A propos de l’appel à une action contre les banques et l’évasion fiscale

Tract de Temps Critiques en réponse à un appel à action contre les banques et l’évasion fiscale issu de Nuit Debout Valence et dont le contenu peut être lu sur leur site.


Ce qui est à la base de cette initiative contre l’évasion fiscale est une incompréhension de ce qu’est le capital et de comment s’organisent les rapports sociaux sur cette base.

Ainsi, la finance n’est pas une excroissance monstrueuse déconnectée de l’économie, mais la base de sa dynamique depuis les XVIème et XVIIème siècle et les bulles spéculatives n’empêchent pas la finance d’investir dans les nouvelles technologies ou l’immobilier, ce qui comprend effectivement des risques qu’il faut couvrir par des systèmes d’assurance comme les subprimes. De la même façon, depuis le début des années 1970, les banques, par l’intermédiaire des comptes courants et des allocations massives de crédit sont devenues des compagnons de route des individus de la société capitalisée qui collectionnent les cartes de crédit et de consommation en tout genre. Les banques ne sont donc pas la chose des riches mais chose commune. On le voit tous les jours quand les gens paient à la caisse du supermarché avec un chèque toujours gratuit ou une carte bleue à partir d’une somme de 1 euro ou 5 ou 8 euros en fonction de critères commerciaux variables.

Nous ne sommes plus à l’époque des pauvres exclus contre des riches qui profitent. Aujourd’hui le pauvre moyen n’est pas exclu et son mode de vie est en partie modelé sur celui du riche dans le cadre de la société de consommation. Si on ne comprend pas ça on ne comprend pas le phénomène du crédit et le processus de « bancarisation » de la population. On fait alors comme si la banque était un extérieur, comme si l’Etat était un extérieur, bref, comme si on était encore au XIXème siècle avec les classes dangereuses d’un côté et les classes possédantes de l’autre … dans un pays ou plus de 50 % des ouvriers sont propriétaires de leur logement !

Les attaques contre les banques sont historiquement des attaques anti-capitalistes faisant converger les groupes d’extrême droite comme les groupes d’extrême gauche ce qui est déjà le signe de la confusion ambiante dans les périodes troublées où les frontières entre la droite et la gauche ne sont plus opérantes. Mais la question de l’évasion fiscale en rajoute une couche car c’est revendiquer une moralisation du capitalisme qui a toujours été à l’origine des fascismes exaltant le dur travail du paysan et du travailleur contre le rentier et le spéculateur, de l’ouvrier productif contre le fonctionnaire fainéant et inutile, etc. On pourrait se pencher sur tous les textes des années 1930 dénonçant ce « mauvais » capitalisme. Des films comme « L’affaire Stavisky » et « La banquière » montrent bien le processus à l’oeuvre et ses racines plus ou moins ouvertement antisémites qui ont d’ailleurs refait surface au moment de « Occupy Wall street » avec des affiches contre la banque juive (Lehmann brother’s) .

Le tract pousse même l’outrecuidance ou plus sûrement la naïveté à vouloir différencier les bonnes banques des mauvaises comme si elles n’étaient pas toutes assujetties aux mêmes réglementations. L’exemple des mutuelles d’assurance est là pour le montrer ; à l’origine le mutualisme se différenciait du capitalisme mais peu à peu les assurances mutuelles comme la MAAF, la MACIF, la MGEN se virent imposer des règles communes capitalistes par AXA, l’UAP et compagnie.

Il n’y a pas de moralisation possible du capital, il y a juste un fonctionnement et des dysfonctionnements. L’affaire Kerviel est encore là pour nous le montrer. Il y a même des gauchistes qui voudraient en faire une nouvelle affaire Dreyfus en prenant sa défense contre la vilaine Société Générale !

Il est bien évident que l’on ne peut que voir d’un bon œil une lutte contre l’évasion fiscale menée par un Etat qui cherche à recouvrer des recettes et disponibilités financières pour réaliser sa mission de service public, mais de là à en faire une revendication sociale il y a un pas qu’un mouvement social ne peut justement pas franchir sans tomber dans un populisme sans principe.

Temps critiques, le 22/06/2016

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