Comptes rendus des manifestations du 10 décembre 2019 à Lyon
Un matin lycéen
Échec du blocus à Ampère-Bourse qui avait pourtant bien marché la veille, mais gros blocus à Saint-Exupéry. Puis descente des croix-roussiens sur Ampère, traversée du Rhône pour ramasser les Édouard-Herriot et les Ampère-Saxe qui les avaient rejoints. Puis direction Rectorat devant lequel se retrouvent des JC et des étudiants. À environ 500 direction tranquille vers Jean-Macé avec arrivée en avance vers 10 h 30.
L.
Manifestation au départ de Jean-Macé
Le départ de la manifestation officielle a été fixé à 11 h 30 et non 10 h 30 comme le 5 ce qui montre que les syndicats ont anticipé une participation moindre et décalé l’horaire pour récupérer des manifestants entre midi et 14 h.
Effectivement, le cortège met du temps à se former. La CGT essaie d’organiser son service d’ordre et semble espérer prendre la tête comme à Paris, mais elle n’a pas la force d’empêcher la formation d’un cortège derrière des Gilets jaunes, lycéens et manifestants autonomes dans tous les sens du terme. On y reviendra.
Surprise, un petit nombre de pompiers en tenue, plus d’autres sans, se mettent dans les premiers rangs et fraternisent.
La manifestation démarre enfin et un fort cortège de tête se forme avec 3 ou 4000 personnes, mais un cortège trompeur, car son arrière garde composé des JC(r) et de groupes marxistes léninistes, n’est qu’une antenne jeune de la CGT organisée en bloc derrière une banderole générale à l’avant et des banderoles de côté qui enserrent le bloc suivi de près par l’UCL (fusion de la CGA et d’Alternative libertaire).
Au bout de 200 ou 300 mètres, un groupe très important de jeunes en noir et cagoulé/masqué (le plus important jamais aperçu pour Lyon, il me semble) traverse le cortège de tête et se porte à l’avant, mais en se mêlant à l’ensemble. Leur présence semble ragaillardir la tête de cortège et les Gilets jaunes les applaudissent, les pompiers leur serrent les mains.
Pas de présence policière visible sauf loin devant le cortège, mais on apprendra plus tard par un photographe que de nombreuses forces de police et de la base fourbissent leurs armes, car ils ont reçu l’ordre de défendre les banques de Saxe-Gambetta. Comme le bruit court dans le cortège de tête que la Société Générale serait visée, tout le monde doit être au courant, c’est le cas de le dire. En conséquence, tout le monde prend ses précautions et la densité de la manif est plus lâche. On voit mieux la situation, on est moins les uns sur les autres.
Les premières devantures sont taguées puis les canettes et pierres giclent sur la devanture de la banque. De nombreuses forces de l’ordre se précipitent sur le trottoir concerné pour défendre la banque. Image saisissante de la police-milice du capital comme lancent nombre de manifestants.
Les flics se sont introduits dans la manif entre le bloc de tête et la ligne des staliniens de la JC, qui en bloquant le passage, leur facilitait la tâche même s’ils n’étaient franchement pas à l’aise. Des individus du cortège de tête ont alors hurlé aux JC d’avancer afin de prendre les flics en tenaille. Certains sont allés à leur contact pour leur dire d’avancer. Ils ont été insultés et menacés. À ce moment un groupe de l’UCL est arrivé en appui au cordon sanitaire entre « organisations responsables » et l’expression autonome du mouvement.
Les policiers sont en mauvaise posture, gazent presque immédiatement et c’est l’embrasement. Les pompiers essaient de former une timide barrière « du feu », pour protéger l’avant du cortège qui pour le coup lève les bras parce qu’il y a une sorte de nasse qui s’est formée, mais peine perdue. Les ordres sont à l’offensive côté police. Ça bombarde. Néanmoins une quinzaine de policiers se trouvent tout à coup en situation d’être encerclés par des manifestants au contact. C’est alors que plusieurs groupes de bacqueux interviennent et des horions sont échangés, des grenades touchent certains manifestants et un pompier en civil est victime d’un LBD à l’épaule ; et un groupe de la BAC pourchasse les personnes en noir sur le côté gauche. Tout ce qui est noir devient un objectif même s’il n’a que peu de rapport avec les apprentis BB. Des Gilets jaunes sans gilet sont de la fuite.
Cela se calme car il faut attendre le reste de la manif. Les JC et ml tapis derrière leurs banderoles ont en effet continué à brailler leurs slogans… à 100 mètres des affrontements, bloquant ainsi le début du cortège CGT.
Nouvel arrêt à la Place du pont. La police se fait plus discrète. Les manifestants gazés récupèrent. Et on repart vers le pont de la Guille. Pas d’obstacle ni barrages, on ne se presse pas et le gros du cortège de tête arrive à hauteur de la place et s’aperçoit que toute la presqu’île nord avec ses artères commerçantes est interdite aux manifestants par les Gendarmes mobiles. La rue de la République et ses hauts grillages est délaissée et les manifestants les plus combatifs se reportent sur le camion à eau, qui bloque la rue Édouard-Herriot, et la Pizza Pino.
Après une séquence d’observation, les OVNIS sont de retour et la police y répond par des gaz et l’eau. Une ou deux charges suivent, un jeune est envoyé à terre par un coup de matraque. On le relève car la police a opté pour la mobilité, vu que la masse de la manif ne leur permet guère que de faire des incursions par l’intermédiaire de la BAC alors que les GM sont handicapés par leur matériel et procèdent simplement par petites avancées en ligne avant de regagner leur position d’origine qui répond à l’unique objectif de blocage de l’hypercentre. Résultats, ils se reçoivent un déluge de projectiles divers.
JC, ml et UCL qui ont complètement bloqué la manif à hauteur de la rue de la Barre-angle République, pour bien se distinguer des « autonomes », se mettent enfin à bouger et les manifestants en plus grand nombre peuvent atteindre le centre de la place.
Il y a là répétitions de ce qui s’est déroulé au croisement de Saxe-Gambetta.
Là, tactique quand même rarement vue pour une manif syndicale, les GM décident de suspendre les grenades et sur ceux qui leur envoient des bricoles et lancent au plus loin du milieu de la place de nouvelles grenades, dont le seul but est de hâter la dispersion du plus grand nombre de manifestants. Tactique payante.
Le camion de la CGT et des membres du service d’ordre de la CGT arrivent enfin, mais sur le côté de la place ils sont au contact d’un groupe de bacqueux qui s’en prend plein la gueule. Ils donnent l’impression de vouloir utiliser le côté du camion pour se protéger, mais ils se retrouvent au contact du SO de la CGT. Des coups sont échangés, le SO est offusqué et ses membres se mettent à s’engueuler entre eux, entre ceux qui trouvent que c’est inadmissible ce qui se passe (sous-entendu attaquer une manif syndicale et encore plus la CGT) et ceux (plus rares) qui disent que la police a bien le droit de se défendre.
Un membre du SO assez imposant qui vient de se prendre un grand coup de matraque dans le dos répond à des manifestants qui lui demandent où est le SO de la CGT et pourquoi il se laisse bousculer par la Bac, répond qu’il n’y a plus vraiment de SO organisé… et que personne ne veut plus en faire partie. Par certains côtés on ne peut que s’en réjouir, surtout nous les anciens qui avons connu les durs temps du stalinisme, mais d’un autre côté, quelle tristesse de penser qu’ils ne sont même pas capables de défendre leur camion. À part le cégétiste légèrement blessé, un Gilet jaune s’est pris une LBD sur le coude. Il est pris en charge, mais cela n’a pas l’air très grave.
Cela aura été le dernier incident de la journée. D’après la CGT, 17 000 manifestants contre les 30 000 de jeudi 5.
Des Gilets jaunes se sont donné rendez-vous vers le cheval place Bellecour pour 15 h 30, mais après une demi-heure de tour de la place, une centaine d’irréductibles sont poussés par la police qui ratisse la place finalement sans contrôle d’identité alors qu’elle les en avait menacés.
J. et J-P