Quelques réponses à propos du texte d’Interventions sur l’ANI

Ci-dessous une réponse à quelques mails et interrogations parus sur Rebellyon.info en rapport à notre texte d’Interventions : Flexisécurité à la française : l’improbable régulation du rapport social capitaliste qui traite de l’Accord National Inter­pro­fes­sion­nel (ANI).

Il y a une différence entre prendre acte de l’évolution de rapports sociaux à travers les transformations des statuts de travail et dire qu’en conséquence il ne faut rien faire.

Notre texte vise premièrement à une analyse sérieuse de ces nouveaux rapports pour ne pas se satisfaire d’une lecture de type purement gauchiste et propagandiste du genre « ils veulent la guerre, ils l’auront » qui prend en fait ses désirs pour la réalité ; deuxièmement, il recherche ce qui pourrait ouvrir des perspectives de lutte qui ne soient pas tirées bureaucratiquement et artificiellement de l’idée que tous les salariés ont les mêmes intérêts comme si la perspective immédiate était celle de l’abolition du salariat, alors qu’il ne s’agit pour l’instant du moins que d’une crise du rapport salarial qui entraîne de profondes différenciations sociales et des réponses essentiellement défensives de la part des salariés. Ces différenciations, il ne s’agit pas de les nier abstraitement en faisant comme si on pouvait (et voulait !) transformer tous les salariés précaires en fonctionnaires ; enfin troisièmement, nous ne disons pas qu’il n’y a rien à faire puisque justement nous soulignons, dans le titre même du texte, « l’improbable régulation », que les dés ne sont pas encore jetés et que les pouvoirs en place sont encore loin d’avoir trouver un nouveau compromis social qui viendrait succéder à celui de l’époque fordiste. Notre perspective est donc ouverte…mais pour ne pas se tromper dans les objectifs, encore faut-il lire sérieusement le texte de l’ANI, c-à-d sans l’idée préconçue que de toute façon tout sera toujours pire, une idée qui de par son « catastrophisme » asséné peut paraître radicale, mais qui s’avère particulièrement contre-productive sur le terrain des luttes à mener, parce qu’elle conduit souvent à se satisfaire du statu quo comme si cela était déjà une grande victoire. A propos du « catastrophisme » et de ses effets pervers on peut rappeler l’exemple de la loi sur les 35 heures, à l’origine stigmatisée par les syndicats SUD et CNT parce qu’elle devait s’accompagner d’une flexibilité accrue de la force de travail, puis défendue ultérieurement par ces mêmes syndicats lorsque Sarkozy a parlé de la remettre en cause. Soit une conception linéaire et fausse de la dynamique du capital qui ne permet pas de comprendre comment ont pu se développer historiquement des phases aussi différentes que celles du capitalisme sauvage de la fin du XIXème siècle, de l’État-providence et du mode de régulation fordiste des Trente glorieuses ou celle qui a vu s’accélérer la tendance à la dérégulation depuis les années 1980, une tendance à nouveau un peu contredite depuis la crise financière de 2008. Bref, avec cette vision « boule de neige » du capital, il ne serait pas étonnant qu’il y ait demain, si l’ANI passe, des gens pour le défendre contre « pire » encore après-demain alors qu’ils l’attaquent précisément aujourd’hui!

« La défense des acquis » (bien sûr non négligeable) devient alors le paravent qui masque une hiérarchisation salariale imposée par le patronat, mais avec l’accord de la plupart des grandes organisations syndicales. Pour ne prendre que l’exemple de la Fonction publique, les grands syndicats sont toujours les plus chauds partisans des concours et des concours hiérarchisés non seulement en cadres (A, B et C), mais aussi en grades à l’intérieur de chaque cadre (FO et le SNES-FSU ont ainsi soutenu contre la réforme Allègre de 2000, le maintien des avantages horaires et financiers des agrégés du secondaire). Sur ces bases, ils s’opposent donc à toute revendication ou lutte d’intégration des contractuels ou vacataires précaires qui ne passeraient pas par les concours mais reposerait sur l’expérience professionnelle et sociale. Tout au plus certains syndicats demandent-ils que ces personnels précaires puissent bénéficier d’une passerelle réputée plus facile qui est celle des concours internes. Dans cette perspective, la proposition concrète des syndicats dans les négociations est celle qui demande la suppression des contractuels et des vacataires au profit d’une future augmentation des postes au concours…au détriment de la situation immédiate du personnel précaire qui travaillent déjà sur le terrain. (Cf. la position de la FSU Lyon 3 favorable à l’application de la Loi Sauvadet sur la titularisation des personnels contractuels qui, sous conditions, auront le droit de passer des concours « réservés »). On comprend bien alors pourquoi, depuis qu’existent des situations de précarité dans l’Éducation nationale par exemple (fin des années 1960), les auxiliaires précaires se sont organisés de façon autonome au sein de coordinations. En effet, ils ont souvent trouvé devant eux et même face à eux, non pas l’Administration, mais le SNES-FSU et des collègues titulaires majoritairement pro-concours.

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