Notes désordonnées sur la cristallisation de novembre 2018

(Il est assez intéressant que mardi 27 novembre la réponse de Macron, à la tête de l’État, à la poursuite des blocages mis en place par les « Gilets jaunes » soit à ce point empêtrée dans les tics et manies de la technostructure, comme si cette formulation extra-terrestre augurait de l’échappement d’une situation grosse donc d’ingouvernabilité, selon le vieil adage qu’une ère de révolution se profile quand les gouvernants ne peuvent plus gouverner et que les gouvernés ne veulent plus l’être)

Mes réflexions sont nées de l’intuition approximative lors de la foire aux fruits oubliés de St-Jean-du-Gard (en Cévennes), le samedi 24 novembre que ce lieu où il y avait foule était peut être l’un de ceux, ce jour-là de forte mobilisation jusque sur les Champs-Élysées à Paris, où il y avait le moins de « gilets jaunes » ; à quoi tenait cette déduction hasardeuse ? Qu’à St-Jean-du-Gard affluait une population qui n’était pas en perdition, quoique certainement en hostilité avec, par exemple l’État nucléaire et son chef, héros de la technostructure. Alors que les « Gilets jaunes » incarnent la bonne volonté flouée, au bord du burn out. L’une cultive un pas de coté, l’autre a les deux pieds dedans.

Mon sentiment, très peu sociologique d’une population en France séparée en trois grandes tendances est le suivant : une est de peu d’intérêt ici, c’est celle qui tire son épingle du jeu, matinée d’élitisme et de cynisme. Quant aux deux autres, l’une anticipe autant que faire se peut sur la dislocation en ayant déjà rompu subjectivement et souvent en pratique avec les principaux déshonneurs de cette vie en société (consommation médiatique, entassement urbain, consommation clinquante, etc. au profit d’une prise en main de son alimentation – jardins potagers – de sa santé), l’autre s’applique à vouloir continuer vaille que vaille, les yeux encore rivés sur un modèle social encore chatoyant et revivifié par la quincaille numérique, parce que rien d’autre ne lui paraît possible, parce qu’elle n’en a pas les moyens, parce qu’elle ne veut pas s’en donner les moyens qui signifieraient l’impossibilité définitive de monter dans l’échelle sociale ou plutôt l’assurance de rétrograder.

L’une est décidément dans l’évitement et le contournement, en se ménageant des marges d’autonomie – au pire des « oasis » – tandis que l’autre, pieds et poings liés dans le salariat, le pavillon à crédit et les traites de la bagnole n’a pas de marge de manœuvre, et de sa « galère » individualisée ne peut que fantasmer (sondage de 85 % d’opinions favorables sur le mouvement des « Gilets jaunes ») sur cette initiative de gens de bonne volonté venue de nulle part.

L’alternatif rentre rarement en conflit ouvert et jusqu’au-boutiste face à l’ordre et l’État : si ce n’est le cas de la Zad de Notre-Dame-des-Landes où la possibilité de pousser jusqu’au bout le refus a été rendu possible aussi par la création de larges marges d’autonomie et de réseaux d’auto-subsistance.

La vie humaine capitalisée ne connaît plus l’art de la subsistance, elle ne connaît que le manque sans cesse reconduit. Et c’est contre cette reconduction, cette fois sous la bannière de la transition écologique, piège et chantage que tout le monde sentait se profiler pour le maintien des mêmes intérêts en place, que des gens anonymes et désarmés disjonctent et se retrouvent (de là à dire que c’est le premier burn out collectif…!).

De là à ce que les deux faces (comme pile et face) de la contradiction sociale (comment mener son existence individuelle sans liberté collective) ne soient plus face-à-face (ou dos à dos ?) mais en résonance ? L’une, s’appropriant des cris de rage de l’autre, la mesure de la petitesse de ses expérimentations pourtant louables mais insuffisantes, et l’autre, lasse d’être acculée s’appropriant l’art de la distance cultivée par la première, non pas pour se dérober au choc mais pour le densifier à l’aide d’une subsistance commune.

Venant, le 29 novembre 2018

Tension vers la communauté humaine et formes de luttes : de Mai-68 à Notre Dame Des Landes ?

Ci-dessous une réponse de J. Wajnsztejn au texte Art et révolution – hier et aujourd’hui de D. Hoss présent sur ce blog. Cette réponse peut aussi être référée à la synthèse critique faite pour les journées d’Eymoutiers autour du thème :  Le capitalisme est-il l’horizon indépassable de l’humanité ?

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Le capitalisme est-il l’horizon indépassable de l’humanité ?

Nous avons jugé bon de rendre compte 1 de ces journées d’échanges organisées à l’initiative de Serge Quadruppani, au village d’Eymoutiers sis près du plateau de Millevaches dit aussi « de la montagne limousine ».

Nous vous en livrons tout d’abord le texte de présentation…

Réchauffement climatique s’accélérant hors de tout contrôle, montée des fanatismes et triomphe de la rapacité d’une hyper-bourgeoisie mondiale, chaque jour s’affirme un peu plus la conscience que des catastrophes vont s’accumuler, menaçant jusqu’à la vie même sur la planète Terre.

Le sentiment d’impuissance n’a peut-être jamais été aussi grand devant un système social qui semble indéboulonnable. Le capitalisme est-il l’horizon indépassable de l’humanité ?

Rencontres autour de livres qui racontent l’histoire et l’avenir d’une idée aussi solide que le capitalisme : sa remise en cause à travers l’auto-organisation des exploités ; de grands moments où la possibilité de rupture est apparue : mai 68 en France et la décennie insurrectionnelle en Italie ; les oppositions présentes à travers les luttes de territoires.

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Notes de bas de page :
  1. publié sur le site Lundi.am le 1er octobre 2018 dans une première version[]

Dynamique de l’espace capitaliste

Cet ensemble de lettres autour des notions de territorialisation/déterritorialsation est ici réintroduite de façon fortuite à partir d’une toute autre question mais il se trouve que cela a fait resurgir des questionnement et discussions menées il y a maintenant plus de deux ans (mai 2013). Ces discussions sont disponibles sur notre blog dans l’échange :

La double voie – partie 1

À noter aussi sur ces points l’article de Philippe Pelletier dans le Libération des géographes daté du premier octobre 2015 dans lequel il appréhende les ZAD comme une tentative de dépasser la contradiction que représenteraient des « territoires utopiques ». Lire la suite →

La double voie – partie 1

Partant de l’annonce d’une discussion au Rémouleur, situé à Bagnolet, sur l’ANI (Accord National Interprofessionel) et notre texte d’Interventions n°11 : Flexisécurité à la française, l’improbable régulation du rapport social capitaliste un débat s’est installé réunissant à la fois les multiples participants à ce dernier texte et des personnes de la revue Temps Critiques. Il interroge, entre autres, la place à accorder à l’ANI et à une lutte comme celle de Notre Dame des Landes.

Les messages se croisant parfois nous les avons remis, simplement, dans un ordre logique.

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