L’Ouroboros-À teste d’Or

Il vient de sortir le premier numéro d’une revue de poésie, philosophie art plastique, critique littéraire et cinématographique… d’un véritable « luxe communal », en belle couleur jaune « Gilet Jaune » -en toute conscience de cause commune. Une invitation audacieuse au contact sensuel avec l’écrit et l’expression plastique, à contre-courant du virtuel régnant. Les éditeurs ouvrent les pages de leur « ardente revue » à la présentation de travaux « sans exercer la moindre censure idéologique ». Ils comptent avec un même « élan créateur » de tous les participants à cette aventure, que « nous voulons, pour notre part –la part du feu-, résistant voire révolutionnaire. Ainsi soufflons-nous résolument sur les braises, pour faire croître un feu créateur et purificateur…». L’équipe de la rédaction, localisée à Lyon, et les contributions au premier numéro sont largement inspirées par l’héritage de Max Schoendorff (1934-2012), peintre et créateur en 1978 du Centre international de l’estampe URDLA, et son bulletin trimestriel « …ça presse ». Il était avec Jacques Wajnsztejn, Gzavier, moi et quelques autres complices lyonnais(es) à la base de l’éphémère initiative « Journées critiques » il y a une dizaine d’années (2010-2012). Cette nouvelle revue donne l’occasion de finir l’année en beauté et ouvre des horizons enflammés pour le nouvel an.

Dietrich Hoss

Revue bi-annuelle « L’Ouroboros-À teste d’Or » N°1, sous parrainage de Jean-Claude Silbermann avec quelque trente de ses encres de Chine « héroïques », créées en 2019 sous le nom d’Une voie limpide qui, nous espérons, s’ouvre à nous… ; coédition Association de la revue L’Ouroboros/Edition A plus d’un titre, avec le soutien de la Fondation Jan Michalski, 4ième trimestre 2020, 222 p., 111 illustrations en blanc-noir et couleurs.

Prix du numéro 25.-Euros (frais de port inclus), abonnement (deux numéros) 50.- Euros, (abonnement de soutien à partir de 70.- Euros), règlement par chèque à l’ordre de « Revue L’Ouroboros » en ajoutant vos coordonnés, adresse postale: 320 rue Duguesclin, 69007 Lyon, mail : ouroboros.dard@gmail.com

Pour le moment la revue est seulement disponible en librairies à Lyon.

Comptes rendus des manifestations du 9 et 11 janvier à Lyon

Compte rendu de la manifestation syndicale du 9 janvier 2020

Rendez-vous pour départ prévu à 11h30 de la Manufacture des Tabacs

La CGT bien qu’assez en avant et nombreuse voit petit à petit un cortège de tête gonfler de façon incontrôlée. Le cortège classique lui voit des avocats se joindre de façon ostentatoire tandis que les égoutiers sont venus mettre un temps l’ambiance au-devant. Pas moins de 4000 personnes vont constituer le cortège de tête avec toujours les Gilets jaunes à la pointe suivi du black bloc, étudiants et autres quidams ne souhaitant pas être dans le cortège syndical.

La manif démarre avec plus d’une demie heure de retard sur l’horaire officiel. Les flics se font discrets malgré des contrôles et même les bacqueux, un peu trop entreprenant au niveau de la rue Rachais à Garibaldi, s’éclipsent face à une réaction de la foule. A Saxe, encadré par des GM et CRS sans qu’ait lieu un vrai contact, a lieu un peu de casse sur des banques mais ce n’est qu’après vers la rue Auguste Lacroix que les premières lacrymos sont envoyées sur un cortège qui encaisse bien et redémarre malgré des tirs de LBD.

La place de la Guillotière est sous bonne surveillance latérale et après des tags et une attaque de banque on a le droit à une salve de lacrymo à partir de la rue Mortier, vent dans le dos qui va étouffer tout l’avant du cortège de tête. Les plus en avant justement se voient donc coupés du reste de la manifestation au niveau de la place Raspail par un cordon de CRS et de la BAC. Cela ressemble plus à de l’intimidation qu’autre chose car ce cordon se retire après à peine 5 minutes de présence.

La CGT fait barrage à l’arrière pour essayer de scinder la manifestation, mais avec le retrait de forces de police le cortège se réunit, camion sono de la CGT à l’appui donnant même un instant le micro à une Gilets jaunes historique pour redonner de l’entrain aux présents.

Devant l’Hôtel Dieu, au niveau de la rue de la Barre, jets de peinture noire sur la façade. Des personnes forts aimables dans l’Hôtel Dieu font des gestes d’insultes aux manifestants qui s’échauffent et répliquent avec des projectiles. Dégagement du point d’abcès par des CRS,lacrymo à l’appui.

Tout se monde redémarre, la CGT entonnant du « Police nationale, milice du Capital » pour s’échouer tranquillement quelques mètres plus loin sur la place Bellecour bien encadrée.

 



 

Compte rendu de la manifestation du 11 janvier 2020 à Lyon

14 h Place du Maréchal-Lyautey

Manifestation intersyndicale et Gilets jaunes avec une grosse présence de la CGT tandis que les autres syndicats n’ont pas vraiment mobilisé ce samedi. La CGT à un service d’ordre, mais cela n’empêche pas du tout les Gilets jaunes et d’autres de se placer devant la tête officielle des « invités » du jour.

14 h 30 on démarre une manifestation qui comprendra jusqu’à 4000 présents avec un arrêt au beau milieu du pont Morand : par et pour le « bloc » qui se forme. Pendant ce temps les Gilets jaunes sont pour la plupart déjà de l’autre côté du pont (avançant à un tout autre rythme que les syndicats). Cela redémarre pour remonter le quai Jean-Moulin direction Bellecour comme annoncé ce qui fait que beaucoup du cortège de tête se rendent compte que la manif va être de courte durée… Mais on sent vite que du coté Gilets jaunes on a gardé ses propres pratiques avec invectives des policiers et tentative d’aller là ou il y a du monde et non des quais désertés : objectif centre de la Presqu’île ?

Première tentative dans une petite rue (rue de l’Arbre-sec ou du Bât-d’Argent ?) avortée assez rapidement, tentative de nouveau aux Cordeliers avec le premier gazage. Première embrouille aussi avec le service d’ordre de la CGT (SO qui prend sa mission d’Ordre au pied et à la lettre) et des personnes du black bloc durant la remonté du quai Jules Courmont. Nouvel échauffement rue Childebert qui ne dure pas et avec la manifestation syndicale qui continue son bonhomme de chemin comme si de rien n’était. S’enchaînent de la peinture sur l’Hôtel Dieu plus quelques tags. On tourne rue de la Barre après avoir vu que la place Antonin-Poncet était inaccessible directement, tout comme le Pont de la Guillotière barré par des barrières. Fermant l’accès à la rue Bellecordière une petite unité de CRS est là comme à portée de main. Une banderole se met bien devant eux et à son abri commencent quelques jets de projectiles. Gros gazage et on ne l’apprendra que le soir, mais une lacrymo est partie dans un appartement en hauteur face à la rue Bellecordière (une vidéo à fait le tour d’internet).

La CGT, une fois les gaz retombés, reprend son cours normal pour aller sur Bellecour.

À Bellecour une banderole qui a correctement manœuvré tout le long de la manif, avance et on se dit qu’on va tenter de repartir avec elle. Celle-ci se fixe devant la rue Émile Zola où les Gendarmes mobiles vont servir d’exutoire pendant de longues minutes, eux gazant pour se dégager. La banderole et une masse de manifestants en noir reculent vers le centre de la place Bellecour et se font rapidement attaquer par des CRS, gaz à l’appui, qui ne veulent pas les laisser se disperser trop facilement.

On se retourne et là embrouille au motif peu clair entre Gilets jaunes et cégétistes a priori du SO (?) mais assurément dont la jauge d’acceptation de pratiques qui ne sont pas les leurs à atteint, semble-t-il, le maximum aujourd’hui, alors que deux jours auparavant le camion CGT poussait au risque tout ! D’ailleurs l’incompréhension règne, car l’on voit des cégétistes faire le tour pour que tout ce monde se disperse, et ce après 2 h de manifestation grand maximum, ce qui n’est pas ce qu’entendent faire les Gilets jaunes en présence…
Un semblant de cortège hétéroclite se dirige vers la rue de la République, mais la tentative est vite avortée au profit d’une course vers Antonin Poncet. Salve de lacrymos quasi immédiate et reculade de CRS en embuscade sur la place et nouvelle tentative avec gazage derrière. Cela va stagner dans ce coin de la place Bellecour au gré de gazage et autres manœuvres tandis que tout ce monde se disperse très lentement sans avoir réussi à trouver de brèche dans le dispositif policier. Quelques-uns se rendront rue de la République sans le gilet, mais sans succès vu leur petit nombre.

Compte rendu de la manifestation « unitaire » du 14 décembre à Lyon

14h. Brotteaux

Des Gilets jaunes 400 environ blottis contre la gare des Brotteaux alors qu’une fine pluie donne le ton de la future manifestation. Pas l’ombre d’un syndicat, mais par contre des drapeaux LFI car il y aurait un appel aux partis à rejoindre cette manifestation… pourtant l’appel « unitaire », qui n’a rien d’un appel de Gilets jaunes, semblait bien permettre aux syndicats de venir, d’autant que c’est la seule vraie justification pour un parcours déposé en préfecture. Nous allons donc goûter à la convergence faite à nos dépens.

La banderole de tête portée tour à tour par des Gilets jaunes de bonne volonté à pour inscription « Pour nos droits » avec une signature : « Gilets jaunes Croix-Rousse », là aussi cela n’est pas très unitaire même au sein des Gilets jaunes.

Démarrage de la manifestation vers 14 h 20 qui semble déterminée, mais la succession des rues et des avenues vides va donner un ton mortuaire à tout cela. Aux abords de la Part-Dieu vague tentative d’avancer, mais le cortège bloque toute initiative. Passage sur l’avenue Garibaldi à proximité des Halles-Paul Bocuse bien gardées par 3 camions de GM.
Arrêt, mais on sent bien que ce n’est pas là que quelque chose pourrait se passer. Suivent des tentatives, rapidement circonscrites, de bifurcation tandis que monte chez certains la conscience que cette manifestation nous balade, au sens strict du terme. L’exaspération monte notamment au moment de quitter Garibaldi pour prendre la direction de la Guillotière. Une personne avec un mégaphone (du NPA ?) s’emploie à faire avancer tout ce monde dans la « la bonne direction » alors que la voie est libre : la combine fonctionne et cela redémarre ! Des militants du NPA sont bien présent mais qui agissent, de fait, à l’insu de tous.

Direction la Guillotière et le cortège va s’échouer devant le pont du même nom, grille devant et GM de chaque coté. Cela stagne, certains s’énervent d’une manifestation aussi calme tandis que d’autres font tourner un mot pour se rejoindre à Bellecour, mais nous n’y trouverons quasiment personne. La « balade du samedi » des Gilets jaunes est finie à 16 h 30.

On apprendra que ce type de manifestation se décide en AG interluttes avec des représentants des « Gilets jaunes ». Qui sont ces « représentants », qui ne veulent pas apparaître comme responsables de pareil cortège mortuaire, demande des éclaircissements…

Discontinuité ou fin du mouvement des Gilets Jaunes ?

Sous l’apparente continuité du mouvement des Gilets jaunes qui se manifeste par la permanence/répétition de manifestations de la part de ses irréductibles, se cache pour nous une grande discontinuité et ce sous plusieurs aspects. Même si nous avons déjà tenté d’expliciter notre approche de ce qui fut un événement qui comporte une certaine « fin 1 » nous allons préciser ce qui relève d’une transformation prenant le large par rapport à la dynamique de départ.

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Notes de bas de page :
  1. Cf. L’article « Clap de fin » du Journal de bord de Temps critiques disponible sur le blog à l’article http://blog.tempscritiques.net/archives/2231[]

Notes à partir et au-delà du livre « Vive la lutte des Gilets jaunes ! »

La diversité des approches et positions

Nous prenons appui sur un livre auto-édité d’un compagnon marxiste léniniste lyonnais pour développer quelques éléments du mouvement lyonnais. Un opuscule dont l’on doit reconnaître qu’il part d’un vrai engagement dans le mouvement des Gilets jaunes sur Lyon. En ce sens ce n’est pas une analyse coupée de la lutte. Cependant bien que nous ayons vécu des choses semblables ou/et en commun, la façon d’aborder certaines questions est assez différente de celles qui ont pris corps avec le Journal de bord et plus encore dans les textes de Temps critiques. Le ou les auteurs du livre Vive la lutte des Gilets jaunes se centrant théoriquement et pratiquement un peu à côté ou plutôt dans un autre champ que nous avons pour notre part ignoré. En effet en visant sur plusieurs pages le rôle des courants politiques qui n’ont pas mené la lutte comme les post-opéraïstes, absents du mouvement, ou encore en qualifiant des tendances issues de la FI et d’ex-Nuit Debout de « semi-anarchistes » la critique est entachée du poids politique d’un passé non critiqué, celui des organisations traditionnelles de la classe ouvrière. D’une part les échecs notamment depuis les années 70 et le pourquoi de ces échecs ne semblent pas pris en compte. D’autre part le champ de connaissance des différents courants politiques contemporains est assez réduit et plus encore pour tous les courants sortant d’une orthodoxie marxisante.

Le livre aurait gagné à recevoir les textes produits par ses auteurs durant le mouvement, donnant le ton des batailles qui ont pu être menées via ce témoignage direct de leur approche marxiste. Par exemple le tract écrit pour aider à la définition d’un fond revendicatif des Gilets jaunes sur Lyon, et qui fut ignoré par l’assemblée générale populaire de Lyon et environs (dénomination officielle) comme les écrits produits par nous même 1. En ce sens, la recherche de cadres politiques dans l’optique marxiste-léniniste s’est trouvée confrontée à des tendances purement gestionnaires, voire managériales, d’une gauche (anti-macronienne politiquement, mais macronienne d’esprit parce que branchée sur un discours « communiquant » commun) incarné par des personnes issues des Nuit Debout et de la FI dont le formalisme démocratique le dispute à une culture politique proche de zéro. Le fossé entre d’un côté, une pensée qui « positive » (comme Carrefour !) tout ce qui est fait parce que c’est fait, qui aboutit à ne faire aucun bilan au compte des FI/Fakir-Nuit Debout et de l’autre celle d’une approche dialectique issue du marxisme du XXè siècle est immense. C’est la différence entre deux mondes, l’ancien langage marxiste orthodoxe de la lutte de classes s’affrontant à un « logiciel » post-moderne sans perspective autre que de bien gérer le présent du mouvement (l’Assemblée des assemblées) et le futur proche si la victoire était au bout ; tout cela au nom du « peuple ».

Pourtant, comme eux, nous avons été présents lors d’une multitude de moments du mouvement (actions diverses ne se limitant pas aux manifestations, AG, commissions, etc.), mais notre lecture du mouvement et nos interventions ne s’intègrent à aucun de ces deux champs 2. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés pris entre deux feux.

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Notes de bas de page :
  1. Cf. Adresse à l’Assemblée Générale des Gilets jaunes de Lyon. Sur le blog dans le récapitulatif du Journal de bord du mois de mars 2019 : http://blog.tempscritiques.net/archives/2792[]
  2. Cf. Pourquoi le communisme n’est-il plus qu’une référence historique pour les membres de Temps critiques ? À l’adresse : http://tempscritiques.free.fr/spip.php?article402[]

L’éclatement

Aider au regroupement et à l’unité des différents groupes de Gilets jaunes sur Lyon et le Rhône, c’est ce à quoi le Journal de bord abrité sur le blog de Temps critiques a participé depuis deux mois parce que ce « groupe non-groupe » (il ne constituait pas un groupe de Gilets jaunes à proprement parler) a été à l’interface de groupes qui ne se reconnaissent pas dans le groupe Lyon-centre, mais qui ont pensé, dans la décrue du mouvement, la nécessité de retrouver l’unité du tous Gilets jaunes. Cela a débouché sur une AG regonflée (environ 300 personnes au lieu d’à peine 150) et à deux Commissions Action successives avec 40 personnes des différents groupes.

Cet effort a culminé avec la réunion de préparation de l’AG interdépartementale à laquelle nous avons été conviés et qui s’est terminée par un accord de principe entre les différents groupes. Dans les faits, le choix fait à la réunion de préparation, d’une alternance hebdomadaire entre AG Lyon et AG départementale a conduit à laisser chacune de ces assemblées à des groupes plus guère représentatifs que d’eux-mêmes et s’excluant mutuellement, chacun transformant son AG respective en un pré carré. Donc, finalement, reproduisant ce qui était reproché au groupe Lyon-centre : à savoir, une confiscation du mouvement.

Les conflits au sein de l’AG Bourse tant qu’elle est restée unitaire, indiquaient encore une certaine vitalité de celle-ci pendant la période où nous avions œuvré, avec d’autres, à sa mise en autogestion. Or, le projet du groupe Lyon-centre pour ce lundi 15 juillet était par contre clair : museler toute opposition à la transformation de l’AG en une caisse enregistreuse des orientations et décisions prises à Monceau-les-Mines par l’Assemblée des assemblées et, via le journal Le Progrès, se présenter comme le seul référent du mouvement pour l’extérieur, dans la mesure où il transformait son rond-point imaginaire de l’hôpital de la Croix-Rousse en un « QG » du mouvement.

Certains d’entre nous ont pensé très tôt que la forme assemblée, malgré l’existence dès l’origine de l’assemblée de Commercy, n’était pas la forme adéquate d’un mouvement qui n’a pas pris sa source en milieu urbain et qui a de suite créé ses propres lieux d’expression (ronds-points, cabanes), et d’ailleurs quand le mouvement est devenu plus urbain toutes les villes n’ont pas repris la forme assemblée, ou quand elle a été reprise ce fut tardif comme à Bordeaux (26 février) ou à Montreuil, qui semble avoir été la seule assemblée « parisienne ». À Lyon, par exemple, seul le nombre imposant (jusqu’à 5-600 personnes) et la variété des participants avec de nombreuses personnes arborant le gilet à l’intérieur de l’AG, empêchait qu’elle ne se transforme en assemblée type « Nuit debout ». Il a donc été possible de résister aux mises en commissions spécialisées et aux pratiques d’horizontalité autoritaires (tribune, ordre du jour fixé à l’avance, tour de paroles) pour faire place à la discussion et à la confrontation au sein d’une assemblée désormais mise en « autogestion ». Dans cette mesure, ce fut un creuset utile et de toute façon la répression étatique démantela dès janvier les lieux autonomes d’expression et d’action du mouvement.

De leur côté, les groupes de l’interdépartementale se sont avérés incapables, la semaine dernière, d’ouvrir à tous leur propre AG, malgré la conscience de leur isolement (le refus de Lyon-centre de les rejoindre sur l’opération anti-Macron de Lyon).

L’indifférence soudaine de tous les groupes par rapport à une Commission Action pourtant centrale était révélatrice de cette évolution. Une Commission Action devenue inutile pour les premiers, car tout aurait été dit à Monceau-les-Mines (le programme de l’été) et qu’à Lyon l’action c’est maintenant seulement la prise imaginaire d’un rond-point afin de s’y livrer à la pétitionnite contre la privatisation d’AdP ; inutile aussi pour les seconds pour qui « la résistance » passe par une organisation affinitaire de petits groupes en direction d’actions ciblées. Dans les deux cas, le caractère de masse du mouvement était sacrifié.

Devant ce constat, nous ne pouvons que nous tenir en réserve d’un mouvement, au moins à Lyon et dans le Rhône, qui n’a plus qu’un lointain rapport avec ce qu’il a été. Le souvenir de ce que nous y avons vécu est encore trop fort et présent pour le laisser entacher par des situations désagréables de tension ou d’indifférence calculée.

Cela ne préjuge pas de ce qui peut se passer ailleurs et par exemple les actions du 14 juillet à Paris ne sont pas négligeables et accréditent l’idée que des soubresauts sont encore possibles. Nous y participerons autant que possible.

Gzavier et Jacques

Regarder le train passer

Lettre aux camarades

En croisant des camarades qui peuvent avoir participé de près ou de loin à des luttes (CPE, contre-sommet type G8, Loi travail, etc.), mon implication dans un mouvement comme celui des Gilets jaunes a alimenté de récentes discussions. Des questions sont apparues et méritent qu’on s’y attarde car cela fait 5 mois que le mouvement des Gilets jaunes a commencé et la plupart de ces camarades n’ont participé à aucune des dimensions du mouvement. Il y a certes la vie : travail, enfants, etc. qui joue mais je crois qu’il y a plus.

Je vais donc aborder quelques-uns des points qui ont fait surface dans notre discussion à partir d’un premier argument :

Au début le mouvement était contre l’augmentation de l’essence à la pompe et cela ne donnait pas envie de rejoindre le mouvement.

Malgré le fait que nous avons tous des potes qui habitent hors grande agglomération, cette remarque se base sur une mécompréhension de ce qui fait la vie de bon nombre de foyers. Se déplacer dans les périphéries des villes et le rurbain, ce n’est pas prendre son vélo ou le métro pour aller dans tel ou tel endroit en un temps record, c’est prendre son véhicule à essence pour simplement vivre ou dirait un GJ, survivre. Pour la plupart des familles ce moyen de déplacement est indispensable. Que le prix de l’essence n’ait pas été compris comme un élément déclencheur pouvant amener plus loin, à ne pas circonscrire la lutte à ce point de départ, peut être compréhensible. Mais en creusant la discussion je me rends compte de tous les a priori qui se trouvent derrière ce discours : il ne fallait pas défendre ceux qui polluent et qui s’expriment dans un ras-le-bol pas très net, non structuré. Par exemple, là où l’exaspération envers les syndicats et la « gauche » était une des clés de l’élargissement du cortège de tête de la Loi travail, la défiance des Gilets jaunes envers ces organisations pose problème car justement ce n’est pas un marqueur idéologique, et donc c’est cela qui leur est reproché, alors pourtant qu’on trouve le même écart aux organisations… mais sans qu’il se voit décerner ses lettres de noblesse par les prétendus « radicaux ». En effet, les Gilets jaunes étant volontairement a-partisans cela rentre en conflit direct avec tout un héritage de luttes. Et comme le rapporte un copain par rapport aux Gilets jaunes, pendant des semaines tu entendais les militants parler de la « manif de beauf » du samedi.

Quant à mes camarades ils me demandent si le risque politique n’est pas grand dans le contexte d’un pays de droite et d’une tendance mondiale au conservatisme. Je n’évalue pas la situation de cette manière et déjà cela marque une rupture. La France reste un pays très à gauche rien que par sa tradition syndicale bien différente que dans d’autres pays. Je me demande quand même si les gens que je connais sont un jour sortis de France ? D’un autre coté, les premières victimes de l’instrumentalisation du mouvement par l’extrême-droite semblent être mes camarades car ils sont en dehors de toute analyse de la société du capital. Certes, la tendance prédominante du mouvement des Gilets jaunes n’est pas à l’attaque du capitalisme mais globalement ce n’est pas un problème de positionnement politique. Macron est le fruit d’une alliance de tous les bords contre les extrêmes. Ceux de gauche qui ont voté pour lui, par dépit ou pas, et qui le soutiennent de fait aujourd’hui contre le mouvement des GJ, me paraissent bien plus inquiétants. Cela fait penser à la manière dont le mouvement italien des années 70 a été battu : par l’alliance démocratique de tous les bords dont le PCI (voir la ligne de fermeté au moment de l’enlèvement d’Aldo Moro contre les BR).

Mais le risque politique semble d’autant plus grand à mes camarades qu’il n’y a pas de guide, pas de « plateforme » ou alors des listes de revendications qui parfois déroutent, voire rebutent. La nature première de cette révolte de fond est là, bien mal appréciée. Ceci surtout provenant de personnes qui peuvent avoir considéré par le passé que formuler des revendications, c’est déjà capituler.

Qu’est-ce qui amène dans un tel mouvement alors ?

D’abord je me rends sur un rond point à Feyzin, je vois que la parole est libre, non cloisonnée et je découvre des gens de tout type. Ni la curiosité, ni une volonté militante n’aura fait bouger mes camarades comme si aller sur un rond-point avait été prendre un risque pour soi-même.

Tu ne rentres pas dans un mouvement sans tes bagages mais tu en abandonnes des aspects rapidement et particulièrement tous les présupposés idéologiques qui te permettent de « tenir » en temps de paix sociale. Or, ce mouvement, c’est un grand saut dans l’inconnu. C’est exactement ce que l’on a pu ressentir à l’approche des samedis, des « Actes » qui contenaient des potentialités que personne ne pouvait anticiper (le négatif à l’œuvre). Ainsi, les GJ ont trouvé rapidement dans le mouvement des certitudes politiques nouvelles. Plus de tracé déclaré aux manifs, une casse assumée collectivement, des moments de solidarité forts, etc.. Dans le fond une révolte non balisée est ce qui semble le plus démobilisateur pour nombre de mes camarades… Cela peut paraître contradictoire à une personne extérieure à tout cela, mais par exemple, la manière dont l’ultra-gauche aura condamné le mouvement a été, selon moi, un révélateur. Cette ultra gauche enfermée dans son discours tout « communisateur » qu’il puisse être, pensait avoir déterminé à l’avance les limites indépassables de ce mouvement « interclassite » (horreur !). Pour elle et pour beaucoup de libertaires, il n’y avait là rien à sauver sauf pour quelques individus isolés ou suffisamment détachés des positions de leurs organisations respectives (qui quelles que soient leurs positions officielles ne se mouillèrent guère en l’affaire, de peur d’un faux pas).

Le mouvement des Gilets jaunes est un évènement au sens fort ; il y aura un avant et un après et ce pour tout le monde : politiques, syndicats, gauche radicale, etc. Je pense que mes camarades le perçoivent mais attendent ; ils ont observé ce mouvement de loin et verront bien : Allons boire un verre dans notre ghetto alternatif…

Gzavier – 19 avril 2019

Un 1er mai orphelin de sa cause

Texte sur le 1er mai 2018 initié au lendemain des manifestations mais ayant mit son temps à être finalisé permettant, finalement, à la fois de ne pas hurler avec les loups mais surtout de développer et préciser ce qui devait l’être grâce à la participation de quelques complices.


 

Certains se souviennent sans doute de l’existence de débats au sortir des contre-sommets (G8, OMC, WEF, FMI, etc.) à propos de la forme d’intervention des black blocs (BB), branche « radicale » de ces rassemblements et qui a marqué de son empreinte (et pas celles des bottes des carabinieri à Gênes) les pratiques militantes autour de « l’altermondialisation ». Cela se situait après les années 90, la fin de l’histoire pour certains, avec le triomphe du capitalisme et pas d’ouverture politique pour la gauche radicale à l’horizon. Ce fut, alors, le triomphe d’un activisme transfrontalier plus qu’internationaliste. Il y a encore sur infokiosques.net des traces des différentes réactions que tout cela suscitait (https://infokiosques.net/contre-sommets) et beaucoup d’autres textes faciles à exhumer (il y a même un spécialiste en BB comme Dupuis-Déri). Lire la suite →