A lire une correspondance avec des rédacteurs de Temps Critiques à l’initiative de Blaise qui nous introduit le sujet de la discussion dans son premier mail comme suit :
Le 31 décembre 2013
Salut à vous toutes et tous,
Vous trouverez ci-après un lien vers une interview de fRance Culture : http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-25-comment-refaire-histoire-le-collectif-a-l%E2%80%99epreuve-de-l%E2%80%99indiv
On y entend quelqu’un (Sophie Wahnich) s’exprimer avec force précision sur ce les enjeux politiques, sociétaux, individuels, collectifs et globaux dans lesquels, vous (les destinataires de ce mails) et moi, nous nous impliquons et nous sommes impliqués par le passé…
C’est riche, subtil, et chose rare, fait avec un extraordinaire esprit de synthèse. Il me semble que la clarification des choses est loin d’être superflue par ces temps qui COURENT (vers quoi ?…).
Cette clarification reste bien évidemment et heureusement subjective, comme tout le reste d’ailleurs…
D’ailleurs à propos du subjectif versus l’objectif, son concept d’universel-du-singulier me laisse perplexe. Je trouve qu’il s’agit là d’un oxymore qui génère, ou générerait, plus de confusion (destructive) que de clarification (constructive et émancipatrice). Je préfère quant à moi parler de confluences. À vous de d’entendre et de vous faire vos propres idées…
Très solidairement,
Amitiés,
Blaise
Le 1er janvier 2014
Salut,
Je trouve que sa critique de l’assembleisme naïf et de l’imaginaire anhistorique des indignés est intéressante, de même que l’antinomie (en est-ce vraiment une ?) insurrection/sécession qu’elle n’a pas le temps de développer, et c’est dommage.
Pour les reste, il y a beaucoup de verbiage universitaire.
Pour ma part, cela ne me fait pas beaucoup avancer sur la question déterminité/indeterminité qui me semble cruciale dans l’analyse du processus historique. Jusqu’à quel point le déterminisme de la raison quantificatrice peut-il céder le pas à une retemporalisation sociale, ou bien ce déterminisme est-il suffisamment puissant pour porter à son terme la catastrophe planétaire en cours ? L’histoire est création, disait CC. C’est certes vrai, mais les formes de création émergeant à telle ou telle époque ne sont-elles pas elles aussi déterminées par la pensée institutionnalisée ? En d’autre terme, peut-on aller contre le processus de connaissance rationnel et son effet spatialisant, c’es-à-dire inventer un nouveau langage dégagé des contraintes de la quantification ? J’ai un gros doute, c’est pourquoi je penche de plus en plus vers une vision déterministe. Le processus rationalisation/spatialisation dont l’origine se perd dans la nuit des temps (cf. en particulier l’hypothèse de Testart sur le prix de la fiancée) est suffisamment puissant pour englober sa propre critique et la neutraliser. Il a conduit d’autre part, par sa force réalisatrice, à un état de surpopulation qui rend à mon avis illusoire l’établissement de régulation démocratique à grande échelle.
Bernard
Le 05 janvier 2014
Bonjour à vous, et merci de me faire participer.
Pour me présenter un peu, je tiens à dire que je ne suis ni universitaire, ni marxien, ni érudit. Juste une personne qui cherche à son niveau à contribuer à l’analyse, à la recherche et à l’identification des processus de dominations. Juste une personne qui s’intéresse aux processus d’émancipations individuels et collectifs, et qui tente de s’impliquer dans certains.
Vaste quête ! Mais partagée, n’est-ce pas ?
Mon soucis avec le concept d’universel (soit-il celui « de l’universel du singulier » que semble promouvoir Sophie Wahnich), c’est par définition son essence uniformisante, donc totalisante.
On comprend pourquoi certains et certaines s’évertuent toujours à « restituer de l’universel ». Il est toujours l’outil idéologique au nom duquel on s’arme pour anéantir les idéologies des autres. Souvent ce concept d’universel est justifié par opposition binaire au « différentialisme », qui est dénoncé alors dans l’absolu par l’universalisme comme une idéologie légitimant tout et son contraire au nom de la culture locale, de la morale locale, des mœurs et des coutumes locales, etc… Mais cette dénonciation se fait dans l’absolu, c’est-à-dire justement par l’absolu lui même s’auto-justifiant comme absolu universel. Il se légitimise par lui même… On se retrouve donc là dans le schéma classique de la croyance.
Universalisme vs Différentialisme, c’ est donc une fausse antinomie. Ce sont en fait les deux faces d’une même pièce, celle d’une même croyance, celle de la croyance dans l’Absolu Universel, celle d’une même religion. Tout comme l’enfer et le paradis…
J’ai le même souci avec tous les processus de simplification des formes complexes du réel (ou des réels ?) . Les croyances éloignent du réel, ils aliènent. Bien sûr, j’identifie ces processus de simplification-là comme faisant partie intégrante de très nombreux processus de domination. Les idéologies elles aussi font partie de ces processus aliénant, uniformisant. Elles cristallisent des idées les unes aux autres, en les liant définitivement,. Les idéologies tuent la pensée en marche, le questionnement, la remise en question, le doute, etc…
Je referme là cette longue parenthèse, qui n’apprend certainement rien aux lecteurs et lectrices de ce mail, mais qui a au moins a le mérite de poser un peu les choses quant à ma manière d’appréhender d’éventuelles discussions futures…
J’en viens donc maintenant à l’intervention de Bernard dans laquelle figure la question suivante :
« peut-on aller contre le processus de connaissance rationnel et son effet spacialisant, c’est-à-dire inventer un nouveau langage dégagé des contraintes de la quantification ? »
Ici, il a certainement voulu évoquer un processus de connaissance quantifiant et rationalisant servant toujours plus l’homogénéisation d’une société capitalisée ?
Si c’est le cas, alors prétendre inventer UN SEUL nouveau langage dégagé des contraintes de la quantification, reviendrait à inventer un langage dominant. Je veux dire un langage qui tenterait de s’imposer par rapport à d’autres langages possibles eux mêmes dégagés de ces mêmes contraintes. Ce serait UN langage totalisant, uniformisé, une idéologie en somme. Ce qui reviendrait donc à remplacer un processus totalisant par un autre, une domination par une autre. Si l’on veut réellement sortir des paradigmes de la domination, il faut en tous cas sortir de ceux de l’homogénéisation et de l’uniformisation.
C’est-à-dire par exemple encourager des recherches vers plusieurs langages qui se nourriraient les uns les autres, en essayant toujours (mouvements vs cristallisation) de se rapprocher du réel (des réels ?) lui-même en mouvements… Désenchantements et pensées en marche.
D’ailleurs c’est pourquoi dans mon premier message, j’évoquais les confluences (subjectives bien sûr) comme outil d’émancipations (tout aussi subjectives), en opposition aux différentes conceptions de l’universel qui, pleines de bonnes intentions ou pas, servent toujours en tous cas, par leur essence absolutiste et totalisante, une logique impériale, une logique de domination.
Les confluences s’exprimant dans et par les localités, dans et par le tissu des réseaux locaux, dans et par des rhizomes sociétaux, qui par essence deviennent (ou pas) des espaces globalement non rationalisables, grâce à la capacité (ou pas) des sujets à élaborer, à dialoguer, à se comprendre, à s’organiser, à se conjuguer les uns, les unes avec les autres, à l’aide et en inventant ces nouveaux langages… En tout cas je pense le concept de confluences rendrait possible ce genre de processus d’émancipations, alors que jamais celui de l’universel.
À vous lire,
Blaise
Le 05 janvier 2014
Merci beaucoup,
Tout ça est passionnant.
Je vous encourage malgré votre peu de temps à écouter cette interview sur fRance Culture.
J’échange parallèlement avec Sophie Wahnich et je vous fait parvenir un extrait de notre échange
Blaise
L’extrait en question :
Le 05 janvier 2014
[…] il est juste difficile de mener des débats dans l’inter-incompréhension, mais ils ne peuvent souvent être menés qu’ainsi.
Universel singulier, c’est la possibilité de reconnaitre dnas certain événement une dimanesion qui est universelle, c’est à dire qui engage l’humanité dan son ensemble et pour longtemps, et pour autant qui prend place à un moment et à un endroit précis qui en font un événement singulier. C’est ce qu’on peut dire de la révolution française, comme universel singulier. ce n’est pas pour autant un modèle…
bien à vous,
Sophie Wahnich
Le 05 janvier 2014
J’entends votre propos et en plus j’écoute pour la troisième fois votre intervention.
Vous parlez d’événements historiques qui créeraient un saut qualitatif historique en touchant chacun des membres de l’humanité dans leur présent et leur futur et pour lesquels rien ne serait plus pareil avant et après ces événements.
Saut qualitatif = « basculement »
J’insiste tout est très précis et très instructif (Sartre, Lévi Strauss, contradiction entre moins de puissance et totale impuissance, le sujet peut rester acteur pour agir sur le basculement historique, on en est là, etc…) Je suis d’accord avec vous. J’ai vécu et participer personnellement à ce genre de processus et d’événements entre autre sur Toulouse à partir de Septembre 2010 (préparation de la rentrée sociale chaude avec le problème des retraites qui se pointe, premières assemblée populaire à une petite trentaine, puis seconde, puis troisième, puis mouvement des gueux anti-lopsi, occupation des places, des prairies, des universités par des tipis, récupération immédiate du principe d’assemblée populaire, Grosse assemblée populaire sur la place du Capitole le 15 janvier 2011 réunissant les anti-loppsi et de très nombreux et nombreuses tunisiens et tunisiennes, organisation locale et mondiale du soutien à l’insurrection en tunisie, puis en Egypte, etc, puis observation de l’évolution de tout ça après récupération et aliénation par les médias institutionels par étiquetage « printemps arabe, indignés, etc… », etc… La suite nous la connaissons, vous en parlez.
Mais pourquoi parler d’universel. Vous le dites vous même, ce terme est polysémique. Il crée donc forcément de la confusion, en plus il a une charge énorme vis-à-vis de l’histoire ou de l’Histoire. Je suis d’accord avec vous et ça me fait plaisir, mais pourquoi parler d’universel du singulier, de portée universelle, appelons un chat un chat ça, appelons ça un saut qualitatif historique majeure ou Historique si vous voulez. Ça lui enlèvera sa dimension objective indiscutable, son indiscutabilité estampillé, ça lui rendra sa charge subjective ce qui justement le rendra utilisable par toutes et tous (définition wikipedia de l’universel). L’étiquette d’universel paradoxalement affaiblit la portée de l’événement historique majeure au lieu de la lui restituer. D’ailleurs toutes les étiquettes à prétention objectives font cet effet là sur les gens qui refusent les principes de dogme et de doctrine. C’est bien avec ce genre d’étiquettes là justement que les médias institutionnels canalisent l’histoire et lui enlève de son grand H. de son poids, en influant ainsi sur les possibilités de basculements…
Voilà, j’apprécie vos analyses sensibles des mouvements et des enjeux en cours, mais je reste malgré tout perplexe.
Cordialement,
merci à vous de me donner de votre temps,
Blaise
Le 05 janvier 2014
Bonsoir,
Pour le moment je n’ai pas trop le temps de participer à fond à la discussion amorcée car je dois terminer un livre qui aborde d’ailleurs (de façon périphérique certes) ces questions de l’universalité et de l’émancipation, puisqu’il s’agit d’un texte qui critique les théories du genre. Je peux juste vous indiquez parmi les revues ou livres que je vous ai envoyé (mais je ne me rappelle plus lesquels, toutefois tout est sur le site) que le n° 14 aborde la question du rapport entre les luttes actuelles (2005-2006 à l’époque) et l’universalité et que Jacques Guigou, un des fondateurs de la revue aborde de nombreuses fois la question de l’émancipation, mais sous un angle très critique dans le cadre de la société capitalisée (Fin de la modernité et modernismes révolutionnaires dans le n°8 ; l’institution résorbée dans le n°11 ; les nostalgiques de la cité grecque dans le n°15). Et de J.Guigou toujours je vous mets en fichier joint un texte plus récent « Des émancipés anthropologiques » resté inédit sous forme papier et qui paraîtra dans le volume IV des anthologies de Temps critiques, ce printemps.
Voilà pour le moment, mais la discussion peut continuer…
Jacques WAJNSZTEJN
Le 05 janvier 2014
(…)
J’en viens donc maintenant à l’intervention de Bernard dans laquelle figure la question suivante :
« peut-on aller contre le processus de connaissance rationnel et son effet spacialisant, c’est-à-dire inventer un nouveau langage dégagé des contraintes de la quantification ? »
Ici, il a certainement voulu évoquer un processus de connaissance quantifiant et rationalisant servant toujours plus l’homogénéisation d’une société capitalisée ?
Si c’est le cas, alors prétendre inventer UN SEUL nouveau langage dégagé des contraintes de la quantification, reviendrait à inventer un langage dominant. Je veux dire un langage qui tenterait de s’imposer par rapport à d’autres langages possibles eux mêmes dégagés de ces mêmes contraintes. Ce serait UN langage totalisant, uniformisé, une idéologie en somme. Ce qui reviendrait donc à remplacer un processus totalisant par un autre, une domination par une autre. Si l’on veut réellement sortir des paradigmes de la domination, il faut en tous cas sortir de ceux de l’homogénéisation et de l’uniformisation.
C’est-à-dire par exemple encourager des recherches vers plusieurs langages qui se nourriraient les uns les autres, en essayant toujours (mouvements vs cristallisation) de se rapprocher du réel (des réels ?) lui-même en mouvements… Désenchantements et pensées en marche.
D’ailleurs c’est pourquoi dans mon premier message, j’évoquais les confluences (subjectives bien sûr) comme outil d’émancipations (tout aussi subjectives), en opposition au x différentes conceptions de l’universel qui, pleines de bonnes intentions ou pas, servent toujours en tous cas, par leur essence absolutiste et totalisante, une logique impériale, une logique de domination.
Les confluences s’exprimant dans et par les localités, dans et par le tissu des réseaux locaux, dans et par des rhizomes sociétaux, qui par essence deviennent (ou pas) des espaces globalement non rationalisables, grâce à la capacité (ou pas) des sujets à élaborer, à dialoguer, à se comprendre, à s’organiser, à se conjuguer les uns, les unes avec les autres, à l’aide et en inventant ces nouveaux langages… En tout cas je pense le concept de confluences rendrait possible ce genre de processus d’émancipations, alors que jamais celui de l’universel.
À vous lire,
Blaise
Le 06 janvier 2014
OK, Blaise, alors soyons plus précis. Ce ne sont pas les individus, aussi bien ou mal intentionnés soient-ils, qui créent le ou les langages. Ce sont, mis à part quelques variantes mineures propres à certains groupes sociaux, les sociétés dans leur ensemble. Chaque époque décline ses métaphores dominantes comme des évidences. Le changement de l’imaginaire social modifie le langage en tant qu’ensemble de métaphores signifiantes. Par exemple dans la société capitaliste, « le temps est une ressource », « le travail est productif », « la vie est un parcours destiné à atteindre des objectifs », etc, sont des métaphores structurelles dominantes.
Le langage est apparu chez l’homme, dit-on (Leroi-Gourhan) en même temps que la technique. Il est une technique et aucune technique n’est neutre, mais obéit à un rapport de force social. Mais ce n’est pas le langage en soi qui est un outil de totalisation (pas plus que la roue ou la voile), mais les métaphores qui le fondent et les buts qu’il sert. Sans entrer dans les détails, les langues pré-indoeuropéennes étaient vraisemblablement moins spatialisantes parce qu’elles ignoraient le complément d’objet et n’admettaient que des rapports entre sujets, fussent-ils des objets inanimés. La métaphore « le temps est un espace en mouvement » et « le sujet est l’acteur qui agit sur l’objet » se renforcent l’une l’autre et ont montré qu’elles pouvaient créer un vaste édifice de connaissances (la science) et couvrir le globe de réalisations techniques.
Dans la question que je posais et que tu cites : « peut-on aller contre le processus de connaissance rationnel et son effet spatialisant, c’est-à-dire inventer un nouveau langage dégagé des contraintes de la quantification ? », le « on » représentait bien sûr un collectif social et non un petit groupe d’individus qui se mettrait en tête d’inventer un nouveau langage et de l’imposer (par quels moyens ?) aux autres contre leur gré. Une société peut-elle, à l’heure actuelle, modifier ses métaphores dominantes et « déspatialiser » le langage, c’est-à-dire ne plus considérer la vie comme un parcours, mais comme un flux temporel, la connaissance comme un ensemble de données chiffrées mais comme un ensemble de savoirs expérientiels, le monde comme une « Nature » opposée à l’esprit (humain), mais comme notre corps inorganique, la morale comme une forme de comptabilité mais d’empathie, l’animal comme une machine, mais comme un être vivant à part entière, etc…
Ce qui nous ramène à une autre question, celle que je posais aussi dans mon mail : une société peut-elle, et sous quelle impulsion, remettre en question l’imaginaire de la raison quantificatrice qui a créé le monde actuel ? En d’autres termes, quel est le moteur de l’histoire ? Ce moteur peut-il échapper au déterminisme de la pensée rationnelle et spatialisante ?
Marx pensait que le moteur de l’histoire était le développement des forces productives et leur effet sur la conscience des individus (matérialisme historique). Or on voit clairement avec l’actuelle financiarisation que ce n’est pas vraiment le développement des forces productives qui mène le monde, mais la raison quantificatrice aveugle et totalement dénuée de finalité. L’économie tourne sur l’extrême rationalisation/complexification de la finance et non sur les « forces productives » qui sont même devenues des pesanteurs à éliminer. Quant à la science, elle veut des chiffres davantage que des faits ou des projets : on ne cesse de calculer le moment où il n’y aura plus assez de telle ou telle ressource, ou au contraire trop de telle substance chimique dans l’atmosphère, on envoie des satellites dans l’espace et on pose des millions de capteurs de toutes sortes à la surface de la terre pour calculer l’échéance qu’il nous reste, on soumet les gens à des techniques de plus en plus perfectionnées pour calculer leurs chances de survie, leur gènes défectueux et leurs neurones détruits, mais tout cela ne sert en fait ni à améliorer l’état du monde ni la santé des gens. La connaissance rationnelle est devenue une immense force comptable chargée d’alimenter le débit accéléré des flux.
Comment ces petits réseaux locaux et confluents dont tu parles parviendront-ils à échapper à la quantification ? Par l’ « économie solidaire » ? Par la « sortie de l’économie » ? Par l’abolition de l’échange et de la monnaie ? Du travail ? De l’école ? De la science ? De la médecine ? Les gens les mieux intentionnés ne veulent-ils pas procréer et constituer leur famille ? Planifier leur vie et échanger leurs produits ? Éduquer leurs enfants dans l’esprit de la connaissance rationnelle et leur apprendre que la vie est une lutte, un parcours en vue d’atteindre certains objectifs ? Leur ambition (comme celle, me semble-t-il, de l’historienne dont tu parles) est uniquement redistributrice, c’est-à-dire fidele à la logique qantifiante dominante.
En toute sincérité, je ne vois pas sous l’effet de quelle impulsion l’imaginaire dominant pourrait céder. Ce déterminisme de la raison quantificatrice remonte à trop loin pour que l’on puisse espérer s’en débarrasser en une génération ou deux. C’est pourquoi j’ai tendance à penser qu’il poursuivra sa logique jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la famine généralisée et les diverses pandémies prévisibles. Souhaitons que je me trompe.
Amicalement,
Bernard
Le 11 janvier 2014
Salut Bernard,
et merci d’avoir pris le temps et l’énergie pour m’expliciter ton propos,
Même si tu as fait cet effort de vulgarisation, j’ai quand même dû me farcir plusieurs relectures pendant la semaine. C’est bon, ça fait gamberger…
Mais avec plus d’explications et de mise à niveau forcément on comprend mieux, et comme tu le sais comprendre ce n’est pas accepter; Comprendre ouvre donc le débat plus qu’il ne le clôt. Et comme tu as beaucoup expliqué, j’aurais beaucoup à redire. Je vais essayer d’être synthétique.
Donc si je comprends bien ce que tu dis que :
C’est l’imaginaire social dominant, naissant d’un rapport de force social dominant, qui crée le langage, c’est-à-dire un ensemble de métaphores signifiantes (dominantes). Aujourd’hui, cet imaginaire social est dominé par la quantification aveugle, dénuée de toute finalité. Cette quantification aveugle génère dans le champs économique la folle rationalisation/complexification de la finance, qui broie et détruit tout sur son passage.
Mon soucis avec cette vision des choses c’est qu’elle se soumet à l’empire du langage dominant. Je veux dire qu’elle se soumet au strict imaginaire social dominant. Comme si du fait d’être dominant, alors seul lui existait et comptait.
Or, aujourd’hui, mon propos n’est pas de dire que cette domination et l’imaginaire qui va avec n’existent pas et ne comptent pas (je serais dans le déni), mais d’apporter une lecture complémentaire à ces processus, dont nous parlons depuis quelques jours.
Je veux dire que je ne suis pas d’accord de les réduire à celle de la vison de l’imaginaire social dominant. C’est serait comme étudier l’histoire humaine seulement et exclusivement à partir des documents officiels des pouvoirs en place.
Ce qu’il me manque dans ton explication, c’est tout le reste, tout ce qui relève du principe même d’un processus. C’est-à-dire tous les autres « moteurs ». En quelque sorte, il me manque ce que j’appellerais les négatifs de cette imaginaire social dominant. Ces négatifs qui pourraient être considérés (autant qu’ils puissent être identifiés rationnellement) comme les matrices des changements en cours, des processus de transformation, des processus de l’évolution.
Que la pensée dominante le veuille ou non, qu’elle les méprises ou non, ces négatifs sont là, et il fluent…
Mon propos sera donc de dire qu’à ces négatifs-là, les humains, les individus, les groupes, sont des acteurs concrets, qu’ils ont en tout cas la possibilité d’agir concrètement pour donner du sens (des sens) à ces courants, ces confluences.
C’est là où je rejoint Sophie Wahnich sur ce point. Nous ne sommes pas que les produits des déterminismes des pensées dominantes, qu’elles qu’elles soient, bien que nous le soyons aussi. À nous d’influer sur ces processus, plus ou moins adroitement ou maladroitement. Il me semble que c’est ce que tu fais (par le texte et la praxis) et moi aussi (par la praxis et par le texte).
Par ailleurs, il me semble que ces problématiques sont très contemporaines et que très nombreuses et nombreux sont celles et ceux aujourd’hui qui se penchent dessus de tout leur être. (Bien sur peut-être pas celles et ceux qui sont sur le point de crever, broyé-e-s, mais il me semble que ce n’est pas notre cas ni à toi ni à moi); Il y a là une confluence.
Amicalement,
Blaise
1 Comment for “De l’universel au singulier ou mieux ?”
Blaise
says:Salut,
voici à nouveau un lien vers fRance-culure :
http://www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-2eme-partie-la-grande-table-2eme-partie-2014-02-18
Il y est question de tous les sujets abordés ici ( http://blog.tempscritiques.net/archives/726 ), mais comme dans l’interview de Sophie Wahnich, on les aborde, on les critique, pour finalement toujours retomber dans l’entourloupe de la stratégie globale, unifiante et homogénéïsatrice, donc totalisante. En quelque sorte, on peut craindre ici encore une forme de récupération des dynamiques locales, confluentes , individuelles, collectives et émancipatrices (vis à vis de toutes les formes de dominations à identifier et à analyser) pour les aliéner et les soumettre à un espèce de nouveau pouvoir global à reconstituer (un parti, une idéologie, un universel, etc…)
En gros, je trouve que ça sent le souffre…
Amicalement,
Blaise