Tous les articles du Journal de bord de février 2019

Récapitulatif des publications sur les Gilets jaunes dont celles du Journal de bord regroupées par dates sur le blog Temps critiques

Les parutions sont à lire de bas en haut pour suivre chronologiquement le mois de janvier 2019.


 



 

À propos du journal de bord

Le journal de bord est né au début du mouvement des Gilets jaunes à l’initiative de participants à la revue Temps critiques qui l’héberge sur son blog. Par la suite, des rencontres pendant les actions et une certaine perception commune pour une participation directe au mouvement ont élargi le cercle d’origine en donnant corps à une collaboration informelle entre une douzaine de personnes participant aux différentes manifestations, AG, commissions et actions et en rendant compte. Ni sociologique, ni documentaire, le journal de bord est le reflet de cette activité au sein du mouvement des Gilets jaunes. Pour exemple, les CR de manifestations compilent souvent plusieurs vues du seul fait de l’étirement des manifestations et de leur caractère évolutif et dispersé avec pour seul souci d’en rendre compte au plus près et le plus complètement possible. Mais comme nous y participons nous-mêmes ces « vues » peuvent aussi donner lieu à un ou des points de vue qui relèvent de nos interprétations subjectives et politiques que nous essayons alors de rendre collectives et cohérentes après échanges et discussions. Cet aspect est a fortiori aussi présent dans les CR d’AG où nous sommes amenés à prendre des positions, sans pour cela former un groupe Gilet jaune spécifique de plus, mais sans non plus intervenir « de l’extérieur. C’est du moins la volonté que nous avons, même si nous sommes plus dans le « mouvement » que « Gilets jaunes » proprement dit.

 



CR AG Gilets jaunes Bourse du travail de Lyon le 25 février
120-150 personnes.

Les commissions rendent compte.

La commission action fait état de la marche pour le RIC qui arrive à Lyon ce jeudi soir à 19H place Guichard. La manifestation qui suivra a été déclarée pour permettre d’assurer une sécurité minimum à des marcheurs fatigués. Petite fête conviviale prévue après.
Il y aurait eu 1500 personnes à la manifestation devant l’ONU à Genève le mercredi 20 février. Pas de délégation reçue.
Une action sous-marin de blocage des flux de marchandises est annoncée, mais sans dévoiler le fond de l’affaire, avec appel aux personnes intéressées de prendre contact avec la commission.

La commission RIC signale un tractage (texte sur le CICE ?) qui a déjà commencé sur le marché de la Croix-Rousse et sur celui de Villeurbanne. Bon accueil. A propos de tractage, celui effectué par l’UPR au cours de la manif de ce dernier samedi, rue de la République, est dénoncé comme récupération partisane qui ne doit plus se reproduire.

La commission convergence des luttes lit un tract à diffuser en direction des usines. Le tract est correct et accepté, mais quand il s’agit de savoir vers qui concrètement il sera dirigé, on s’aperçoit que l’AG n’est en contact qu’avec quelques entreprises, dont la SNCF évidemment. Difficile dans ces conditions d’en appeler à nous rejoindre et ainsi de préparer le terrain pour la prochaine manifestation du jour de grève générale annoncée par les syndicats. Il y a aussi une grève étudiante prévue, mais on ne sait rien du niveau de mobilisation et si cette grève est le début d’une lutte ou un simple appel coup d’épée dans l’eau. C’est toujours la même chose, dans « convergence des luttes », lutte est souvent de trop par rapport à la réalité et convergence un vœu pieu car qui aurait voulu converger avec les Gilets jaunes l’aurait déjà fait depuis trois mois que le mouvement a commencé. Et l’exemple des « stylos rouges » le confirme par défaut.

Un copain (longtemps cégétiste lui-même) fait remarquer que rechercher à se lier avec la base ouvrière et salariée des entreprises d’accord, mais il n’y a pas à s’adresser à des directions syndicales pour leur demander de nous soutenir. La réponse outrée d’un cégétiste sur le fait que le syndicat n’est pas l’ennemi et qu’il faut faire front tous ensemble se termine en dialogue de sourds car de toute façon, le mouvement des GJ n’a jamais eu vocation à une liaison avec les directions syndicales, sa caractéristique étant justement de ne pas être un mouvement social centré sur le travail. Il y a de nombreux syndiqués chez les GJ point.

Toujours, dans l’idée de la convergence, une manifestation des femmes pour la journée de la femme est annoncée, mais le fait qu’elle soit déclarée non mixte entraîne de nombreuses réactions hostiles dans la salle.

La commission justice annonce la mise en place d’un collectif d’avocats pour le développement de dépôts de plainte collectifs. Appel à l’aide financière pour les frais de procès. Une coordination nationale des street medics est aussi en train de se mettre en place.
Pour les actions à venir, la « marche noire » organisée par le groupe Article 35 – insurrection, au niveau interrégional, démarrera à 13H aux 24 colonnes et vise un parcours des lieux de pouvoir. Elle ne se substitue néanmoins pas au rassemblement rituel de Bellecour à 14H.
Un projet de reprise des ronds-points dans toute la France est annoncé, par exemple dans les grandes villes, à partir de nos quartiers. En l’état actuel du mouvement (pas de comités de quartier Gilets jaunes) cela apparaît comme un vœu pieu. Il vaudrait sans doute mieux se concentrer sur quelques ronds-points « tenables ».

Un projet de « ville en jaune » est aussi présenté à partir de voitures qui sillonneraient la ville (bombes de peinture ?). Dans le même ordre d’idée, des craies pourraient être utilisées pendant les manifestations afin de mieux faire connaître les slogans des Gilets jaunes. Cette action présente aussi l’avantage de ne pas encourir de poursuite judiciaire.

Ensuite la parole libre s’oriente sur le problème des manifestations, sur les meilleurs trajets à déterminer avec toujours les mêmes oppositions entre ceux qui sont pour des trajets unifiés pour montrer la force d’ensemble et ceux qui préfèrent la multiplicité des formes, débat assez vain, faisons-nous remarquer puisque chacun fait un peu « comme il le sent » et parfois avec réussite comme ce dernier samedi, ce qui limite toute ambition de l’AG à vouloir contrôler le tout. La discussion s’oriente ensuite sur les conséquences de la déclaration de manifestation pour ceux qui la font et qui pourraient en être tenus responsables. Mais en fait l’argument ne tient pas au niveau juridique et de plus, dans ce cas là, raison de plus pour continuer, sauf exception, à ne pas les déclarer. De toute façon, fait remarquer un intervenant, déclarée ou pas la manif est gazée à un moment ou un autre.

Des propositions de nouvelles commissions sans utilité évidente et correspondant plutôt à des envies individuelles sont faites (toujours la récurrence du « style Nuit debout ») et j’interviens (J) pour dire qu’il y a quand même une grande incohérence entre, d’un côté, dire en début d’AG qu’il faut que le mouvement des GJ, face aux attaques qu’il subit de toute part, se recentre sur ce qui a fait sa force à son moment le plus haut, c’est-à-dire la dimension de justice sociale et tout ce qui lui est attenant ; et puis de l’autre donner l’impression que le mouvement est surtout l’occasion de brasser de grandes (ou petites) idées.

 



 

Compte-rendu de la manifestation du 23 février à Lyon (non exhaustif)

Un tout petit millier de personnes sur la place et autour. Des membres du groupe Gilets-jaunes Lyon-centre se relaient pour dire qu’il faut enlever les gilets et se répandre rue de la République avant de les remettre. Peine perdue, la manif démarre, mais mollassonne et tourne de suite sur l’axe Nord-Sud direction nord. Nous sommes rapidement stoppés à hauteur du pont de la Guillotière. La manif descend pour emprunter la trémie qui passe en dessous. Importants gazages.

La manifestation rebrousse chemin et après des hésitations elle reprend l’axe en direction inverse vers le Sofitel. Le nombre de manifestants a enflé, mais le rythme lent et touristique de la manifestation donne l’impression de subir la stratégie des forces de l’ordre. Plusieurs fois nous essayons de prendre de vitesse la police en nous engouffrant dans les rues perpendiculaires qui donnent sur la rue Victor-Hugo, mais à chaque fois nous ne sommes qu’une cinquantaine, le gros de la manif traînasse et le temps que la jonction se fasse, les flics rappliquent et barrent le passage ou, quand ils sont en retard, ils nous bombardent à partir des positions qu’ils occupent sur le pont de l’Université, par exemple.

À hauteur de Perrache le mot d’ordre de rejoindre la Presqu’île et le Printemps place de la République pour 16 h, c’est-à-dire une demi-heure plus tard, en enlevant momentanément les gilets, circule dans la manifestation, mais cela n’empêche pas une bonne moitié de la manif de traverser le pont Gallieni en bloquant le tram et le début de l’avenue Berthelot parce que beaucoup de GJ veulent garder le gilet et aussi rester en manifestation, alors que le rendez-vous au Printemps nécessite de se disperser dans un premier temps.

Une partie du cortège passe le pont Gallieni et remonte l’avenue Berthelot. Déçu de ne pas avoir pu rejoindre la Presqu’île à cause des forces de l’ordre, le cortège se dirige vers Jean-Macé. Un container à verre est renversé et des bouteilles sont jetées sur les CRS. Arrivé à Jean-Macé, le cortège part en direction de Saxe-Gambetta. La police et les GM gazent périodiquement, se replient et laissent passer. Les GM sont dans les rues perpendiculaires au cortège et restent souvent stoïques face aux caillassages.

Un peu avant la station de métro Saxe-Gambetta, avenue Jean Jaurès, la Banque Populaire est attaquée et ces vitrines brisées par un petit groupe. Le Crédit Mutuel au carrefour Saxe-Gambetta et la BNP cours Gambetta connaîtront plus ou moins le même sort. Seules les banques ont été attaquées, il n’y aucune présence policière et les attaques semblent recueillir l’assentiment ou, au pire, l’indifférence de nombreux manifestants.

Le cortège se dirige ensuite vers Bellecour. Arrivé à Guillotière présence des CRS et de la BAC mais pas d’affrontements. Le passage sur le pont est libre.

Le cortège retourne Place Bellecour. Grand mouvement rue de la Barre, les fourgons font demi-tour sur place direction le pont, plusieurs escouades de la BAC se dirigent vers Bellecour, des GJ et autres affluent soudainement de tous les côtés, après un moment d’attente, certains s’aperçoivent que les GM ne bloquent pas la rue Émile Zola et tentent de rentrer dans l’hyper-centre par cette rue, parallèle à la rue de la République. Panique chez les GM et leur riposte ne se fait pas attendre. Gazage en masse de la rue, le cortège doit faire demi-tour. Certains manifestants décident alors de rejoindre l’autre partie des Gilets jaunes présents rue de la République depuis le début d’après-midi en enlevant le gilet.

Pour les autres, nouveau départ vers la rue de la Ré…, riposte des forces de l’ordre. Le métro est fermé, les voyageurs évacués, l’air y est irrespirable. Tout près, au niveau du pavillon des fleurs, vers 17 h 30 interpellation d’un jeune gars par 4 flics de la BAC, il est tout habillé de blanc, ils le font asseoir sur un banc, ils le menottent, et quand on lui demande de crier son nom il ne répond pas, les flics ricanent « vous voyez, il ne veut pas vous parler ». Quelqu’un explique que la police nous protège : réponse sur les 500 plaintes, les yeux crevés, etc. Ils l’embarquent direction Antonin Poncet, rejoints par 2 autres. Le groupe passe devant le supermarché de la place, sous la huée des manifestants, personne ne s’interpose… Une bouteille vole, et hop c’est reparti ! Des manifestants se réfugient au supermarché, d’autres stationnent plus haut sur la pelouse, vers le clocher de la Charité, des grenades de désencerclement pètent… des flics barrent la rue de la Charité, d’autres bougent vers la grande roue… mouvements de-ci de-là, la place Bellecour est désertée.

Malgré tout cela, mystère de la stratégie des forces de l’ordre de ce 23 février, il n’y a plus de filtrage préventif d’éventuels manifestants qui voudraient passer individuellement et tout le monde peut se retrouver place de la République, mais très progressivement.

Du côté de la rue de la République, une fois fait le plein, nous descendons vers l’Hôtel de Ville sans aucun problème, même si la police le protège. Pas de gazage, mais pas de passage évident non plus donc demi-tour en direction de Bellecour, les magasins ferment ou ont fermé.

À l’arrivée de notre cortège assez dynamique, les GM ouvrent leur cordon pour inviter le cortège à passer. Le piège est grossier, vu que de l’autre côté sur la place Bellecour cela a copieusement été gazé (comme expliqué au-dessus). La manif ne tombe pas dedans et cela permet à un certain nombre de manifestants bloqués sur Bellecour de rejoindre la rue de la Ré. Les GM s’en aperçoivent et rebloquent alors la rue.

Les gendarmes mobiles ont dressé les barrières comme les semaines précédentes, mais ils laissent entrer et sortir et discutent même avec les GJ des responsabilités des uns et des autres dans les violences récurrentes qui émaillent les manifestations. Certains ont retiré leur casque pour discuter parfois longuement. Pendant ce temps, les CRS, plus polis que d’habitude nous annoncent qu’il faut quitter la rue pour partir vers la place Bellecour.

C’est un refus de la part des manifestants. Les gendarmes mobiles ne sont pas là pour avancer mais pour fermer la rue, les policiers disparaissent alors qu’une minute auparavant ils avaient commencé à faire preuve de nervosité. Nouveau demi-tour de la manif pour un nouvel arrêt place de la République. On discute et traînasse jusqu’à ce que l’autre partie de la manif qui avait traversé le Rhône nous rejoigne. Puis les policiers se retirent à nouveau quand, fait incompréhensible, en provenance du côté Rhône de l’autre côté de la rue une voiture de police complètement isolée puisque les autres n’ont pas suivi, essaie de se frayer un chemin au milieu des manifestants. Elle est évidemment fortement chahutée, mais sans être vraiment attaquée à part une bombe à merde. Elle passe. L’atmosphère est tendue parce que quelques pierres volent, un policier fait mine de lancer une grenade alors qu’il y a des poussettes dans le coin.

La manif repart sur les Terreaux à grande vitesse. Une vitrine du Crédit lyonnais est pétée, forts gazages et début de dispersion dans les rues avoisinantes sans que les flics chargent.

Passage par les Terreaux avec une arrestation rue Joseph Serlin puis direction Vieux-Lyon. Il y a là àpeine 150 mobilisés, mais le passage par la rue Saint-Jean fait son effet. Arrêt « apéro manif » sur les marches des 24 colonnes, l’ancien tribunal de Lyon, pendant 10 minutes avant de repartir avec pour objectif la Guillotière. Passage par Bellecour où les GM sont en phase finale de remballage de tout leur matériel avec leurs camions à la queue leu leu. Les GM encore en position semblent accablés de nous revoir. Par prudence le cortège coupe vers Antonin Poncet sans problème et va passer le pont de la Guillotière pour investir la place du même nom. Il commence à faire sombre.

Le petit groupe (une centaine) bloque un moment le carrefour à la hauteur de la place du Pont. Une voiture de flic égarée dans l’embouteillage ramasse quelques cailloux et disparaît. Le groupe (GJ historiques de tous âges), jeunes de banlieues, etc. remonte le Cours de la Liberté en incendiant des poubelles et en tenant la chaussée. Il oblique à droite rue de la Part-Dieu incendie des poubelles zigzague et rencontre plus loin un véhicule de flics vide et garé. Il est défoncé et pillé. Les flics de la PAF à qui il appartient (cf. le Progrès) sortent précipitamment le sandwich à la main et constatent les dégâts.

La manif se volatilise et se reforme un peu plus loin.
Un groupe attaque les portes de sortie latérales (Bd E. Deruelle) du centre commercial (cailloux et fumigènes). Les portes sont bloquées par les vigiles. Pas un flic à l’horizon.

La manif de plus en plus petite, s’éparpille, se perd, et se retrouve à l’entrée principale de la Part-Dieu. Plusieurs cars de flics vides stationnent à proximité. Le centre est fermé et gardé par des vigiles. Des manifestants auraient attaqué et auraient été repoussés par les vigiles (?). Il est environ 20 h 30. Le centre commercial restera fermé un long moment.

Fin de déambulation vers 21 heures.

11 interpellations selon la presse.

 



 

CR de l’AG gilets jaunes Lyon du 18/02/2019

Toujours une fréquentation en baisse (120-150 personnes)

Comme annoncé dans les communications de la semaine, l’ordre du jour a été inversé et commencera par le rendu du travail des commissions ; les discussions étant renvoyées à « l’expression libre » (toujours la tendance maître d’école du groupe GJ-Lyon-centre) de la dernière demi-heure. Ce nouvel ordre est censé pacifier l’AG victime d’affrontements verbaux les dernières semaines. Louable attention si les comptes rendus des commissions ne se déroulaient pas à vitesse grand V sans intention de susciter des discussions justement. Il s’agit souvent, dans l’esprit des commissions, de se faire écouter, de faire voter et donc avaliser leur travail de la semaine.

Diverses actions sont annoncées par la commission action comme celle des « marcheurs du RIC » ou de la marche en noir du 2 mars qui a été décidée en inter-région et sera organisée par le groupe Article 35 insurrection, à la place de la manifestation traditionnelle de Bellecour le samedi. Son parcours est censé passer par des points stratégiques et significatifs de pouvoir. Rappel est fait du rassemblement de Genève devant l’ONU pour le mercredi 20 février. Covoiturage et bus sont prévus par exemple à partir de Givors. La commission renouvelle son idée de la semaine dernière qui est d’investir la rue de la République vers 16 h et sans gilet à l’origine et d’animer notre présence par musique et danse de façon à attirer du monde, discuter, faire la fête et montrer que le mouvement est pacifique. Pour ce qui est de la musique et surtout de l’idée de sono, une intervention fait justement remarquer que les manifs du samedi offrent l’intérêt, à l’inverse des manifestations syndicales et leurs traditionnels camions sono, de pouvoir être investies par des initiatives personnelles et leur relatif silence enrichi par des slogans un peu moins pauvres que les habituels « Macron démission » et « Castaner… » !

Cette initiative de se rendre directement dans la Presqu’île, sans passer par Bellecour, avait déjà été proposée la semaine dernière, mais avait rencontré un succès mitigé, du fait que beaucoup de manifestants n’étaient pas au courant (problème de « communication » entre l’AG et la masse des manifestants, mais pas que…) ou qui se trouvaient aux prises avec la police vers Confluence.

La commission communication propose d’y remédier en tractant, place Bellecour et ailleurs, pour appeler à cette action et aussi à revenir plus nombreux aux AG. Des flyers avec slogans sont aussi proposés… mais sans qu’on sache précisément quels slogans figurent dessus.

Avec la commission finance, on assiste à la chose étonnante d’une suite de dépenses qui sont proposées au vote par les différentes commissions, mais sans établissement de priorité comme si toutes les demandes étaient équivalentes et possibles à satisfaire. Elle ne présente jamais de budget précis et ne précise pas d’où vient l’argent. Quant à ceux qui votent, ça ne les engage pas vraiment puisqu’on ne sait pas dans quelle mesure ils y contribuent. À la limite celui qui vote oui n’est pas plus engagé que celui qui vote non. C’est sans doute pour ça que tous les oui l’emportent largement à chaque fois, dans une indifférence assez générale.

Interruption des restitutions des commissions. Un appel est fait pour se rendre au TGI le 19 à 14 h où une femme passe en comparution pour avoir prétendument lancé des pierres sur la police. Alors qu’elle et sa fille protégeaient un handicapé (qui lui-même fait l’objet d’une inculpation !), elles ont reçu des tirs de flashballs. L’affaire est exemplaire de la répression actuelle : après avoir porté plainte contre un policier « de couleur », mais dont elles n’ont pas relevé la plaque, elles se sont vues traitées de racistes par les policiers et plus d’une semaine plus tard convoquées à la police, où la mère apprend qu’elle est mise en examen et gardée à vue du vendredi 14 h à lundi où elle passe en comparution immédiate. Il est prévu de venir en gilets jaunes devant le tribunal et de faire le maximum de bruit.

La commission revendication, en lien avec l’arrivée des marcheurs du RIC, propose de venir les accueillir le 28 février. Une salle sera prévue. Certains dans l’assemblée demandent que le RIC fasse l’objet de plus d’explications. Une opération pédagogique de vulgarisation du RIC est envisagée. Ce qui est sûr c’est qu’aucun questionnement de son fondement n’est posé et par exemple quel type de rapport au pouvoir suppose-t-il.

Une commission débat propose l’organisation de deux… débats. Une fois dit ça, tumulte dans l’assemblée sur l’emploi du terme « débat » qui semble confus parce qu’il sonnerait forcément comme en contre-dépendance avec grand débat. Une intervenante va d’ailleurs tomber dans le piège d’un lapsus bien révélateur. Le terme de « dialogue public » est proposé faute de mieux, mais peu après, une autre précise que les échanges de ces « rencontres » seront versés sur la plate-forme du « vrai débat » qui fait concurrence à celle du « grand débat ». Retour à la case départ. Deux thèmes sont proposés, le premier sur économie et écologie se tiendra le 27 février, le second sur la dette, le 13 mars. Une salle de mairie (dans le 7e) de 65 places est censée accueillir ces débats, mais rien n’est dit sur leur forme sauf qu’il faut se préinscrire. Il semble qu’il ne soit pas prévu d’animateur ou d’intervenant, mais que les intéressés pourraient travailler en petits groupes.

Une commission convergence annonce la prochaine diffusion d’un tract devant certaines usines et lieux de travail et veut le faire voter sans le lire. Face aux réactions hostiles de l’AG, elle accepte avec mauvaise grâce d’en lire la première mouture qui, par ailleurs, aurait déjà été fortement amendée ! La lecture commence mal quand il est dit que c’est le communiqué de l’assemblée « citoyenne », mais devant les cris qui commencent à monter des travées sur la définition du citoyen, elle admet qu’assemblée populaire est plus adéquate. La première partie du texte concerne les revendications économiques, sociales… Des oubliés remarqués : les chômeurs et les handicapés !

La deuxième partie de l’AG concerne le positionnement des Gilets jaunes par rapport à la présence de fascistes. Suit tout un discours qui se veut le contrepoint des accusations du gouvernement et des médias contre le mouvement (sur le mode « non le mouvement n’est pas… et suit une énumération de tout ce qu’il n’est pas). Un intervenant dans la salle (J) se lève alors pour dire qu’un mouvement ne se définit pas par ce qu’il n’est pas, car ce serait se mettre dans la contre-dépendance par rapport au pouvoir ou par rapport à l’opinion publique dont on sait qu’elle est versatile. Il se définit par ce qu’il est et c’est ça qui fait sa force et son unité.

Nous revivons alors le même scénario que les deux semaines précédentes, mais vu l’actualité et la pression extérieure (manifestation contre l’antisémitisme prévue le lendemain), la question de se positionner en tant que Gilets jaunes face à l’antisémitisme remplace la question précédente qui était de se positionner par rapport aux fascistes. Et c’est un déferlement d’approximations sur ce point avec des personnes qui mettent en avant leur a priori idéologique (bataille sur le rapport antisémitisme/antisionisme, leur opinion sur Finkielkraut ou le fait que Collomb sera à la manifestation). On a pu entendre une personne souligner le caractère piégeux du positionnement gilet jaune. C’est-à-dire, être présent au côté des politiques à la manifestation et rentrer dans un jeu médiatique maintes fois rejeté ou ne pas y prendre part et donner des cartes à ceux qui cherchent à essentialiser le caractère antisémite du mouvement. Dans les deux cas, on est perdant. Un autre se positionna très clairement contre la figure médiatique de Finkielkraut et ses positions politiques en dénonçant sans feindre le sionisme tout en se gardant d’être antisémite. Et une intervention, peu après, reprit le même langage sur le sujet. Et à chaque fois, une hola d’applaudissements se fit entendre dans la salle… Dans les deux cas de figure, des GJ somment d’autres Gilets jaunes de se positionner idéologiquement, alors pourtant que la base et l’unité du mouvement, dès le départ, c’est « tous Gilets jaunes », avec toutes les limites que ça suppose.

Bref, une demi-heure pour entendre finalement que chacun fera comme il veut, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas de « position Gilets jaunes » par rapport à la manifestation et que chacun fera comme il l’entend.

Il a quand même été dit qu’un communiqué de 3 ou 4 lignes devra être rédigé qui dirait que les Gilets jaunes ne tomberont pas dans le piège tendu par le pouvoir. Alors qu’il semble recueillir une large approbation, aucune réponse précise n’est donnée à la proposition. Là aucun vote. Est-ce que c’est parce que trop évident ou parce que cela restera lettre morte ? La différence, entre les personnes des commissions à la tribune et la salle, réapparaît en filigrane.

Question : ce communiqué de ¾ lignes sera-t-il mentionné sur le tract ? Où fera t-il l’objet d’un envoi à la presse ?

Une commission Justice Gilets jaunes* intervient pour annoncer qu’elle met en place tous les mercredis à 18 h à 19 h, à la Bourse, une permanence où elle recueillera les témoignages des personnes qui ont eu affaire à la justice. Le but est de monter un dossier pour dénoncer et démontrer la répression qui sévit dans les tribunaux. Et à terme constituer une plainte face aux arbitraires. Cette commission suit les comparutions immédiates et en rendra compte régulièrement. Est prévue une caisse de solidarité pour aider à payer avocats et amendes.

*Pour toute information relative à cette commission : cgj@protonmail.com

 



 

Compte-rendu des manifestations Gilets jaunes à Lyon le 16 février 2019 (non exhaustif)

10 h place Guichard

Pour reprendre l’habitude de la manif le samedi matin Gilets jaunes Lyon-centre proposait de partir de la place Guichard direction des cercles et clubs de pouvoir présents à Lyon. Le point fort de cette initiative fut celui d’avoir vraiment un contenu, que ce soit au niveau des cibles dénoncées, du parcours le tout matérialisé par des pancartes, tracts et 2 banderoles : Gilets jaunes Lyon-centre et Justice sociale et fiscale. Ces dernières donnent le ton et vont accompagner la petite centaine de manifestants qui vont partir un peu avant 11 h. Le cortège s’élance avec des mégaphones recrachant des chansons détournés pour les GJ, cela empêche la reprise de slogan, mais ce samedi matin les choses commencent doucement. Remontée du cours Lafayette pour arriver au Cercle du Prisme : 8 rue Godefroy (après Foch). Point avec prise de parole, liste de quelques-uns des dirigeants partie prenante de ces cercles avec leur patrimoine connu et aussi les fonctions qu’ils occupent. On repart avec passage par le pont Morand pour arriver devant l’Hôtel-de-ville fixement gardé par des Gendarmes mobiles. Petit rappel d’un important nombre de suicides dans les rangs des forces de l’ordre, mais ont ne s’attarde pas (et l’on est pas forcément très à l’aise) avant de remonter la rue de la République.

Arrêt devant : Starbucks, MacDo, Bouygues, H&M, Printemps (qui ferme le rideau), etc. bref il n’y a que l’embarras du choix dans cette rue et l’accueil n’est pas mauvais chez les passants, d’autant plus qu’en plus de prises de parole, les tracts permettent d’entamer la conversation. C’est moins vrai lorsque l’on a affaire aux consommateurs présents dans ces enseignes… Dans la foulée le fric touché comme dédommagement pour décembre par les commerçants de cette rue est oublié, dommage. Le cortège se dirige vers la place des Jacobins pour rejoindre des « stylos rouges » mais en avance (il est 12 h passé). Les profs derrière cette initiative étaient moins qu’une poignée une demi-heure plus tard et le cortège d’origine va se diriger vers les 13 h 30 à Bellecour achevant les derniers mètres sans encombre et après avoir pique-niqué au soleil.

14 h Bellecour

En réalité les mégaphones sont de sortie. D’une part Gilets jaunes Lyon-centre va aller au 27 place Bellecour pour faire une prise de parole avec un peu près le même public qu’a l’origine de leur cortège du matin, malgré une tentative de ramener plus de monde. L’idée de revenir sur les lieux de pouvoirs est abandonnée.
Autre mégaphone qui appelle à rester discuter sur la place.
Et pour finir Lyon Bellecour va tenter un départ peu après 14 h vers les quais de Saône sans succès après avoir appelé à retirer sont argent des banques (?).

Vu le flottement et contrairement aux habitudes, le cortège n’est toujours pas parti à 14 h 15. Suite aux affrontements de la semaine dernière, les antifascistes parisiens sont venus prêter main-forte à leurs amis lyonnais. Cherchant à former un cortège antiraciste, les antifascistes apparaissent pour ce qu’ils sont : des corps étrangers au mouvement. En effet, après avoir formé un « cortège de tête » regardant en direction du Vieux-Lyon, les antifas sont pris de court : les manifestants décident de marcher dans la direction opposée, vers les quais du Rhône. L’important est que le cortège en formation prend la direction des quais du Rhône par la bien connue place Antonin-Poncet sans être vraiment aussi nombreux que ces dernières semaines : 1500 GJ. Après un virage direction Terreaux par le quai, la manif se heurte directement à un barrage avant même la rue de la Barre et le pont de la Guillotière. Au chronomètre 10 minutes de manifestation à peine et l’on est déjà bloqués. Round d’observation mais un rapide gazage donne le ton puis flux et reflux avec contact avec les forces de l’ordre tandis qu’une partie de la manif avait déjà pris l’initiative de partir dans l’autre sens. Pendant quasiment 20 minutes une partie de la manif va stagner au niveau de Gibert-Joseph dans le but d’avancer vers le nord mais va finir par prendre la direction inverse. Passage des motards dans la trémie qui fait attraction. La manif va se regrouper plus loin avec un gros point d’arrêt festif entre le quai Gailleton et le pont de l’Université avec un gazage sur le coté rue Victor-Hugo (bien gardée !), les rangs ont grossi nous sommes 2000. Enclenchement de la marche vers Perrache et l’A7. Tout cela semble mal engagé, nous avons l’impression de subir un parcours involontaire à base de blocages policiers bien tenus.

Sur l’A7 le cortège s’étend comme à l’habitude. Sur cet autoroute, une automobiliste en pleurs, panique. De bonnes âmes vont l’escorter là où les manifestants sont moins nombreux, afin qu’elle puisse s’exfiltrer. Après avoir longé l’autoroute A7, il est clair que l’ambiance est devenue électrique aux abords du parking situé près de la rue Casimir-Perrier. Les vitres de l’entrée du parking sont brisées et les manifestants décident d’attaquer la police en profitant de grillages pour se protéger des LBD. Un véhicule va se retrouver prit à partie et caillassés dans sa remonter vers le nord.
L’avant de la manifestation subit gazages et charges, tandis qu’en réaction, plus en arrière des manifestants quittent l’autoroute, passant les parapets pour se retrouver sur le quai Perrache. Dès lors il y a beaucoup de difficultés à reformer un cortège à partir de ce quai, même si beaucoup se décide à retourner sur Bellecour.

Un cortège prudent va rejoindre, difficilement, le cours Charlemagne au niveau de l’ancienne prison Saint-Paul, car les flics semblent avoir du mal à tout tenir et surtout qu’à Confluence il y a des barricades et une vraie résistance des GJ qui profitent du matériel présent.
Pour les premiers arrivés sur le cours, passage rapide par le tunnel du tram sous Perrache pour réapparaître place Carnot mais avec devant un dispositif de blocage de la rue Victor-Hugo conséquent (3-4 camions de GM dans la rue même et les gendarmes qui vont avec). Option est prise de passer par la rue Auguste-Comte. Quand aux rues donnant sur la rue Victor-Hugo elles sont gardées par les flics, prêts à en découdre. Se diffuse le mot d’ordre d’enlever les gilets jaunes pour se retrouver rue de la République. Plutôt que de tous passer par Bellecour et se retrouver bloqués là, beaucoup se dispersent dans toutes les rues possibles. Une partie ira quand même s’établir place Bellecour.

Vers 17 h une partie des GJ sont rue de la République avec leurs gilets qu’ils ressortent, nous y sommes : barrage policier ou pas ! Tandis que certains font passer le mot aux présents sur la place Bellecour que cela se regroupe rue de la Ré, les chants commencent : « nous on est là, on est là et même si Macron ne le veut pas on est là ! ». Grâce à la volonté d’attendre un maximum de monde et d’occuper l’espace, en dépit du fait que nous soyons un peu dispersés dans cette grande rue, les rangs gonflent et une sono va engendrer une envie de mouvement. Démarrage à 200, direction les Terreaux avec, tout de même, un cordon de CRS en voiture-balai. Avant la place de la Comédie sous blocus policier, le cortège fait demi-tour pour ne pas quitter la rue de la Ré. Le cortège a pu encore grossir pour avoir 300 GJ. Remontant la rue nous arrivons place de la République où une fanfare fait attraction et va engendrer, de fait, une dispersion progressive. Une partie des GJ continuent vers Bellecour tandis que le reste va stationner, notamment devant un cordon de CRS qui viennent cristalliser les énergies. Un twist est entamé devant ces CRS et l’ambiance du côté manifestants est à la fête. Cela va durer un moment jusqu’à ce que le cordon parte. Mais par la suite, entre en action la BAC, gazant le secteur qui s’est bien clairsemé, et ce même au niveau des passants. Il est quasiment 19 h.

Pendant tout ce temps du côté de Bellecour le restant de manifestation de Confluence s’est rassemblé et a été repoussé sur Antonin Poncet. Un cortège, sans gilets jaunes visibles ou presque, s’est reformé à la Guillotière à partir de l’escapade d’un groupe de jeunes très mobile qui a fait Bellecour-Saxe puis la Guillotière. Fixation assez étrange sur cette place avec des flics partout. Après un énième coup de pression policier, engagement d’une sorte de cortège sur les voies du tram direction rue de l’Université. Grosse charge des flics, quasiment sur toute la longueur entre le croisement rue de Marseille / Université et le pont de l’Université. Les flics s’arrêtent à l’entrée du pont, balancent quelques lacrymos. Ils laissent passer quelques personnes qui suivent et veulent rejoindre le groupe GJ, puis d’un coup referment et deviennent hostiles (tentatives d’arrestations…). Le cortège finit par se confondre avec les passants au niveau de ce pont, il devient difficile de distinguer ce qui se passe même pour les plus motivés. Le rapatriement sur Bellecour semble le plus logique. Des résidus de cortège passent devant le Sofitel et les flics mettent la pression, ils veulent rentrer chez eux… Ils tapent sur quelqu’un place Antonin-Poncet avant la Poste et lui ouvrent le crâne, il tombe. Impossible de réagir, les flics sont hyper agressifs et se déploient de toute part sur la place, c’est la chasse aux manifestants : mais comment nous reconnaître sans gilet ? Pour la plupart nous arrivons sur la place Bellecour, mais la dispersion, vu le nombre qui reste, est la seule issue. Il est 19 h 30.

13 interpellations selon la presse locale.

 



 

Justice Gilets Jaunes

S’en aller dans la galère des Gilets jaunes ? Eh quoi faire, de par tous les diables dans cette galère ? Oh ! Galère, galère, tu mets bien ma bourse aux galères.

(Détournement d’une réplique de Le pédant joué, de Cyrano de Bergerac 1654)

« Retirez vos mains de vos poches ! »

phrase prononcée à l’encontre d’un Gilet jaune de 60 ans par la jeune juge madame A !!

Au palais de justice, les lundis se succèdent mais les audiences sont de plus en plus caricaturales. Comment exercer la justice quand les peines ont été dictées en amont ? Quand on n’a pas de marge de manœuvre ? Et quand finalement : juge aux comparutions immédiates des gilets n’est qu’un travail alimentaire. Les juges J… et A… font le job sans plus. La plus jeune, quand un de ses assesseurs gère le dossier, repousse un peu sa chaise et se met à pianoter sur son mobile… comme une élève… c’est peut-être chiant les audiences mais elle dispose d’un droit de retrait.

Rappelons que ces dossiers instruits sur la base d’un seul document, un PV de police, c’est-à-dire d’une personne assermentée, sont considérés comme béton, incontestables ; dès lors il n’y a plus qu’à dérouler le tapis et jouer son rôle.

Ce lundi l’audience a commencé par une drôle de phrase de la juge qui s’adressait à la greffière sans la regarder : « j’aimerais quand même bien qu’on me donne un rôle aujourd’hui » (Le « rôle » est un document sur lequel le greffier porte la liste des affaires qui sont appelées à l’audience d’une Chambre du tribunal où il est affecté) : quel sens accorder ici au mot rôle ?

Les gilets jaunes ne sont jamais des personnes présumées innocentes. Dès lors qu’elles quittent la manifestation, par la force des policiers, elles sont jugées coupables : dans toutes les audiences auxquelles j’ai assisté depuis le début je n’ai jamais entendu dans un dossier un juge essayer d’établir l’innocence d’un GJ… et pour ne pas le faire tout ce que dit, le ou la prévenue, est considéré comme parole à charge. À une question de la juge ou de la procureure, la réponse non documentée, non argumentée, la réponse spontanée du GJ est immédiatement scrutée, disséquée, soupçonnée.

Des questions comme celles-ci : « pourquoi avait vous crié cette phrase ? », « Pourquoi êtes-vous venu manifester ? », « Pourquoi se promener avec un tel attirail : lunettes, casque, si on veut manifester pacifiquement ? », « Pourquoi n’êtes-vous pas parti lorsqu’on a donné l’ordre de dispersion ? », « pourquoi courriez-vous ? », « Pourquoi étiez-vous à cet endroit à ce moment précis ? »

–Je ne sais pas !! » la perplexité est considérée comme une marque de bêtise crasse, de manque de conscience, fait l’objet de moues de mépris, de regards entendus de la part de la juge, de la procureure. et de l’avocat des « policiers victimes »effectivement le tribunal joue la solidarité, le mépris de classe.

–Je suis venu·e manifester parce que je défends… ». La juge a une moue de conviction qu’elle ponctue d’un « mouuuuais » discret mais très réel, éloquent et très fréquent : elle ne supporte plus les arguments des gilets jaunes, le rappel des raisons réelles qu’ils, qu’elles, que nous avons de manifester.

–Je prends des lunettes un masque et un casque pour me protéger des violences policières mais aussi parce qu’il arrive que des projectiles… ». Il y a quelques semaines la juge Mme J. a haussé bien haut les sourcils et le ton à l’énoncé de l’idée même de violence policière déclarant même : « dans ce tribunal nous n’avons jamais eu à traiter d’une plainte de Gilet jaune contre un policier… cesser de consulter les réseaux sociaux et You Tube ». Les protestations du public n’y font rien puisqu’elle a le pouvoir de faire vider la salle dès lors qu’on lui oppose de la résistance… violence judiciaire.

–Je n’ai pu partir car tout était bouché, il y avait des barrières nous empêchant de passer (GJ qui n’est pas lyonnais), je ne pouvais repartir en arrière…». « Quand on donne l’ordre de dispersion, vous devez partir. Le PV de contexte (écrit par les policiers) confirme que l’ordre de dispersion avait été donné. Pourquoi rester, expliquez-nous…». Si le GJ hésite à répéter encore et encore la même chose, il est réellement suspecté d’intentions… (Au passage je précise que ce gilet jaune est à deux ans de la retraite, fonctionnaire depuis plus de vingt ans dans une ville voisine). L’avocate a demandé pour lui la non-inscription de ses condamnations sur son casier judiciaire ; les juges n’ont pas tranché ce sera à lui de faire la demande : je rappelle que l’article du Canard Enchaîné d’il y a deux semaines témoignait de la demande du procureur de Paris d’inscrire tous les GJ qui passaient en comparutions immédiates, même pour rien, sur les casiers des GJ… on peut donc imaginer comment ce monsieur va galérer : la demande de loi d’amnistie ce n’est pas une vue de l’esprit c’est une urgence pour plein de GJ.

–Je courrais ? Ben oui dans une manif il y a des moments où on court, d’autres où on marche…». « Quand on manifeste pacifiquement on marche monsieur, quand on court c’est qu’on a l’intention d’échapper »… no comment.

–J’étais là parce que la manif était là !». Ou encore : « j’étais en train de quitter la manif » ou mieux encore : « je ne manifeste pas j’étais de passage ». Cette dernière réplique, qui n’est pas une réponse à un magistrat, je l’ai entendue, hier dans les couloirs du palais de justice, de la part d’une personne qui samedi avait été fauchée d’une balayette, menottée et gardée à vue jusqu’à dimanche matin alors que jusque-là elle se moquait complètement des GJ. Et d’ajouter : « et je peux te dire que quand ils m’ont jeté au sol, t’as vu ma corpulence j’ai pas bougé, j’ai rien fait je voulais sortir je ne voulais pas aller en GAV (garde à vue) je n’ai dit que la vérité je me baladais et c’était pas encore l’heure de vos manifs ». Et de conclure : « mais tu vois c’est intéressant ce qui se passe au tribunal, je suis venu pour voir parce que du coup je me suis dit : y’en a peut-être d’autres comme moi des innocents »

C’est un florilège de ce qu’on entend au tribunal mais quand même hier une question était systématiquement posée comme un soupçon de délit : « pourquoi ne portiez-vous pas de Gilet jaune quand on vous a arrêté ? » Sous la pression, après 48 heures de GAV, on n’est pas toujours réactif. Du coup la personne arrêtée à 13 h, avant les manifs et loin du lieu de rassemblement, n’a pas eu le réflexe de dire qu’elle n’était pas encore en manif et comme l’intelligence de la juge va toujours à l’accusation et à la suspicion, elle fait des sous-entendus : « vous le mettez et vous l’enlevez donc », « sans votre gilet vous êtes habillé en noir », et oui les petites fonctionnaires de Kafka sont de retour. Elles ne peuvent effectivement reprocher aux Gilets jaunes que d’exister, ils ne sont coupables de rien si ce n’est de porter un gilet jaune…

Je ne veux pas jouer les cuistres en citant Cyrano de Bergerac et Kafka, j’aurais pu aussi parodier La Fontaine « si ce n’est toi c’est donc un autre Gilet jaune ». Ici on n’est pas accusé pour ce que l’on a fait mais pour ce que l’on est. Par ces citations je veux juste rappeler qu’on a déjà vécu tout cela et que ça craint…

C’est une justice d’exception qui est à l’œuvre :

Parce que les procès, aux premiers jours d’audience, étaient systématiquement ouverts avec la lecture des PV de contexte qui faisaient exclusivement état d’un climat de violence des manifestants. Aujourd’hui ces procès, qui ont oublié les violences policières, servent de référence mais ne sont plus lus.

Parce qu’on ne délivre que des peines fermes à des gens sans antécédents judiciaires

Au début des procès, après les premières manifs et jusqu’aux dénonciations insistantes de maître B, une avocate qui fait un super boulot, toutes les peines étaient assorties d’une amende de 400 euros à verser à des policiers dont les avocats ne prenaient même pas la peine d’apporter les preuves des préjudices, le PV suffisait. Du coup les avocats de la partie civile ont quittés le genre judiciaire, c’est-à-dire leur boulot, défendre et argumenter en prouvant la culpabilité du Gilet jaune incriminé, pour tomber dans le genre épidictique (la brosse à reluire), le pire pour un avocat, c’est-à-dire passer tout le temps imparti à faire l’éloge de la police, à rappeler les traumatismes psychologiques dont souffrent les bacqueux, les gendarmes, les CRS ; leurs familles. Du coup les GJ doivent payer pour ces angoisses : en un samedi un bacqueu a gagné 600 euros en se portant partie civile dans deux affaires. C’est une justice qui désigne comme victimes des personnes dont les frais de justice sont déjà pris en charge par leur administration… exceptionnelles donc, ces amendes versées tous les lundis… Hier il n’y en a pas eu.

Exceptionnelle aussi cette condamnation unique généralisée d’interdiction de venir sur Lyon ou ailleurs les week-ends pendant six mois : cette peine a pris forme au fur et à mesure des procès. On le voit ici, il s’agit d’empêcher les gens de venir manifester le samedi. Au début les juges demandaient des retraits de permis de conduire alors même, qu’on le sait, c’est un peu la nécessité de se déplacer en voiture qui a lancé le mouvement : heureusement ces demandes n’ont pas été satisfaites et sont devenues ces interdictions de territoire certains jours !!

Exceptionnelle aussi cette justice qui condamne sur des intentions qu’elle n’est pas en mesure d’évaluer puisqu’il n’y a pas d’enquête, puisque les intentions affirmées des prévenues sont méprisées.

Etc.

La mouche du tribunal
Lyon, le 11 février 2019

Annexes

En 2010, la CEDH a condamné la France pour ne pas permettre aux personnes gardées à vue de bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la procédure. Cette condamnation a mené à la réforme de la garde à vue de 2014 qui vise à mettre la procédure en conformité avec le droit européen.

Hier au tribunal, toujours la même avocate a dénoncé le traitement des personnes arrêtées ce samedi : en effet on a dissuadé les personnes en garde à vue de prendre un avocat. Argument invoqué par les services de police (éculé pour les habitués des GAV) « va falloir deux heures à un avocat pour venir, d’ici là vous serez sorti » du coup les Gilets jaunes arrêté·e·s n’ont pas appelé immédiatement un avocat et lorsque leur détention était prolongée ils/elles passaient cet appel. Du coup l’avocate est arrivée alors que l’audition de son client avait déjà commencé…

1. On nous dit que désormais les policiers sont équipés de GoPro ou l’équivalent jusqu’à ce jour les appareils sont en panne chaque fois qu’un, une avocat·e, a demandé les images. Les caméras de policiers ne pouvaient filmer car il y avait trop de gaz ou fumées… argument fallacieux démonté par l’avocate, puisque toutes les télés et journalistes et you tubeurs ont filmé nous a dit l’avocate qui avait pris soin de visionner les images proposées sur le net par des tas de gens :

2. Je rappelle qu’en cas de blessure il faut faire certifier par un médecin légiste les jours d’ITT, la gravité des blessures… (attention : ne pas confondre Arrêt de travail et Incapacité Temporaire de Travail) http://www.allo-medecins.fr/specialites/medecin-legiste-en-Lyon-069.html

3. Justice sociale : les quelques personnes précaires qui passent sont très mal considérées par le tribunal leur statut social est à charge aussi… hier un jeune homme qui a osé dire spontanément « j’ai arrêté ma mission intérimaire pour passer mon permis car j’ai quatre heures de déplacement, avec une voiture j’en aurais pour 20 minutes » a vraiment été jugé comme un délinquant social : « dans un monde où tant de gens rêvent d’avoir un emploi vous abandonnez le vôtre ». Il a beau répondre qu’il bosse pour une boîte d’intérim et que dans sa branche il retrouvera facilement du boulot, elles ne le croient pas… et comme elles n’ont rien à lui reprocher elles vont faire le procès de son engagement salarial, ça prend des proportions kafkaïennes au point que la salle s’énerve…

Oui il faut du monde au tribunal, oui il faut dénoncer cette justice au service de l’état et de la police oui il faut faire appel à un avocat lorsqu’on est interpellé, éviter de résister pour pas choper une rébellion et éviter les injures une fois qu’on est aux mains des policiers car ça se paie avec de l’argent !! Oui il faut contacter un médecin légiste quand on est blessé…

 



 

CR AG Bourse Gilets jaunes-centre Lyon, le 11/02/2019

Encore un peu moins de monde (à grande peine 200 personnes).

L’AG commence avec de nouvelles personnes à la tribune puisque les administrateurs du groupe GJ-Lyon-centre ont décidé de faire tourner, sans qu’on sache toutefois quelle est la procédure utilisée. Cela commence comme d’habitude par un rappel des opérations extérieures qui ont été peu nombreuses cette semaine. L’action devant l’ONU à Genève contre le type de répression subi par les manifestants GJ est réaffirmée, mais elle se déroule un jour de semaine le mercredi 20 février. Manifestation régionale annoncée pour le 23 février sous l’impulsion de la plupart des groupes du mouvement de la région selon une personne du groupe TEO. Pas le temps de savoir comment se prend ce type de décision.

Très rapidement on passe à la manifestation du 9 et à son bilan… qui se résume en fait à la bagarre avec les fascistes, alors que pas un mot ne sera évoqué sur l’idée saugrenue d’aller se perdre sur la rive gauche du Rhône qui nous a coupés de la presqu’île et d’une plus grande visibilité ainsi, ce qui est encore plus important, de la détermination à nous opposer fermement au blocus hebdomadaire de cette presqu’île, imposé par les forces de l’ordre.

Sûrement un membre du groupe GJ-Lyon-centre va alors lire un long communiqué censé répondre à la presse qui a insisté, un peu trop, sur la bagarre fachos/anti-fas survenue cours Lafayette. Il est à peu près sur les positions de l’appel de Commercy sur ce point. Affirmation de principe contre les groupes agressant la manifestation, mais pas de condamnation a priori de la présence de l’extrême droite à partir du moment où elle accepterait ses règles (on suppose que c’est en cela qu’elle se distinguerait des fascistes).

Brouhaha dans la salle car les auteurs du communiqué parlent de faire voter le texte après lecture et sans discussion. C’est un texte qui se veut consensuel au sens où il cherche à la fois à garder le principe antifasciste et la réalité qui est que les GJ n’en ont rien à faire de toutes ces histoires. Mais pour les anti-fa qui sont venus nombreux, ce compromis est inacceptable et en bonne pratique gauchiste ils vont se précipiter à la tribune pour monopoliser les prises de parole en disant à peu près tous la même chose, mais l’important étant de donner l’impression que c’est la parole majoritaire.

Le fait que le niveau de violence des flics ce samedi ait été particulièrement élevé est complètement occulté. L’impression contre-productive qui est donnée c’est que 50 fascistes dominent la ville de Lyon, ce qui, entre parenthèses, est exactement ce que la presse et le pouvoir veulent faire accroire.

La question du service d’ordre est à nouveau abordée, mais avec une variante. Alors qu’aux dernières AG, après fortes controverse, le principe d’un service de prévention plus que d’ordre (en effet, comment organiser un SO dans un mouvement qui refuse de fait toute direction et fait constamment dans l’improvisation ?), là on se dirige vers un SO de spécialistes, mais spécialisés soit dans le n’importe quoi (ainsi les gentils administrateurs GJ-centre demandent candidement « qui est “intéressé” pour faire le SO comme si cela relevait de “l’intérêt”, quant aux gauchistes plus ou moins staliniens de nature ou par la force des choses, ils affirment haut et fort leu expérience de la chose !).

Alors que l’opposition avec la base des GJ notamment de TEO qui campe sur le “tous gilets-jaunes” devient quasiment minoritaire vu la composition de l’assemblée, quelques paroles plus censées se font entendre, dont celle d’un réfugié chilien victime du pouvoir de la police de Pinochet et torturé à l’occasion, qui proclame que, malgré ou plutôt à cause de son expérience, il ne faut pas se tromper d’ennemi, que celui-ci ce n’est pas le fascisme et un nombre ridicule de personnes sans assise sociale, mais le pouvoir, Macron et ses flics et que seule une ligne de masse peut l’emporter contre les fascistes et la police. Il ajoute que la défense des libertés publiques doit être clairement mise en avant et donc évidemment celle de manifester.

Les anti-fas (à l’exception de deux ou trois qui sont effectivement dans le mouvement GJ), désertent alors les lieux, après avoir aidé à les vider, signe de leur absence complète d’empathie pour un mouvement que d’ailleurs ils ne comprennent pas.
Le rendu du travail des commissions peut alors commencer, mais devant une salle clairsemée :

Il est réaffirmé par la commission action l’importance de reconquérir les ronds-points pour y rétablir des lieux de discussion de proximité et de centrer les opérations d’agitation vers des lieux emblématiques de pouvoir comme les cercles bourgeois lyonnais qui regroupent les grands patrons de la région et l’establishment). Les hypermarchés doivent aussi faire l’objet d’actions ciblées comme les opérations “charriot” ; que les GJ doivent chercher à intervenir à l’université et sur les lieux de production (proposition d’un cheminot gilet jaune) pour encourager les salariés à les rejoindre.

En amont de cette commission action, un mail a circulé sur sa liste et mérite d’être reproduit car il a en partie été retranscrit par elle durant l’AG. Il expose des points assez peu soulevés jusqu’à maintenant :

1 – on tourne en rond : REPRENDRE LES RONDS POINTS.
Les manifs du samedi on leurs intérêts. Néanmoins ; manque de cible ; blocage policier permanent ; visibilité réduite car écarté du centre ville. il me semble important de montrer que le mouvement vit et de retrouver de la visibilité. c’est pourquoi il serait bien de mener des actions d’occupations de rond point à des heures de grandes affluences. A Lyon il y a 2 ronds point majeurs ou entre 16h30 et 19h00 passent des centaines de véhicules qui se répartissent ensuite dans toute la région. il s’agit du rond point du bout du parc de la Tête d’or, au transbordeur, et celui de la Doua a coté du périph et du cimetière américain. Il sont accessibles en bus. Il faut se faire voir, réoccuper les ronds points en semaine.

2 – SLOGANS
Les manifs du samedi ont la chance faramineuse d’être libérée des sonos assourdissantes des organisations syndicales qui nous casse la tête de leurs slogans et de leurs musiques. La place est donc libre à toutes les voix à toutes les initiatives… et pourtant rien ne sort de ce vide laissé, mise a part « Macron démission » et Castagner… », c’est pauvre.
On a de la colère et de la revendication, elles doivent ressortir et transparaître pendant les manifestations, une manif doit être portée par la voix du peuple, il faut occuper cet espace vide, l’enrichir et reprendre ensemble des slogans ou des chants porteurs.

3 – REVENDICATIONS .
La commission revendication a fait pas mal de boulot et il en ai ressortie pas mal de chose. Néanmoins je fais le constat que pendant les manifs du samedi, mise a part le RIC et les violences policières il n’y a pas de mots-d’ordre réels, pas de revendications claires mises en avant. Il me semble important en reprenant le travail de la commission de lister 2 ou 3 revendications majeures (phares) et de les mettre en avant ( par pancarte et slogans par exemple) afin de devenir plus audible auprès du public et des médias.

L’action de la commission poésie dans le quartier de la Basilique autour de l’hôpital et de l’EPHAD est réaffirmée afin de toucher salariés et patients, mais l’aspect technico-artistique de l’intervention n’est pas très clair, ce qui fait que son organisation reste à l’état de projet même si une réunion est prévue jeudi soir à ce sujet.

Avec la manifestation régionale du 23 février une autre est proposée dans laquelle les manifestants sortiraient avec des masques significatifs de leur opposition au pouvoir et de ne rien lâcher quant à la détermination de manifester malgré la loi anti-casseur.

G et J

 



 

CR manifestation Lyon du 9 février 2019

Le préfet a prévu les grands moyens pour ce rassemblement régional. Le vendredi ses services ont contacté les commerçants pour qu’ils suivent les consignes qui ont si bien marché à Valence le samedi précédent. Il s’agit de mettre des planches de bois de protection ou pour les cafés de réduire considérablement la taille des terrasses. Mais d’après le journal Le Progrès de samedi matin, la plupart des commerces ont refusé ce plan de guerre civile.

Confusion habituelle à 14 h place Bellecour d’où certains veulent partir de suite s’étant rassemblés depuis 13 h aux alentours. D’autres GJ sont place de la République pour occuper le cœur de la presqu’île qui nous est plus ou moins interdit depuis quelques samedis. Mais les GJ hésitant à ôter leur gilets jaunes, même pour passer les barrages de la police, ils ne sont qu’une trentaine à ce RV informel et discutent ferme sur la conduite à tenir.

La manifestation part finalement sur l’axe Nord-Sud, direction nord. On est très nombreux (5-6000) à occuper la voie de droite pendant que la police (bacqueux) en nombre défile à gauche. Sans aucune raison autre que de recevoir des insultes et quelques projectiles un gazage intense commence qui met la foule en colère. Soudain la manif tourne à droite et emprunte le pont Lafayette en direction de la Part-Dieu qui n’était pas un objectif véritable, mais un projet de trajet passant aussi dans le 6ème arrondissement. Pourquoi pas, mais c’était le risque de se trouver piégé sur la mauvaise rive du Rhône et de ne plus pouvoir revenir sur la presqu’île ou même près.

Enfin on déambule jusqu’à l’affrontement entre fachos et anti-fas au début du cours Lafayette. On ne comprend pas grand-chose des explosions si violentes que l’on croit qu’il s’agit de grenades de désencerclement, des objets volent, dont des chaussures…

Une trentaine de nazis français se replie ensuite sur le pont où ils sont protégés par la police qui gaze le pont. Ils en ressortent passablement excités et agressifs en groupe compact avec leurs ceinturons à la main. Ils portent des gilets jaunes hypercleans mais leur attitude et leurs tenues font tache par rapport à la manif. Étrangement, les flics ne leur ont pas confisqué ceinturons, bâtons et autres armes improvisées.
Une partie de la foule les insulte et les hue au milieu des autres manifestants qui soit n‘y comprennent rien, soit les dénoncent. Après un regroupement, une tentative de charge et de cassage de gueule d’individus qui leur déplaisent sur le quai, ils s’enfuient par le cours Lafayette. On ne les reverra plus. Pas mal de blessés chez eux. Ils ont dû aller se consoler à leur concert de métal nazi prévu le soir.
Avant la manif, ils ont croisé des membres connus de l’AG GJ Lyon Centre qu’ils ont menacés.

Le résultat en est que les manifestants sont comme désarçonnés par ce qui vient de se passer. La manifestation qui était dense s’étire le long du quai. Les réflexions du type excédé sont nombreuses : il faut virer ex-droite et ex-gauche des manifs ! entend-on souvent. La violence entre manifestants qui s’est exprimée effraie bon nombre de GJ qui ne sont pas là pour ça.

Un cordon de CRS essaie d’entraver le passage devant la Préfecture, mais finalement devant la masse qui avance il se retire. A hauteur du pont Wilson nous sommes une cinquantaine à essayer d’entraîner la manifestation sur le pont afin de passer de l’autre côté, car de toute façon tous les ponts risquent d’être bloqués et puisque la police s’est retirée une fois pourquoi ne pas tenter le coup ? Nous ne sommes pas suivis et la manifestation continue au rythme d’une manifestation syndicale. On ne sent plus la détermination habituelle. Place du Pont puis cours Gambetta, la manifestation s’enfonce dans le désert lyonnais qui relie les 7e et 8e arrondissements. Avant d’avoir pu atteindre le boulevard Vivier Merle énorme gazage et à peine le temps de reculer face à une avancée de CRS avant qu’arrive un second gros gazage avec tir tendu. La manif se replie et va stationner un peu là avant de décider de faire demi-tour direction la Guillotière.

Après ce retour par Saxe sans encombre, à la Fosse aux ours les grenadages reprennent pour répondre à des lancers de projectiles. Pendant que les Gendarmes mobiles font effort de sommation les unités mobiles font le sale boulot. Les manifestants refluent et occupent toutes les petites rues du quartier chinois. Après quelques affrontements sporadiques et quelques tentatives de petites barricades et épandage de poubelles, la manifestation reprend le quai de l’université et cherche une voie de sortie. A hauteur de Perrache, certains GJ enlèvent du cortège de tête leurs gilets et passent individuellement. Mais nous restons à proximité espérant que le reste va suivre. Mais la manif est trop étirée et le piège se referme.

Je suis (J) à 20 mètres du cordon de flics côté pont avec une trentaine de GJ qui observons ce qui va se passer quand des flics descendent des camions et décident que nous n’avons pas le droit de rester sur le pont, que nous devons reculer. Devant notre refus, ils commencent à nous molester et particulièrement deux jeunes femmes qui hurlent et se débattent en disant que les flics n’ont pas le droit de les toucher. Nous résistons un moment, mais nous sommes trop peu nombreux. Une autre anecdote est racontée par L. Tout près d’un jeune garçon, une volée de GM l’ont entouré, l’ont fouillé au corps, lui ont demandé ses papiers, on a vu qu’il avait une carte de TCL.. et ils l’ont emmené entre les camions GM disposés en épis en V, de telle façon qu’on ne puisse pas l’approcher. On a crié, on a dit qu’il était là tout près de nous, un attroupement s’en est suivi, le jeune garçon tremblait de tout son corps, les GM l’ont pris en photo, on lui a crié de dire son prénom, V., a-t-il répondu, il portait un sweat jaune, une casquette noire, il a 16 ans. On nous a dit de circuler, mais on n’a pas bougé. Il fallait pas qu’on descende du trottoir. Le panier à salade est arrivé, un policier est sorti, a visité sa sacoche, l’a menotté et l’a embarqué dans le panier à salade. On lui a demandé son nom, mais on ne l’a pas entendu. Il pleurait.

Un gros GM à qui nous faisions face pendant toute cette interpellation m’a glissé doucement « madame, il était là à côté de vous, mais il a fait une connerie… » En fait il avait été repéré avec son sweat jaune par l’hélico, jet de projectile ? Et de dire aux gamins qui regardaient la scène « vous voyiez ce qui vous arrivera si vous faites des conneries »…

En tout cas le tramway est à l’arrêt et les files de voitures complètement bloquées dans l’incapacité d’emprunter l’avenue Berthelot. Reflux sur Perrache (17 h-17 h30) et pas loin du passage souterrain un groupe d’une quarantaine d’individus tout en noir semblent préparer un coup. Et tout à coup au moins autant de flics déboulent qui en disant c’est les fascistes et d’autres non c’est l’extrême gauche ! Ce qu’il y a de sûr c’est qu’aucun ne porte de gilet jaune, qu’il n’y a pas une femme et que je ne vois pas une tête connue. Ils se dispersent, car les flics semblent vouloir les bouffer. Par qui ont-ils été prévenus ?

Comme le pont Gallieni est fermé, le restant de manif part sur l’avenue Berthelot. Un container à verre est renversé, mais ne va pas vraiment servir malgré ce qui va suivre. A l’approche du commissariat du 7ème gazage, charges diverses : la situation est confuse : ça vient de partout entre CRS et bacqueux. Certains GJ arriveront sur Jean-Macé avant d’être poursuivis par la BAC dans les rues adjacentes. Vu la dispersion et la chasse à l’homme que nous venons de vivre une seule option : direction Bellecour.

Pour ceux qui sont de retour à Bellecour. Discussions. Toutes les sorties sont gardées sans que les Gardes mobiles ne cherchent à nasser. Cela n’a d’ailleurs jamais été leur but depuis le début du mouvement contrairement à ce que craignent les « obsédés de la nasse » qui confondent manif populaire et manif gauchiste. Nous faisons, avec d’autres, courir le bruit d’un regroupement sans gilet vers les Cordeliers. La nuit tombe. Mais les manifestants bougent par grappes trop nombreuses. La police ferme toutes les entrées sans exception, laissant seulement les gens ressortir du périmètre déclaré en état de siège. Bizarrement ; les manifestants n’ont pas cherché à se rassembler en prenant le métro alors qu’il est pourtant ouvert à nouveau. L’explication ne semble pas résider dans une méconnaissance du terrain, même si de nombreux manifestants ne sont pas de la région. C’est surtout que les GJ forment un véritable mouvement collectif qui ne supporte pas bien, les solutions qui apparaissent comme individuelles. C’est lez même problème qu’on rencontre quand il s’agit de quitter les gilets pour se fondre dans la masse alors que les GJ veulent affirmer leur existence et leur présence.

Il y a des policiers sous différentes formes et des Gendarmes de partout, plus nombreux finalement que les quelques centaines de personnes qui restent et parmi elles beaucoup de jeunes. Visiblement des flics ont été rameutés de partout en prévision d’une grosse manifestation, car la plupart ne sont pas de la région et ne savent pas quoi répondre aux badauds qui leur demandent par où passer.

Nous nous collons aux grilles de l’entrée principale de la rue de la République. Les insultes et slogans pleuvent contre la police pendant que les GM entonnent leurs appels à la dispersion et à l’évacuation des lieux par la place Antonin Poncet. Nous résistons tant que possible puis refluons vers la place Poncet. Les cohortes de flics sont menaçantes et une tente de frapper, les manifestants répondent dans un bref contact, les flics reculent, car ils n’ont pas pour consigne de chercher le corps à corps, bien trop dangereux pour eux comme l’a montré l’épisode Dettinger à Paris. Il est 18 h 30, c’est la dispersion.

Ou c’est ce qu’on aurait pu penser, mais les GJ sont inépuisables et irréductibles. Vers 19 h 15 un regroupement s’effectue quand même à partir de la place de la République. Des manifestants de Bellecour rejoignent un groupe de GJ qui est resté tout l’après-midi sur la rue de la Ré et a rendu visite à MacDo, Starbuck et autres enseignes en provoquant discussions et fermetures de magasins. Ce groupe avait décidé de ne plus aller se faire gazer sur les quais et d’emmerder les commerces de l’hyper centre. Ils ont prévu de remettre ça la semaine prochaine.

Environ 150 personnes empruntent la rue de la République jusqu’à atteindre la place Louis Pradel et son commissariat. Charges avant d’être dispersé par des grenadages et un début de chasse à l’homme dans les petites rues de derrière l’opéra agrémenté de « rentrez chez vous » exaspérés des CRS ou simili aidé de la BAC. Là encore, le nombre de flics est dans une disproportion incroyable par rapport au nombre de manifestants.

Vers 20 h nous nous regroupons à nouveau vers Opéra. On est à peine une centaine. Plus trace de la police !!! Valse-hésitation sur le chemin à suivre pour une sorte de manifestation de nuit : St-Jean semble avoir les faveurs, mais la crainte des fascistes avec encore une altercation sur le fait qu’ils fassent ou non partie du mouvement, amène à se diriger plutôt vers les Jacobins. Il est 20 h 20. Nous décrochons : 19 gardes à vue, mais 5 ont été remis en liberté lundi faute d’infraction suffisamment caractérisée selon la presse. Des blessés, dont une jeune femme agressée par les fascistes.

Pour conclure, une des journées les plus violentes en tout point que nous ayons connu depuis le début du mouvement.

 



 

CR de la manifestation du 5 février, Lyon.

11h30. La place Bellecour se remplit lentement avec des groupes très éclatés, Gilets-jaunes d’un côté et de l’autre, groupes cégétistes ailleurs derrière leurs drapeaux. Les organisateurs cégétistes, comme à leur habitude quand cet horaire est choisi, attendent de faire le plein avec des salariés qui débraieraient juste pour le temps du déjeuner. Le cortège gonfle et alors que des bruits avaient couru sur une possible séparation entre deux groupes de manifestants, c’est heureusement un mélange qui s’effectue, les GJ se diluant par grosses grappes au milieu des cégétistes dont certains ont les gilets rouges rayés de jaunes ou des gilets jaunes avec des collants CGT.

Nous apprenons que la presqu’île nous a été interdite (d’après Le Progrès, la CGT n’a pas compris pourquoi, mais en tout cas elle s’est rendue comme d’habitude aux ordres du préfet) et hop direction les quais de Saône, passage par rue Grenelle, Cordeliers et quais du Rhône direction Préfecture. La CGT annonce 7000 personnes avec les délégations habituelles et demande, comme d’habitude là encore, aux manifestants d’avancer pour que les derniers puissent arriver à la Préfecture. Or avancer, ce n’est pas autre chose que se disperser, d’autant que la police opère un barrage à hauteur du pont Wilson, ne laissant sortir de la manifestation qu’individuellement.

Il est environ 13h. Très rapidement certains GJ battent le rappel pour se regrouper devant le pont Wilson, afin de continuer la manifestation en passant sur la presqu’île, par celui-ci justement. Les GJ vont rester au contact du cordon de police qui, placé devant ses cars, barre le passage pendant une bonne demie heure. Plus exactement, s’il est possible de passer individuellement sur le côté droit et les cégétistes ne s’en privent pas, il est impossible de partir en manif.

Peu à peu les GJ qui se sont arrêtés pour discuter aux alentours de la Préfecture rejoignent les autres au pont Wilson.
On constate rapidement que les Gj regroupés devant les flics sont séparés de la tête du cortège syndical par une centaine de mètres de vide. Malgré leurs appels « les syndicats avec nous » « on est venu, venez aussi », ceux-ci ne bougent pas.

La ton monte au son de « Lyon, debout soulève-toi » ou « Police partout, justice nulle part » ou encore « tout le monde déteste la police », mais cela reste bon enfant. Finalement la police cède le passage, mais dans la confusion la plus totale parce qu’alors que le cordon qui fermait le quai devant le pont s’est écarté sur la gauche côté Préfecture, des policiers s’engagent à droite sur le trottoir du pont en faisant mine de charger les manifestants puisqu’ils ont la matraque à la main. Visiblement ils n’ont pas reçu les mêmes ordres que les autres et alors qu’ils sont copieusement hués on entend des dérisoires « Qu’est-ce qu’on fait chef ? » et un car de police empêché de tourner après avoir déversé son escouade, fait une marche arrière avant que le flot des manifestants ne le bloque.

On est passé. Une fois de plus la détermination a payé et a montré qu’il n’y a pas de trajet autorisé qui puisse limiter les GJ. Malheureusement il y a peu de cégétistes qui nous ont suivis. On voit que certains s’interrogent en passant devant nous, mais ils discutent entre eux et ne s’adressent pas à nous alors qu’ils pourraient très bien nous demander, au minimum ce que l’on compte faire. Certains sont de la ville de Lyon, d’autres de Bio-Mérieux avec leurs drapeaux, Arkéma, quelques boites de la chimie et des cheminots. Passage rue de la République, nous sommes 500 d’après un journaliste de France 3, mais peu après être passés rue Président E. Herriot, nous recevons des renforts des rues avoisinantes, des retardataires sûrement, des personnes qui ont appris plus tard que la manifestation se poursuivait. Ainsi, après avoir déambulé de façon dynamique et bruyante entre la Rue de La Ré, la rue Edouard Herriot, la rue Mercière, nous traversons le quai de Saône pour nous rendre à l’ancien Palais de Justice. Là les flics qui accompagnent le cortège sur les côtés, piquent un sprint sous les huées pour bloquer les grilles du palais d’injustice avant l’arrivée du gros des manifestants.

Un sit in s’improvise sur les marches pendant qu’au haut parleur un membre des GJ-Lyon centre harangue la foule sur la question de la répression qui répond par « Libérez Dettinger » ou « Que fait la police ? Ça crève les yeux ».

La manifestation repart direction place des Jacobins. Il est environ 15h. Grand moment d’hésitation entre rejoindre directement les quais du Rhône et l’axe Nord-Sud et « converger » avec les camionneurs que nous ne rencontrons jamais les samedis ou nous diriger vers Bellecour.
La manif qui s’est regroupée prend la direction de Bellecour par la rue de la Ré. Les Compagnies Départementales d’Intervention nous suivent depuis le début et se placent sur le côté.

Arrivé à Bellecour, nous découvrons la rue de La Barre investie par les cars de flics. La manif continue direction Perrache. Lorsque nous longeons la grande Poste un déploiement de la Bac nous regarde passer. Après la rue de la Charité nous empruntons la rue Victor Hugo. L’objectif serait Confluence ou l’Hôtel de Région mais aussi l’A7, le cortège à le choix. Arrivés Place Carnot, nous prendrons tout naturellement les escalators pour traverser la gare de Perrache et retrouver le Cours Charlemagne.

Un appel aux cheminots à nous rejoindre est scandé. Certains sont avec nous depuis le matin.

Tout du long de ce trajet, les flics nous ont suivis bien gentiment. Au fil de l’après-midi la présence de militants d’extrême gauche (étudiants surtout) était palpable contrairement aux derniers samedis. Ce qui est normal : comme c’est une manif syndicale, ils sont de sortie, mais ils participent à la suite au sein de la manif sauvage (CGA et CNT) alors que d’habitude on ne les voit pas les autres samedis sauf quand la manifestation était partie de la Croix-Rousse, leur « territoire ». Les fachos, eux, ne sont pas venus.

Même si les Gilets jaunes sont moins nombreux cet après-midi que le matin, ils ont tenu le pavé et avaient à cœur d’atteindre leur objectif, être là et aller où bon leur semble, montrer leur détermination … Comme il se disait dans le cortège : le samedi c’est aussi mardi dorénavant !

Arrivé cours Charlemagne celui-ci est bloqué par camions et cordons de CRS comme la rue Suchet coté gauche vers l’autoroute… Une partie de la manifestation va vouloir avancer vers l’A7 justement, mais tout le monde ne suit pas.

Bref moment de tension : un flic braque son flash ball à hauteur de visage à 5/10 m des manifestants qui bloquent le tram. Ceux-ci lui hurlent « baisse ton flash ball ». Ce qu’il fait après intervention d’un supérieur.

Après pas mal d’hésitations et une sommation à ce croisement : marche arrière toute. Passage par le tunnel du tram avec les flics qui sont bien proches et quasiment au contact avec des grappes de GJ derrière eux mais sans jamais vraiment agir de manière offensive. Passage du pont Gallieni direction Lyon 2. On y retrouve des GJ assez nombreux qui étaient en balade sur la rive gauche depuis 13h30 et qui n’avaient pas suivi le gros de la manif sur le pont Wilson.

Quelques manifestants vont entrer dans l’université.

Tout se termine entre 17h et 17h30 avec une sortie en manifestation de la fac et gazage dans rue de la Guillotière et vers le pont de la Guille. Des contrôles d’identité sont aussi effectués.

G, J, JP, Jos

 



 

Retour sur l’AG à la Bourse du travail du 04/02/2019, Lyon

La salle se remplit lentement, mais finalement avec une assistance en baisse constante par rapport au début (entre 250 et 300 personnes maximum). Cette fois le groupe Article 35-Insurrection est présent.

Est-ce d’ailleurs cette présence plus certaines critiques du fonctionnement de l’AG que nous avons transmises aux « administrateurs » du groupe GJ-centre, quoi qu’il en soit l’organisation apparaît moins « constipée » que d’habitude.

Elle commence par la mention des initiatives externes, notion sans beaucoup de sens quand il s’agit d’un mouvement qui n’a pas de centre et donc pas vraiment « d’interne ». Il est sûrement sous-entendu « externes » par rapport à GJ-centre… Sont mentionnées les actions à venir du groupe GJ-périphérie avec une AG à Feyzin ce vendredi 8 à 20 h, mais l’initiative, en situation, revient à quémander des salles aux élus dans le cadre des assemblées citoyennes, ce qui n’est pas du goût de tout le monde ; et l’intention de réoccuper TEO ; le projet GJ à vélo quadrillant les routes de Lyon, Marseille, Toulouse avec des relais dans les villes intermédiaires.

Et on passe au bilan de la semaine.

Retour d’abord sur la manif lyonnaise du samedi 2 avec toujours le problème de : où doit aller le rassemblement hebdomadaire de Bellecour et doit-il se maintenir à Bellecour à partir du moment où les forces de l’ordre nous barrent la presqu’île et que c’est pourtant là qu’il faut être visible et surtout bloquer l’activité commerciale ?

Question annexe : pourquoi aller se perdre sur l’axe Nord-Sud et gêner les automobilistes ? En fait c’est un dialogue de sourds, car justement ce samedi 2 février on a tout fait. Malgré le blocage policier on a réussi à pénétrer la Presqu’Île par ses trois grands axes menant tous de Bellecour aux Terreaux et on a aussi bloqué assez longtemps l’axe Nord-Sud pour que la police soit obligée de fermer un long moment l’autoroute. Là où le bât blesse, c’est qu’à cette action, démarrée peu après 14 h, devait se superposer une autre à 16 h, place de la République à hauteur du magasin Le Printemps. Une décision de l’AG Bourse du 28 janvier qui supposait la nécessité d’enlever les gilets jaunes pour pouvoir passer le filet policier, mais le cortège ne s’est pas « orienté » vers le quai de Saône, la rue de la République ou autres car étant bloquées, ce n’est que par les rues adjacentes et en particulier celle de l’Ancienne-Préfecture et autres que nous avons pu pénétrer la Presqu’île.

À quoi la police joue-t’elle à nous obliger ainsi à ce contournement puisque finalement les mailles de son filet étaient bien lâches : il y a-t-il eu un manque de moyens samedi dernier ? En tout cas, et contrairement à une personne qui a lourdement insisté sur le fait que les décisions de l’AG n’étaient pas suivies d’effets, qu’il n’y avait aucune organisation, il n’avait jamais été décidé d’une suite à donner au rendez-vous de la place de la République. Cela devait être le rôle de la commission action qui s’est bien réunie dans la semaine, mais d’où il n’est rien ressorti de précis sur ce point. Situation rendue encore plus floue par le fait que beaucoup de personnes avaient décidé de se rendre à Valence.

Il a fallu encore répéter, comme à chaque fois, que l’AG n’est pas représentative des GJ, mais que d’elle-même, c.’est-à-dire des présents et à la rigueur du groupe GJ-centre qui l’appelle, mais qu’il est difficile d’imposer des choses et d’organiser les personnes très nombreuses qui viennent maintenant au rendez-vous de Bellecour à 14 h quoiqu’il arrive et quoiqu’il soit décidé en amont.
Est encore fait mention d’accrochage avec des fascistes, que la manif n’est pas « safe » comme si le danger principal venait de ce côté-là alors que chaque semaine (sauf, à la rigueur, ce dernier samedi) on ne compte pas nos blessés et qu’ils ne le sont pas par les fascistes, mais bien par les flics. L’éternel SO est invoqué, mais jamais un SO pour se défendre de la police, mais pour se défendre des fascistes, comme s’ils avaient une réelle puissance de nuisance qu’il faille en faire un préalable à toute organisation de manifestation. Alors que ces interventions prétendent que c’est la présence des fascistes qui empêchent des personnes d’aller à la manifestation (une idée invérifiable), ce qui apparaît concrètement, c’est qu’elles ruinent de plus en plus les possibilités de cerner les questions importantes qui à la fois conforteraient le mouvement et l’élargiraient.

Une « administratrice » interviendra fermement, plus tard, suite à une nouvelle volonté de placer la question des fascistes au centre des discussions, en disant que l’AG a passé un communiqué très clair là-dessus à la presse, dans le sens de l’appel de Commercy et qu’on s’y tient sauf cas de violence évidente contre les personnes. Le mouvement est à tout le monde.

On reviendra sur ces questions de troubles internes à la manifestation à propos de l’attitude qu’il y aurait à avoir par rapport aux très jeunes gars des quartiers ou banlieues qui participent aux manifestations. Si certains semblent assez bien intégrés à la manifestation et mêlés à nous d’autres sont sur les bords ou devant et non seulement « joueraient » à provoquer la police, mais mettraient la manifestation en danger du fait de jets d’objets qui peuvent toucher aussi bien des GJ que des policiers. Plusieurs positions se confrontent entre ceux qui veulent à nouveau (même si ce ne sont pas les mêmes… puisque certains d’entre-eux ont même été pris pour des fascistes dans la manifestation du 26 !) mettre de l’ordre dans la manifestation, y compris par la force et ceux qui prônent la pédagogie (un groupe d’éducateurs de banlieue) qui prône plutôt explications et pédagogie et la protection de ces jeunes dont ils craignent qu’ils ne soient pris à parti par certains Gilets jaunes excédés par leurs agissements qui, selon eux, mettent en danger la manif.

Ensuite vient le tour du compte-rendu de la manifestation de Valence. Ceux qui y sont allés semblent satisfaits, qui parce que la police n’a pu l’empêcher malgré les barrages de route, qui parce que ça a été festif, qui parce que ce serait l’exemple à donner par opposition à ce qui se passe à Lyon dont la responsabilité serait à la charge d’un méchant préfet par rapport au gentil de la Drome. Un membre d’Article 35 intervient pour dire qu’il n’y a pas de bon préfet et que celui qui a fait fermer tout Valence pour qu’il n’y ait pas de dégâts, parce que les GJ débarquaient, n’a rien d’un ami des GJ.

Mais au-delà de cette passe d’armes affleure l’opposition entre GJ qui veulent que « tout se passe bien », y compris s’il le faut, en déclarant les manifestations (GJ-périphérie), mais pas forcément (certains GJ-Lyon-centre) et ceux qui pensent lutte et rapport de forces et mettent en avant que si le gouvernement et l’État ont paniqué c’est parce que le mouvement a affirmé sa détermination et que la détermination peut être violente si l’ennemi y répond.
Comme nous l’avons dit au début du compte-rendu, il y a eu des différends et des oppositions, mais pour la première fois ils ont donné lieu à des échanges immédiats et donc à une vivacité de débat qu’on n’avait pas connu jusqu’alors.

G, J, Jos

 



 

Compte-rendu de la manifestation du 02-02-2019 à Lyon (non exhaustif)

14 h place Bellecour, le rassemblement habituel qui correspond à la fois aux appels réguliers du groupe GJ-Bellecour, mais que tous les manifestants réguliers ou nouveaux ont maintenant intégré comme centre du « rond point » fixe, qu’il y a ait un appel officiel ou pas dans la mesure où ce rassemblement n’a jamais été déclaré.

Un peu de monde, malgré la « concurrence » de Valence et le temps pourri. Pour l’après midi l’AG de GJ-Lyon-centre appelait, de son côté, a à se retrouver par surprise en ayant enlevé les gilets place de la République vers 16 h 30, de façon à déjouer le blocus que la police nous impose depuis deux semaines par rapport aux trois grandes rues parallèles qui joignent Bellecour et les Terreaux et qui constituent le cœur commercial de Lyon.

En fait, devant l’absence visible de quelconques organisateurs, des discussions s’entament et des manifestants avancent l’idée d’investir immédiatement le centre, une idée relayée notamment par une personne avec un mégaphone. L’objectif devient donc de se rendre rue de la République sans le gilet pour partir du cœur de celle-ci et s’y répandre. Par contre aucun point de rassemblement dans cette rue n’est donné…

La manifestation se met alors en route en ordre dispersé, la plupart quittant les gilets jaunes d’autres non. Mais de toute façon c’est peine perdue, car les barrages de Gendarmes mobiles présents devant toutes les rues qui donnent accès à l’hyper-centre, la grande masse des manifestants se trouvent contraints de se reporter sur le quai de Saône. Toutefois, certains manifestants devaient déjà attendre rue de la République, peu avant le grand départ, puisque nous avons remarqué un groupe de gilets jaunes à l’intérieur du barrage près de la Fnac au moment ou nous tentions de trouver un accès possible.

Dès la rue de l’Ancienne-Préfecture, l’absence de force de police fait que tout le monde déboule sur la place des Jacobins. La police présente aux alentours se tient en retrait et nous laisse prendre la rue de Brest puis la rue Édouard-Herriot pendant que les premiers manifestants partis de la place Bellecour défilent parallèlement rue de la République.

La jonction s’effectue aux Terreaux direction quai de Saône, des forces de police toujours en retrait. Nous sommes nettement plus nombreux (environ 2000). Retour Bellecour, puis Antonin-Poncet puis blocage filtrant de l’axe Nord-Sud. La police n’intervient pas, les bacqueux font les bas-côtés pendant un moment puis disparaissent. Nous arrivons finalement à hauteur du Luna-Park et la police a fermé l’accès à l’autoroute. Gigantesque embouteillage. Un seul petit incident, deux ou trois cars de police essaient de passer sur le côté droit de l’axe, mais des manifestants qui se trouvent sur cette rue parallèle à l’axe leur bloquent le passage jusqu’à ce que les équipages descendent des camions en roulant des mécaniques. Cela se calme vite. Même chose devant, au barrage où tout le monde se défie du regard. Une ou deux lacrymos. L’hélicoptère fait son apparition tardive (16 h). Nous rebroussons chemin vers Bellecour via Perrache. Pendant que le gros de la manif emprunte le souterrain qui conduit au quai, d’autres passent par-dessus, vers la place Carnot puis la rue Victor-Hugo, où les manifestants ont envoyé valdinguer les petits panneaux de chantier en tôle ondulée, qui séparaient la chaussée du chantier. Puis abondant gazage, tirs à vue de LBD en visant les personnes (cibles loupées, semble-t-il, puisqu’il n’y a pas eus de blessés) et charges des bacqueux. Cela explique le nombre relativement faible de ceux qui se sont retrouvés à Bellecour, en fait un certain nombre étaient rue Victor-Hugo et dans les rues alentour. L’arrivée à Bellecour s’est faite par plusieurs endroits. Il y a eu les premiers qui sont arrivés par le quai du Rhône. Plus tard sont arrivés ceux qui avaient emprunté la rue Victor-Hugo, qui se sont fait rattraper par la Bac.

Cette arrivée à Bellecour signe un début de dispersion, (globalement on ne peut que constater que le climat a fait son œuvre. Les manifestants sont « rincés » par la pluie et la dispersion s’est effectuée au moins une heure avant l’heure habituelle des précédentes manifestations) avant que deux cents ou trois cents personnes tentent de prendre la rue Victor-Hugo en courant. Beaucoup de jeunes. Des gilets jaunes plus âgés surveillent les opérations un peu en retrait. On entend : « ils ont raison et de toute façon ça fout la merde et c’est très bien » semble remplacer le « c’est les casseurs de Bellecour » des premières semaines.

Gazage généralisé pour la première fois de la journée à Bellecour. Un ou deux blessés secourus par les street medics. Dispersion. Des bacqueux, en nombre important, semblent chasser quelques très jeunes manifestants qui se réfugient à l’intérieur du McDo. Il est 18 h 15.
La police ferme la place Bellecour au public et donne l’impression d’une ville assiégée aux touristes ou acheteurs de produits soldés. Mais assiégée par qui ? Le nom « Gilets jaunes » est sur toutes les lèvres, mais il flotte comme un mystère car beaucoup de passants n’en ont pas vu un et se retrouvent devant un dispositif totalement disproportionné.

– 6 interpellations selon la presse.

On peut quand même se poser des questions sur la stratégie de la police aujourd’hui à Lyon. Elle a été beaucoup moins offensive et donc moins violente, surtout par rapport à la semaine dernière, mais sans que son objectif soit clair puisqu’elle a mis en place dès 14 h un dispositif de camp retranché pour le cœur de la presqu’île tout en nous laissant y entrer sans tirer, pour une fois, une seule grenade. S’agissait-il alors de « terroriser » la population plutôt que de nous « terroriser » nous-mêmes ce qui semble très difficile après douze semaines ? C’est possible si le gouvernement et l’État ont décidé qu’il s’agit prioritairement d’établir un cordon de sécurité entre manifestants, finalement jugés peu nombreux et le reste de la population.

Ou alors les forces de l’ordre étaient-elles trop dégarnies vu la grosse manifestation interdépartementale de Valence, pour se livrer à leurs agissements devenus habituels ?

On laissera ça à votre réflexion.

E, G, J, Jos, M.