de la maturité organique, du fait des obstacles…socialement organisés. » (100) « Dans son mode de production de la Gemeinschaft fictive, l’utopie du capital, matérialisée dans la machine sociale, instille un procès de régression généralisée qui présente deux aspects liés l’un à l’autre : le trait enfantin et l’automatisme ‘sauvage’. C’est à travers leur interaction que procède ce retour à l’animalité, à la sphère instinctuelle et ‘thématique’ que l’idéologie progressiste mystifie dans ses formes propres et dans son style. D’un côté, le trait enfantin, qui caractérise à la fois le style de l’art et celui de ses dérivés (du pop art et de l’esthétique ‘alternative’ psychédélique au babyish de la publicité), … de l’autre, le trait irrationnel et tragi-comique des manquements que la machine sociale auto-condamne en un pathos verbeux, ridiculise les derniers vestiges de l’idéologie du bien-être ; mais il promeut par ailleurs une férocité et une barbarie dans les comportements interpersonnels… » (150s.) La tendance constatée par Cesarano dans les années soixante-dix – « que l’automatisme des rôles fonctionnalise et homologue toujours davantage une sorte d’instinctualité robotique, qu’architecture et urbanisme convoient et trient telles les galeries de la termitière » – a connu à nos jours un perfectionnement effroyable.
L’industrie culturelle a trouvé de supports techniques, des « outils-prothèses » (Cesarano) d’un nouveau genre, qui réduisent comme une peau de chagrin le temps de rêve d’une autre vie en envahissant et colonisant jour et nuit tous le sens et toutes les forces de l’imagination de l’individu. Le « bourreau de notre autre moi » a des nouvelles armes de destruction massive.
Avec ses nouveaux moyens d’intoxication le capital franchit une nouvelle étape dans un processus que Cesarano appela « l’anthropomorphose » du capital : « …en fondant toute ‘personnalité’ à l’image d’une entreprise, la lançant dans la circulation apoplectique du crédit, là où il n’y a pour circuler que la généralité du non avoir. Le capital qui se fait homme fait de chaque homme le capital, de toute vie l’entreprise de la valeur, de chaque ‘personne’ une firme débitrice en permanence de son sens, créditrice en permanence du non-sens généralisé… L’anthropomorphose du capital recompose à l’intérieur de la ‘personnalité’ le procès de la valorisation »6. La « personne sociale » est devenue un producteur/consommateur en adéquation totale avec les nécessités de la valorisation du capital. Après d’avoir atteint les limites extérieures de son expansion sur le monde, le capital s’était attaqué à l’intérieur des hommes comme terrain de valorisation. « En s’intériorisant, le procès s’installe dans la sphère de l’existence subjective … : il en vient à se greffer sur des présupposés psychologiques (la société intériorisée) ou organique (la nature intérieure) préexistants. » (Apocalypse ou révolution §48) Il s’agit de « conquérir à l’intérieur du corps de l’espèce l’espace que, jusque-là, il a désastreusement conquis à l’extérieur, et à trouver ainsi, dans l’intimité des corps, la dernière qualité à convertir en quantité. » (§55) « L’Ego-valeur, qui devient petite entreprise opérant sur le marché selon le schéma classique de la loi valeur (échange de pseudo-équivalents), est le sujet de l’ultime utopie ‘ proudhonienne ‘ du capital, la société du libre-marché de la survie. » (§49) Dans cette voie aussi le capital s’est servi des possibilités des nouvelles technologies comme levier puissant des transformations organisationnelles, de l’auto-entrepreneuriat à « l’ubérisation »
Les contours d’une contre-offensive
Cependant, l’espoir des gestionnaires de la gigantesque machine sociale capitalistique « opérant en vue du contrôle utopique de la communauté réduite à pur être animal » (Manuel de survie, p.152) ne s’est pas réalisé à cent pourcent : «…au fur et à mesure que dans toute forme de ce qui existe se réalise un moment de la valeur autonomisée, au fur et à mesure que l’anthropomorphose du capital met en scène une ‘humanité’ de robots, ce qui lui est irréductiblement étranger, s’insurge pour la combattre7. » A partir de cette prémisse, Cesarano -qui voyait la contre-révolution du capital en marche, sans pouvoir prévoir que celle-ci prendra le dessus pendant de décennies- indiqua les contours d’une contre-offensive des « prolétarisés » à venir: « …le capital provoque et programme artificiellement –là où des sursauts de désaveux secouent par instants le procès d’identification forcée- des lieux et des temps d’affrontements parcellaires, dans l’espoir de reconnaître et de définir son ennemi et de quantifier statistiquement , d’un point de vue prévisionnel, son signalement et ses mouvements. Les prolétarisés doivent déserter le rendez-vous que leur fixe la sociologie pratique mise en œuvre par les équipes politiques- ou bien y intervenir avec la soudaineté d’une force qualitative assez grande pour faire sauter tout instrument de mesure. » (Manuel de survie, 152)8
C’est cela qui est arrivé dernièrement dans le cas de la « Loi Travaille ! » et encore plus claire dans celui de la « taxe carbone » : « Au fur et à mesure que le contrôle des programmateurs planifie en termes planétaires et totalitaires les échéances de sa crise, qui vont s’accélérant, le mouvement réel laisse en arrière ses propres apparences phénoménales [en termes de revendications catégorielles et particulières DH], et tend à se donner une cohérence d’ensemble –un processus autoconscient- de moins en moins aveugle et de plus en plus difficile à aveugler sur la fin qu’elle vise réellement. » (166s.) Les classifications et catégorisation en « quanta sociaux » de la population tombent suite à l’arrêt apocalyptique d’un système productif en état d’implosion : « c’est l’arrêt à brève échéance du développement productif qui se présente comme le facteur le plus révolutionnaire de transformation du ‘monde’. Cette transformation affecte immédiatement tant le ‘monde’ que le ‘prolétariat’ » … « les prolétarisés brisent de l’intérieur les limites qui les enferment dans la connotation de simple classe productive, pour se présenter comme corps de l’espèce… » (168) Finalement : « …le mouvement réel brise les liens des entités séparées (communautés fictives, ‘quanta sociaux’) dans lesquelles son but concret lui demeurait caché. De même l’individu fictif brise les liens des formes représentationnelles et séparées, cumulées dans les rôles où s’articule la ‘personne sociale’, … » (177)
De là cette « impureté » du mouvement des Gilets Jaunes, ce caractère « interclassiste » qui fait grincer les dents dans les milieux de divers gauches et gauchistes.
A la place d’une prise de « conscience », en terme de théorie révolutionnaire, se fait jour pour Cesarano une « certitude critique généralisée » à propos des fins visées. C’est cette nouvelle certitude clairvoyante qui s’exprime dans le « Fin du monde, fin du mois –même combat ! » C’est elle qui apparaît dans un texte comme la Lettre jaune #15 :2019, année jaune! : « Chers gilets jaunes, chers hommes et femmes d’en bas, nous approchons d’un moment historique. Nous approchons d’un basculement historique. …Aujourd’hui, notre lutte d’en bas est un combat total, et sans doute le dernier. Un combat contre l’extinction programmée de l’espèce humaine…Cette année, notre destin est encore entre nos mains. Saisissons notre chance, soulevons les questions qui nous tourmentent, et produisons des réponses radicales et réelles en dehors de tout artifice institutionnel. » (https://lundi.am/Lettre-Jaune-15-2019-annee-jaune)
En effet, cette nouvelle certitude critique n’a rien à voir avec une réanimation de traditions idéologiques des gauches ou gauchistes: « Si la certitude critique se généralise, ce n’est pas à partir de simples médiations ‘intellectuelles’, séparées de l’expérience concrète. C’est au contraire l’expérience concrète –d’autant plus concrète qu’elle est davantage vécue dans la passion- qui constitue le fondement de la certitude. » (155)
Et cette certitude s’incarne dans de nouvelles formes de vie d’ensemble. Marx, jeune exilé à Paris au début des années quarante du 19ième siècle, avait identifié la tendance à refaire la vie en commun, au jour le jour dans la perspective d’un communisme au-delà de l’abolition de la propriété privée, déjà au moment de la naissance du mouvement ouvrier : « Lorsque les ouvriers communistes se réunissent, ce qui leur importe d’abord comme but, c’est la doctrine, la propagande, etc. Mais, en même temps, ils s’approprient par là un nouveau besoin, le besoin de société, et ce qui apparaît comme moyen est devenu le but. On peut observer ce mouvement pratique dans ses résultats les plus éclatants lorsque l’on voit réunis des ouvriers socialistes français. Fumer, boire, manger, etc. ne sont plus là à titre de moyens de faire le lien, ni comme moyens de liaison. L’association, la réunion, la conversation qui a de nouveau la société comme but, leur suffisent, la fraternité des hommes n’est pas un vain mot, mais une vérité pour eux et la noblesse de l’humanité nous illumine depuis ces figures durcies par le travail9. »
Après cette première expérience, cette tendance spontanée à la recomposition des rapports entre humains dans leurs mondes s’était approfondie au 19ième siècle dans les clubs et associations des quartiers ouvriers, avait gagné le devant de la scène à la Commune, s’était étendue sur tout le territoire de l’empire russe entre février et octobre 1917 et éclatée au grand jour encore une fois en Espagne 1936. Mais elle a été aussi, déjà au 19ième siècle et depuis toujours plus, canalisée, filtrée et marginalisée par l’institutionnalisation des luttes sociales, économiques et politiques. Une institutionnalisation perfectionnée durant tout le 20ième siècle –si ce n’était pas son écrasement complet par la terreur du fascisme et de la contrerévolution stalinienne.
C’est autour de 1968 que cette tendance réapparait de nouveau avec force : « ‘Ce n’est qu’un début, continuons le combat’, le cri du mouvement parisien de Mai, repris en Italie par les néo-anarchistes, exprima la conscience qu’eurent les insurgés de commencer encore une fois, et non de conclure le procès porteur d’ultimatum : l’affirmation radicale de la volonté de subversion au-delà de toute frontière de ‘classe’ ou de rôle social…C’était une négation encore formelle, la ‘contestation’ avait les limites d’un fait culturel, reflété dans la condition estudiantine de ses principaux protagonistes ; mais elle commençait à révéler la puissance d’affirmation du monde réel, occulté mais non anéanti dans l’organisation totalitaire du ‘monde’ fictif. » (Manuel de survie, 189s.)
Concernant le constat de Cesarano des « limites d’un fait culturel », iI faut tenir compte du fait qu’il était déjà décédé quand « l’affirmation radicale de la volonté de subversion » gagna en Italie dans années 70 des couches sociales bien au-delà du milieu estudiantin. Il est pourtant vrai que le mouvement des Gilets Jaunes, à la différence des luttes «contestataires » autour de ’68, part dès le début des profondeurs du « monde réel », du vécu quotidien des hommes et des femmes d’en bas, et se cristallise dans de formes de regroupement, au-delà des limites et des cloisonnements des revendications partielles et catégorielles, avec une détermination et une clarté nouvelles : ronds-points transformés en bases d’action, constitution de maisons de peuple, manifestations explosives de la rage commune. Pour la première fois depuis Mai ’68 un mouvement social exprime dans la durée et en se radicalisant un refus général du monde comme il va.
De cette manière il rompt d’avec « l’inquiétante dispersion critique » qu’Annie Le Brun avait constatée encore quelque mois avant. Se référant à la notion de la « guerre implacable et perpétuelle » du « système de concurrence illimitée » de William Morris, formulée à la fin du 19ième siècle, elle écrivit : « …cette guerre s’est aggravée, au point que les mots, les concepts mais surtout les modes d’appréhension dont nous disposons paraissent ne pouvoir en refléter que des épiphénomènes, en train de devenir prétexte à une inquiétante dispersion critique. Non que les luttes qui en découlent soient injustifiées. Au contraire. C’est le cas de presque tous les mouvements d’occupation de la dernière décennie qui signifient bien plus que leur objectif avoué, quand c’est à travers le désir d’une autre façon d’être qu’ils s’opposent véritablement à l’ordre des choses. Le malheur est que la légitimité de leur lutte fait écran à ce qui se joue en profondeur dans le but constant d’attaquer à la racine tout ce qui pourrait éventuellement contrer la marchandisation du monde10. »
Le refus de la représentation parlementaire ou syndicale, du piège d’une mise en forme négociable de revendications, du cadre prescrit des formes de manifestations voire d’un « dialogue social » encadrées par le pouvoir, exprime une nouvelle « généralisation de la critique » aussi bien sous l’aspect de sa concentration sur les questions centrales de la vie que sous l’aspect des milieux sociaux impliqués dans le mouvement. Après un siècle et demi d’expériences des luttes qui se sont déroulées après les premières rencontres du jeune Marx, les hommes et les femmes français réunis aux ronds-points fument, boivent et mangent pas seulement de nouveau ensemble, mais ils y réfléchissent et discutent en même temps passionnément sur ces expériences et le sens de leurs attroupements.
De cela ne sortira pas une nouvelle recette pour la lutte. Comme il le disait Cesarano : « Pas un mot sur les ‘modalités » de la lutte ? C’est que trop de mots se sont longtemps interposés en lieu et place de la lutte. » Ce qui commence à s’imposer est plutôt une nouvelle ligne de conduite: « A chacun d’agir par lui-même, avec ses pairs : dans la mesure où il ne se conciliera pas avec lui-même (c’est-à-dire avec son « bourreau intérieur » DH), ainsi que les évènements le déterminent à être, il sera avec tous, dans la lutte de tous. Pas un mot sur ce qui est à réaliser afin que chacun sache, pour soi, s’enflammer dans la passion unitaire de la création, de l’amour et de la participation. » (196)11
22-10-2019
Dietrich Hoss
Le 23/10/2019 Jacques Guigou
Bonjour,
Je ne pense pas judicieux ni fructueux de publier ce texte de Hoss. C’est un commentaire de certains écrits de Cesarano qui n’ont plus guère de portée politique aujourd’hui.
Je rappelle ce que j’écrivais il y a peu de temps au sujet des publications de Cesarano par « La Tempête » :
« Bonjour,
Que ce texte soit édité sous la forme-livre est une bonne chose ; mais une chose tardive. C’est Critique de l’utopie capital qui mériterait davantage d’être publié ; si l’on souhaite publier Cesarano aujourd’hui sous forme papier (car tous ses textes sont en ligne, au moins en italien).
Il y a maintenant plus de 20 ans, nous avions envisagé de publier le dernier texte de Cesarano : Critique de l’utopie capital.
Jacques Camatte m’avait (presque) donné son accord pour en écrire la préface (ou une sorte d’avertissement au lecteur). Il m’avait aussi mis en contact avec la compagne de Cesarano, laquelle voyait notre projet d’un bon œil.
Nous ne l’avons pas fait pour des tas de raison, mais surtout pour une raison essentielle : sans doute parce que le devoir de publication de textes de cette qualité, mais de textes datés a été concurrencé chez nous par la nécessité de publier des textes contemporains qui prennent acte de l’échec de la “révolution biologique des subjectivités qualitatives” ; celles de Vaneigem comme celles de Cesarano.
Car davantage encore qu’Apocalypse et révolution, la Critique de l’utopie capital exprime l’ultime avancée du moment subjectiviste de Mai 68 et du Mai rampant italien. Nombre des thèses posées par Cesarano ont été englobées par la révolution du capital ; notamment celles les plus chargées de dialectisme hégélien : opposition du quantitatif et du qualitatif ; présence versus représentation ; être et devenir ; immédiatetés et possibilités, etc. La notion “d’être de l’espèce” donnée comme le négatif absolu à l’utopie capital a été sévèrement altérée, voire résorbée, par les biotechnologies, les fièvres transhumanistes, les genrismes forcenés et autre reproduction artificielle de l’espèce humaine…
Bref, autant que sa référence à la valeur-travail et donc à la sphère de la production c’est toute la dynamique (chaotique et non systémique) du capital depuis 1972, date à laquelle ces textes ont été écrits, qui en fait de précieux documents historiques, mais sans véritable portée politique pour aujourd’hui et sans doute pour demain. Ceci ne ruine en rien, bien sûr, l’entreprise des éditeurs rassemblés sous le nom de “La Tempête” mais seulement la situe à l’articulation entre l’ancien cycle des luttes révolutionnaires qui s’achevait et la période historique dans laquelle nous sommes.
D. Hoss, comme des certains gauchistes lucides, cherche son nouveau sujet historique de la révolution. Deux “sujets historiques” sont brandis : l’espèce et l’art. Nous avons déjà écrit pas mal de choses là-dessus. Je prépare une réponse à ses commentaires de mon livre Poétiques révolutionnaire et poésie qui critiquera cette quête d’un ultime su-jet révolutionnaire dans l’art et la poésie. Cf. ma critique12 d’A. Barrau envoyé ce mat-in. S’il nous faut y revenir, ce n’est pas à partir de gloses sur Cesarano. Hoss semble, si ce n’est l’ignorer, du moins le passer sous silence : c’est chez Jacques Camatte que Cesarano a trouvé l’essentiel de ses contenus pour construire sa critique. Les écrits de J. Camatte du début des années 70, bien sûr. »
JG
Le 23/10/2019 Jacques Guigou
« Je me souviens avoir lu sur internet des extraits en italien et d’autres en français de Critique de l’utopie capital.
C’est la pointe la plus extrême des dimensions “bio-anthropologiques” de Cesarano. Mais, bien sûr, il y a des continuités évidentes dans ses écrits politiques après l’abandon de sa carrière littéraire. Je disais que rééditer Cesarano en français pour-quoi pas, mais que ce qui était plus intéressant c’était de traduire et d’éditer Critique de l’utopie capital. Il s’agissait d’une réponse à La Tempête. En explorant le Net à ce sujet je viens de tomber sur un article de Jappe qui présente un livre sur Ludd comme “moment transcendant” de la critique ultra-gauche italienne. Ici : http://www.palim-psao.fr/2019/02/ludd-ou-le-soixante-huit-transcendant-par-anselm-jappe.html
La conclusion de Jappe est conforme à ses positions sur “la marchandise” et sur Mai 68 et le mai rampant italien comme “modernisation” du capitalisme ! Bien sûr, lui aussi met la poésie là au milieu, considérant que la poésie “c’est un moment transcendant” ! Décidément en publiant mon dernier livre sur la critique des poétiques révolutionnaires, je sentais venir cette poussée idéologique…
Je ne peux pas me replonger là-dedans immédiatement ; j’ai trop d’écriture en retard. Je le garde sous le coude.
Je prépare juste le premier jet d’une réponse brève à D. Hoss. »
JG
À Jacques (G)
« Ton argumentation est peu explicite puisque tu signales au départ une sorte de supériorité de l’Utopie-capital sur Apocalypse et révolution sans expliquer pourquoi d’ailleurs, d’autant qu’à ma connaissance tu n’as pas lu l’Utopie-capital (je dois être un des rares à avoir eu la version italienne qui venait de sortir, à l’enterrement de Riccardo d’Este, par sa compagne Roberta et je n’ai d’ailleurs lu moi-même que les vingt ou trente premières pages). Seules les 200 premières pages présentent un intérêt palpable car le reste et plus grosse partie du livre est constitué de fiches de lectures sur des auteurs divers des années 60.
En fait, ce que nous en connaissons, c’est par les citations d’Invariance qui a effectué la première traduction.
Et qu’à l’arrivée tu affirmes que les thèses de Cesarano ont été “englobées”. Donc où est l’intérêt supérieur du second par rapport au premier livre ? Cesarano les concevait ces thèses (cf. ce qu’en dit Dietrich Hoss) à travers “la contre-révolution” du capital et non pas sa “révolution” qui est notre prisme (plus tardif de 20 ans !). À partir de là et comme Camatte (et toi pendant un temps), il allait tirer tout ça vers “l’anthropomorphose du capital”, l’idée de “machine-capital”, finalement une vision qui présupposait un parachèvement du capital (terme que tu employas toi-même dans la revue jusqu’à ce que je le critique) face auquel on ne pouvait faire que le grand saut dans le vide (Camatte et “ce monde qu’il faut quitter”, “c’est ici qu’est la peur, c’est ici qu’il faut sauter”, etc.) ou/et croire en un sursaut de l’espèce et une révolution biologique. Pour moi et malgré les apparences (c.-à-d. quelques points communs avec la dialectique situationniste), Cesarano ne souffrait pas, contrairement à ce que tu dis, de trop de dialectique (même hégélienne), mais de pas assez de dialectique. L’évolution ultérieure de Camatte et finalement son abandon de la dialectique et de la contradiction me renforcent d’ailleurs dans cette idée.
Je n’ai fait que survoler le texte de Dietrich, mais j’y ai relevé au moins une grave erreur factuelle et politique qu’il faudra lui signaler à savoir le fait que Cesarano soit mort trop tôt pour saisir toute l’importance du mouvement des années 70 et qu’il en serait resté à la critique de l’industrie culturelle. Hoss semble faire l’impasse sur l’activité de Cesarano au sein de Ludd-conseils prolétaires (avec Riccardo d’Este) pour ce qui est des groupes politiques et au sein du comité de base de la Pirelli de Milan dont il est un des activistes (les comités ne sont pas strictement composés de salariés de l’usine, ce qui este est une spécificité italienne, en partie liée à la pratique préalable de l’enquête ouvrière qui supposait ce lien13 ). Le groupe se dissout en 1971 parce qu’il ne correspond plus à rien en dehors de lui d’après Cesarano et il refuse de rejoindre Riccardo d’Este qui va créer Comontismo14 ; mais malgré son retrait de toute activité “militante”, il continuera à soutenir Riccardo au moment de l’emprisonnement de ce dernier en 1975, alors que Lotta Continua se déchaînait contre lui, allant jusqu’à le traiter de fasciste.
J’avais classé et regroupé l’activité de ces groupes (en 2008 pour la première édition du livre Mai 68 et le mai rampant italien, L’Harmattan, 2008), sous la rubrique du “communisme radical”. Hoss pourra y lire (je ne sais pas s’il a le livre) tout le contexte et les activités et questionnements de Cesarano (ça fait une vingtaine de pages qui n’ont pas été reproduites dans la nouvelle édition pourtant plus complète de 2018) car il a fallu faire des choix pour ne pas dépasser les 500 pages et un prix de vente prohibitif. Mais les limites/impasses de ces tendances sont bien explicitées, je pense, puisque je suis parti d’un texte italien proche de cette mouvance, mais autocritique (et qui citait d’ailleurs Temps critiques). En fait, si j’osais, je dirais que Cesarano a été “victime” du succès de l’opéraïsme qui, comme le dit Oreste Scalzone dans ses “Notes en marge” de mon livre sur l’opéraïsme à venir (L’opéraïsme au crible du temps), les pratiques et idées de ces groupes communistes radicaux ont été recouvertes si ce n’est enterrées par “la théorie de son temps” c’est-à-dire, en Italie, l’opéraïsme, théorie de l’autonomie ouvrière (là c’est moi qui parle). Et s’il y a quelque chose de juste dans ce que dit Dietrich sur la mort trop précoce de Cesarano, c’est que le 77′ lui aurait sûrement redonné du baume au cœur dans la mesure où on y retrouvait le double mouvement que nous avion déjà signalé pour le mai 68 français, à savoir la coexistence, au sein du mouvement, d’un double aspect d’un soulèvement prolétarien, certes, mais déjà au-delà de ce strict caractère prolétarien. Ce que nous appellerons plus tard, la perspective de la révolution à titre humain. »
JW
Ajout de JW
« Aujourd’hui par rapport à l’urgence climatique, certains courants se sont polarisés sur la question du rapport espèce humaine et à la nature. En particulier, quelques éléments d’Extinction Rebellion se sont intéressés au parcours d’Invariance et aux positions de Camatte. Cela rejoint ce que tu affirmes lorsque tu dis qu’aujourd’hui on commence à y voir plus clair par rapport à la perspective d’une révolution à titre humain ; c’est-à-dire l’aspiration à la communauté humaine qu’entrevoyait Cesarano.
Cependant dans ton texte, tu oublies de mentionner ce que Cesarano doit à Camatte et à Invariance ((Site : https://revueinvariance.pagesperso-orange.fr/ mais aussi l’ensemble des textes de la revue à cette adresse : http://archivesautonomies.org/spip.php?rubrique509)). D’autre part, les éditions La Tempête ont pris connaissance des thèses d’Invariance suite à notre texte Invariance quarante ans plus tard15 »
JW
Lettre de Bruno S. à Temps critiques
Pour rappeler de façon concise et précise le virage et les positions de Camatte développés déjà à partir de la série II (1973) on retrouve le concept de “l’errance de l’humanité” qui exprimait par ailleurs aussi l’inquiétude par rapport au devenir de l’espèce. Camatte disait déjà en 73, qu’à partir de sa domination réelle sur la société, le capital s’est constitué en communauté matérielle (concept de l’anthropomorphose du capital) il dépasse la valeur et la loi de la valeur. Pour Camatte, le capital réalise la désubstancialisation, la dévalorisation par le biais la diminution de quantité de travail incluse dans le produit capital ; ce concept se rapproche des positions de Temps critiques sur l’inessentialisation de la force de travail dans le procès de valorisation.
Camatte entrevoyait trois devenirs pour le MPC :
Par conséquent, nombre de thèses de Cesarano (anthropomorphose du capital, idée de machine capital/ parachèvement du capital) sont bien inspirées de Camatte et d’Invariance.
La question de la nature et du rapport avec l’espèce s’avère de plus en plus cruciale car les désastres écologiques, les problèmes environnementaux, les maladies liées à l’alimentation et à la pollution amènent cette question au cœur de l’actualité. L’homme capitalisé a perdu ces liens avec la communauté et avec la nature, il est de-venu inexpressif de par la perte de ses sens. L’émergence de l’être en lien avec la “Gemeinwesen” s’établirait avec la réconciliation entre l’espèce et la nature.
Bruno
- Cette année, les éditions La Tempête ont réédité Manuel de survie de Giorgio Cesarano dont la première édition française datait des années 1970. Cette publication a permis à certains lecteurs de prendre con-naissance de la vie et de l’œuvre de Cesarano qui restait très largement ignorée en France. Mais une insuffisante connaissance du contexte politique italien des années du Mai rampant peuvent conduire à des méprises. Nous publions ci-dessous un échange d’email entre des membres de Temps critiques à propos du texte de Dietrich Hoss qui reste d’un intérêt certain sur cette “découverte” tardive de Cesarano et de l’éventuelle portée politique de son œuvre aujourd’hui. [↩]
- http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article404 [↩]
- Giorgio Cesarano, Manuel de survie, Les Éditions de la Tempêtes, 2019 [↩]
- texte de Jacques Wajnsztejn Révolution à titre humain et tension vers la communauté humaine http://blog.tempscritiques.net/archives/2047 et mon commentaire http://blog.tempscritiques.net/archives/2124 [↩]
- Titre d’un texte de G.Cesarano (avec G.Collu) de 1972, consultable en français sur le site de la revue Invariance. Il va être réédité chez Les Editions de la Tempête en 2020 [↩]
- Apocalypse ou révolution, loc.cit. §47/48 [↩]
- G. Cesarano (avec P.Coppo et G.Fallisi), Chronique d’un bal masqué, 1974 sur le site d’Invariance, §13 [↩]
- Une actualisation de la perspective d’une intervention « avec la soudaineté d’une force qualitative assez grande pour faire sauter tout instrument de mesure » se trouve dans le récent texte de Temps Critiques « Prémisse théorique – à propos des retraites » où il est proposé de faire « un pas à côté par rapport à ce qui est attendu aussi bien par l’État que par les syndicats » lors de la rencontre du 5 décembre.(Note ajoutée après lecture du texte de Temps Critiques du 16 novembre 2019 https://lundi.am/Premisse-theorique-a-propos-des-retraites [↩]
- Karl Marx, Les manuscrits économico-philosophiques de 1844, Vrin 2007, p.184 [↩]
- Annie Le Brun, Ce qui n’a pas de prix, Stock 2018, p.22 [↩]
- Avec ce dernier mot de Cesarano s’achève la première partie de son Manuel de survie intitulée « Critique de la passivité ». Il suit une deuxième partie avec le titre « Insurrection érotique » qui mériterait à elle seule un deuxième commentaire. Ici je ne peux qu’indiquer qu’il s’agit d’une réflexion, encore une fois très approfondie, sur une dimension de la lutte dont il parla aussi Jacques Wajnsztejn dans on livre récapitulatif Mai-68 à Lyon : « Je me souviens avoir cheminé le long de la faculté, un matin où je revenais d’une tache quelconque, en compagnie de Sylvain et de Jean-Paul Laurens. Alors que nous discutions conseils ouvriers, Sylvain se mit à déclarer qu’il ne savait plus si c’était le désir de révolution qui le poussait à faire l’amour ou faire l’amour qui le poussait à désirer faire la révolution. Nous le regardâmes, quelque peu interloqués, mais cela fut ensuite partie constitutive de tout un doux mouvement qui nous porta à faire s’entremêler ce qui habituellement restait séparé. » (Editions A plus d’un titre 2018, p.13) [↩]
- https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=2759 [↩]
- C’est une différence avec la pratique de l’enquête ouvrière menée en France par les Cahiers de Mai dans laquelle le lien se faisait entre lutte interne et intervention externe censée restituer la parole ouvrière confisquée par les organisations ouvrières. [↩]
- Et plus tard rejoindre Temps critiques jusqu’à son décès. [↩]
- Quarante ans plus tard : retour sur la revue Invariance [↩]